La contrepartie à l’accomplissement d’heures supplémentaires est, en principe, une majoration de salaire.
Elle peut être remplacée en tout ou partie, par un temps de repos dénommé repos compensateur de remplacement
qui ne s’impute alors pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires (art. L 3121-28 et L 3121-30 du code du travail).
Comment peut être mis en place le repos compensateur de remplacement ?
En présence d’un délégué syndical dans l’entreprise, la mise en place du repos compensateur de remplacement nécessite la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention de branche (art. L 3121-33).
Dit autrement, l’employeur ne peut décider unilatéralement de remplacer la majoration de salaire due au titre des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement.
En revanche, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, le droit au repos compensateur de remplacement peut être institué par une décision de l’employeur, sous réserve que le comité social et économique ne s’y oppose pas (art. L 3121-37).
La question s’est posée en jurisprudence de savoir quel est le sort du repos compensateur de remplacement institué par une décision de l’employeur dans l’hypothèse où, postérieurement, un délégué syndical viendrait à être désigné ?
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a eu à répondre à cette interrogation (Cass. soc., 29-1-20, n°18-16001). En l’espèce, un employeur décide d’instaurer, dès 2005, un repos compensateur de remplacement. En 2013, un délégué syndical est désigné dans l’entreprise. Une négociation annuelle obligatoire (NAO) sur le temps de travail est engagée en 2014. Et pour cause, il convient de rappeler que l’existence d’un DS enclenche des NAO (art. L 2142-1 et s.). Aucun accord n’aboutit sur la substitution, de tout ou partie, du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement. Malgré cela, l’employeur continue, postérieurement au 1er janvier 2015, à pratiquer un repos compensateur de remplacement en cas de réalisation d’heures supplémentaires.
L’enjeu de cette question est le suivant : si la décision de l’employeur, remplaçant le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement, est devenue caduque les salariés sont en droit d’obtenir un rappel de salaire pour les heures supplémentaires non payées.
Les partisans du maintien du repos compensateur de remplacement, postérieurement à la désignation d’un DS, faisaient valoir que :
– la désignation d’un DS et l’assujettissement corrélatif de l’employeur à l’obligation annuelle de négocier limitent pour l’avenir la possibilité pour l’employeur de prendre des décisions unilatérales dans les matières traitées au cours de la NAO ;
– pour autant, ces évènements ne peuvent remettre en cause l’application (pour l’avenir) d’une décision de l’employeur instaurée antérieurement à la désignation du DS, et ce, tant qu’il n’y a pas de dénonciation de la décision ou d’accord collectif portant sur le même objet.
Cet argument, visant à distinguer la prise de décision de son application, est balayé par la Cour de cassation.
La Cour de cassation souligne que la décision de l’employeur instaurant un repos compensateur de remplacement prévu à l’article L 3121-37 ne constitue pas un acte soumis aux règles de dénonciation des engagements unilatéraux
. Et pour cause, il ne s’agit pas d’une véritable décision unilatérale
obéissant au régime de la dénonciation dans la mesure où celle-ci ne vise pas à procurer un avantage aux salariés
mais à opter pour une option (le paiement des heures supplémentaires ou l’octroi d’un repos compensateur).
En conséquence, cette décision devient caduque
du fait de la disparition des conditions de son existence résultant de la présence d’un DS, à l’issue d’un délai imparti pour la NAO sur le temps de travail.
Dans la mesure où, en l’espèce, un accord collectif ne s’est pas substitué, dans le délai imparti, à la décision de l’employeur remplaçant le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur, celui-ci a cessé de produire ses effets au 1er janvier 2015, de sorte que le salarié avait droit au paiement des heures supplémentaires accomplies à compter de cette date.
Une décision similaire avait été rendue par la Cour de cassation en 2014 (Cass. soc., 24-6-14, n°13-10301).
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly