Traditionnellement, la Cour de cassation considère que le motif économique du licenciement doit s’apprécier à la date du licenciement. Cependant, la Cour reconnaît qu’il peut être tenu compte d’éléments postérieurs pour cette appréciation.
Par exemple, si un licenciement a été prononcé en prévision de résultats déficitaires et que ceux-ci se sont réellement produits dans les années suivant la rupture du contrat de travail, celui-ci est reconnu régulier (Cass. soc., 26-3-02, n°00-40898).
A l’opposé, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse si les estimations de résultats se sont avérées erronées (Cass. soc., 3-12-14, n°13-19707).
Autre exemple : Lorsque la lettre de licenciement fait état d’une réorganisation liée à des difficultés économiques aggravées par la perte de deux clients qui aura pour conséquence une chute significative du chiffre d’affaires et que les juges constatent que, par la suite, les deux principaux clients de la société avaient continué à recourir à ses prestations. Si le chiffre d’affaires avait fléchi en 2013 d’environ 7% par rapport à l’exercice précédent, il avait ensuite augmenté de 21% en 2014. L’ensemble de ces éléments intervenus postérieurement au licenciement économique est de nature à rendre irrégulière la rupture du contrat (Cass. soc., 11-12-19, n°18-17874).
Quant au cadre d’appréciation des difficultés économiques, celles-ci s’apprécient au niveau de l’entreprise et non de l’établissement. Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques sont appréciées au niveau du secteur d’activité commun avec les entreprises du groupe situées en France, sauf en cas de fraude (art. L 1233-3 du code du travail).
En d’autres termes, en cas de fraude, les entreprises situées hors de France peuvent être prises en compte. La fraude pourrait résulter de la création artificielle de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi.
Attention, des difficultés au niveau du groupe peuvent justifier des licenciements dans une entreprise qui enregistre de bons résultats.
Le groupe se définit comme le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L 233-16 du code de commerce (art. L 2331-1 du code du travail).
En d’autres termes, il faut se référer au groupe tel qu’appréhendé par le législateur à l’article L 2331-1 du code du travail relatif au comité de groupe.
L’article L 2331-1 du code du travail emploie la notion d’entreprise dominante, plus large que celle de société mère, et vise pour déterminer un ensemble économique, d’une part, les entreprises contrôlées, ce qui renvoie à des rapports de nature sociétaire du code de commerce et, d’autre part, des entreprises sous influence dominante, ce qui renvoie à des éléments sociétaires et économiques.
Le législateur et la Cour de cassation retiennent donc une approche capitalistique.
Pour une illustration de la notion de groupe : si une entreprise appartient à un réseau de distribution qui constitue un groupement de commerçants indépendants, se structurant autour d’une association des centres distributeurs Leclerc décidant de l’attribution de l’enseigne à ses adhérents et définissant les orientations globales du réseau, d’un groupement d’achat commun aux centres Leclerc et de coopératives régionales qui assurent des fonctions logistiques au bénéfice des commerçants adhérents, il n’existe pas de liens capitalistiques entre les sociétés, ni de rapport de domination d’une entreprise sur les autres.
Ainsi, dans une telle circonstance, il n’est pas possible de reconnaître l’existence d’un groupe (Cass. soc., 16-11-16, n°14-30063).
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly