Licenciement économique collectif : le principe d’égalité de traitement à ne pas prendre à la légère !

Les grands licenciements économiques dans les entreprises d’au moins 50 salariés représentent un certain enjeu pour les salariés concernés. Ceux-ci, en vertu de l’article L 1233-61, vont bénéficier d’un PSE, avec un panel de mesures visant à faciliter leur rebondissement.

Opération complexe qu’est l’élaboration d’un PSE, un employeur pourrait bien être tenté d’en réduire l’étendue. Erreur ! En témoigne un arrêt du 26 juin 2024 (Cass. soc., 26-6-24, n°22-20521).

Les faits sont les suivants : un salarié fait l’objet d’un licenciement économique aux côtés d’un autre salarié.

Le licenciement des 2 salariés constitue un premier projet de licenciement. Au cours de la procédure de licenciement, un second projet de licenciement économique est présenté au CSE. Cette fois le projet concerne une trentaine de salariés, il est assorti d’un PSE.

Le salarié licencié lors du premier projet saisit le juge afin de demander des dommages-intérêts pour rupture d’égalité de traitement, et aussi pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En appel, l’employeur est condamné à verser au salarié des dommages-intérêts pour inégalité de traitement. L’employeur forme en conséquence un pourvoi en cassation.

A l’appui du pourvoi, il avance que la présentation d’un nouveau projet de licenciement économique, moins de 30 jours après la procédure de consultation d’un premier projet, n’implique pas de réitérer la première consultation qui s’est achevée, ni d’intégrer les salariés visés par le premier projet, dans le second.

En l’espèce donc, selon l’employeur, les deux salariés concernés par le premier projet de licenciement économique ne devaient pas être intégrés au second projet qui lui était un licenciement collectif avec PSE.

La Cour de cassation rejette l’argument de l’employeur, et confirme ainsi l’arrêt de cour d’appel.

Au visa de l’article L 1233-61 relatif à l’élaboration d’un PSE, la Cour dit pour droit que le PSE ne peut pas s’appliquer à un salarié dont le contrat a été rompu avant son adoption, mais qu’un salarié qui a été privé du bénéfice de ce PSE, en raison des conditions de son licenciement, peut en demander la réparation.

En l’espèce, les juges ayant relevé que les 2 projets ont été successivement présentés à moins de 30 jours d’intervalle, les salariés étaient dans la même situation eu égard aux mêmes difficultés économiques. Le salarié visé par le premier projet de licenciement avait donc été injustement privé du bénéfice du PSE, et notamment de l’indemnité de licenciement supra-légale dont avaient bénéficié ses collègues.

A travers cet arrêt, on comprend que le principe d’égalité de traitement a une résonnance toute particulière en droit du travail, et qu’il peut être invoqué même à l’occasion d’un licenciement économique.

La solution de la Cour est favorable au salarié et elle se comprend. Il était difficile pour l’employeur de justifier en quoi les 2 projets successifs de licenciement étaient différents, et surtout pourquoi les 2 salariés du premier projet n’avaient pas été inclus dans le grand licenciement collectif.

En matière de licenciement collectif, ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se prononce sur l’égalité de traitement. Dans 2 arrêts rendus le 29 juin 2017 (Cass. soc., 29-6-17, n°16-12007, n°15-21008), la Cour a en revanche estimé que les salariés licenciés en vertu d’un premier PSE, ne pouvaient revendiquer les avantages plus favorables dont ont bénéficié des salariés licenciés dans le cadre d’un second PSE élaboré ultérieurement à l’occasion d’une procédure de licenciement distincte.

Dans ce cas-là, les salariés des 2 vagues de licenciement ne sont pas placés dans une situation identique, estime la Cour de cassation.

En effet, la Cour énonce, dans sa note explicative, que même s’ils prennent place au sein d’une même entreprise, chacun des PSE successifs est établi en fonction des besoins des salariés concernés par chacune des procédures et des moyens de l’entreprise ou du groupe évalués au moment de leur élaboration ; et qu’en outre les PSE successifs ont été soumis à chaque fois à la consultation des institutions représentatives du personnel qui peuvent en demander l’amélioration.

En conséquence, d’une procédure de licenciement économique collectif à une autre dans une même entreprise, les salariés licenciés ne sont pas placés dans une situation identique propre à leur permettre de revendiquer les avantages d’un plan de sauvegarde de l’emploi élaboré dans le cadre d’une procédure qui ne les a pas concernés.

La situation n’est pas la même que dans l’arrêt du 26 juin commenté dans le focus, puisque dans celui-ci, des salariés ont été purement et simplement exclus du bénéfice d’un PSE, sans explication convaincante.

A titre de conclusion, on formulera que le principe d’égalité de traitement a une importance particulière, dont le respect par l’employeur lui éviterait bien des problèmes.

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