Licenciement pour inaptitude : quand le vice n’est qu’apparent

L’articulation entre l’inaptitude d’un salarié et la procédure de licenciement peut dérouter, entre les conséquences diverses selon l’avis émis par le médecin du travail, et la teneur de l’obligation de reclassement qui incombe à l’employeur. Un arrêt du 7 mai 2024 (Cass. soc., 7-5-24, n°22-20857) illustre la créativité que le droit du travail peut autoriser, au détriment d’une partie.

Les faits sont les suivants : un salarié est engagé comme aide-soignant, il est déclaré inapte à son poste. L’employeur le reclasse sur un poste d’assistant administratif. Le reclassement est assorti d’une période probatoire. Le salarié mettra fin à celle-ci. L’employeur licencie, par la suite, le salarié en se fondant sur l’avis d’inaptitude rendu pour le poste initial.

En appel, le licenciement du salarié est jugé sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

Au moyen de son pourvoi, l’employeur argue que le reclassement d’un salarié inapte, constitutif d’un changement d’emploi peut être assorti d’une période probatoire dès lors que d’une part, le salarié a expressément accepté les modalités du reclassement, et que, d’autre part, la cessation de la période probatoire n’a pas pour effet d’éluder les dispositions protectrices applicables aux salariés déclarés inaptes.

Selon l’employeur, en cas de rupture de la période probatoire pour le deuxième poste (celui proposé au titre de reclassement), l’employeur qui a vainement proposé au salarié d’autres postes, peut prononcer le licenciement de ce dernier, en raison de l’inaptitude de celui-ci à son poste initial, et des refus opposés par lui aux postes proposés.

La Cour de cassation donne raison à l’employeur. Elle affirme que la rupture de la période probatoire à l’occasion d’un changement de poste a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures.

En l’espèce, la rupture de la période probatoire entraînait le retour du salarié à son poste initial, pour lequel il a été déclaré inapte.

Le licenciement fondé sur l’inaptitude du salarié était donc justifié, car il n’a pas été licencié pour inaptitude à son second poste, mais bien au titre du premier pour lequel le médecin du travail avait émis un avis d’inaptitude.

En outre, l’employeur avait bien tenté de reclasser le salarié, mais celui-ci avait refusé plusieurs postes.

Cet arrêt est intéressant, en ce qu’il met en lumière la faculté de l’employeur d’user, avec subtilité, de son pouvoir de licencier.

L’employeur a, de manière habile, utilisé l’avis d’inaptitude formulé à propos du premier poste pour lequel le salarié avait été engagé, afin de le licencier à l’issue d’un changement de fonctions qui finalement s’est révélé insatisfaisant.

Cet arrêt permet également d’apporter une précision sur le terme de «  période probatoire ».

La période probatoire est un terme spécifique qui diffère de la période d’essai par ses effets.

Alors que la rupture de la période d’essai entraîne de facto celle du contrat de travail, ce n’est pas le cas d’une période probatoire. La rupture de la période probatoire entraîne un retour du salarié à ses fonctions initiales (Cass. soc., 30-3-05, n°03-41797).

Le terme de période probatoire s’emploie donc, juridiquement parlant, lorsqu’un salarié change de poste. C’est le même contrat qui se poursuit, donc l’instauration d’une période d’essai n’est pas permise, en revanche l’instauration d’une période probatoire est possible. La rupture de cette dernière n’entraînera pas la rupture du contrat de travail.

Le présent arrêt n’est pas en soi novateur, puisqu’il reprend une solution établie par le passé.

Néanmoins, cette solution appliquée à un licenciement pour inaptitude, peut étonner ou choquer. Elle invite simplement à la vigilance face à un cocontractant qui maîtrise les subtilités de la procédure d’inaptitude et celle du licenciement.

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