Au-delà des aides publiques dont les multinationales peuvent bénéficier dans les pays où elles produisent, ces entreprises s’exonèrent aussi fréquemment de leurs obligations fiscales. Ainsi, selon le rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité pour 2024, au moins 1 000 milliards d’euros ont continué d’être délocalisés vers des paradis fiscaux en 2022. Cela équivaut à 35 % de l’ensemble des bénéfices enregistrés par les entreprises multinationales en dehors de leur pays d’origine.
Le manque à gagner direct en termes de recettes fiscales représenterait 10 % de ce qui est actuellement collecté dans le monde. En Europe, les plus grands perdants à ce petit jeu de cache-cache sont l’Allemagne (pour 17 milliards de dollars en 2020) et la France (9 milliards de dollars).
L’ampleur de ce manque à gagner n’a fait que croître depuis le milieu des années 1990, malgré d’apparentes tentatives pour juguler cette tendance parmi les pays de l’OCDE. La dernière en date réside dans la mise en place d’un impôt minimum mondial de 15 % sur les bénéfices des multinationales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros.
Déjà des dérogations
Mais avant même que l’initiative soit mise en pratique (les pays européens se sont engagés à transcrire ce dispositif dans leur législation pour la fin 2023), il apparaît que ce projet est déjà assorti de limites : la base imposable est réduite les premières années, les multinationales américaines échappent à une partie du dispositif, des pays offrent des crédits d’impôts en parallèle qui permettent de déjouer le taux d’imposition officiel…
À tel point que les chercheurs de l’Observatoire européen de la fiscalité estiment que l’impôt minimum mondial permettra d’augmenter les recettes mondiales provenant de l’impôt sur les sociétés de 4,8 %, soit la moitié seulement de ce qui aurait pu être généré (+ 9,4 %) avec des règles plus strictes. Ce sera autant de ressources en moins pour les politiques publiques (santé, éducation, protection sociale…).