La lutte des classes n’a pas commencé avec la révolution industrielle et l’émergence du capitalisme. Dès l’Antiquité, paysans pauvres et esclaves se sont révoltés contre l’oppression des puissants.
Si Spartacus est le plus connu des révoltés de l’Antiquité, il ne fut ni le premier ni le dernier durant cette période où l’esclavagisme était la norme dans presque tout le monde connu. De multiples soulèvements auront lieu en effet. Parmi ceux-là, en 933 avant J.C. des paysans juifs se révoltent en Judée contre les corvées. En 510 avant J.C., les esclaves se soulèvent à Athènes, cela participera (avec l’aide de la rivale Sparte) à faire tomber la tyrannie. Neuf ans plus tard, leurs homologues de Rome occupent le Capitole. Ils seront tous crucifiés. Deux autres révoltes auront lieu à Rome au Ve siècle avant J.C. et seront réprimées de la même façon.
L’esclavage antique est, entre autres, le fruit de la guerre. Les prisonniers, quand ils ne sont pas massacrés, deviennent des esclaves. Ainsi, au IIe siècle avant J.C. le nombre d’esclaves augmente considérablement dans un empire romain en pleine expansion (150 000 Grecs, 50 000 Carthaginois…). Ces masses serviles sont acquises par des propriétaires fonciers qui les utilisent comme ouvriers agricoles, bergers et ouvriers dans les ateliers. Certains ont la « chance » de devenir domestiques dans les demeures urbaines. Certains servent en plus aux plaisirs de leurs maîtres.
Une première grande révolte servile éclate au Latium et en Étrurie (Italie centrale) en 198 avant J.C., puis une autre en Apulie (Italie méridionale) sept ans plus tard, toutes deux lourdement réprimées. Les immenses latifundia de l’Italie du Sud et de la Sicile génèrent une multiplication d’esclaves venus des quatre coins de l’Empire. En 135 avant J.C., l’esclave syrien Eunus soulève ses frères de misère, en arme des milliers, massacre les grands propriétaires et se proclame roi de Sicile. Les légions romaines mettront trois ans à venir à bout de cette révolte.
En 104 avant J.C. éclate la deuxième guerre servile de Sicile sous la conduite du Syrien Salvius, dit Tryphon, et du Grec Athenion. Ils sont alors 40 000 à ravager l’île, et les dernières bandes de révoltés seront massacrées au bout de trois ans. Les ouvriers agricoles juifs d’Israël se révoltent eux aussi contre leurs maîtres juifs et romains entre 167 et 164 avant J.C. Il est probable qu’il y ait eu de nombreuses révoltes en Chine et en Inde à la même époque, mais nous manquons de témoignages.
L’épopée de Spartacus
Ce dernier était un berger thrace devenu soldat auxiliaire dans l’armée romaine. Mais il déserta et, repris, fut asservi. L’homme était une véritable force de la nature et on l’obligea donc à devenir gladiateur dans la ville de Capoue. À l’été 73 avant J.C., il s’évade avec 73 de ses compagnons gladiateurs. Armés, ils massacrent la police de la ville et se réfugient sur les pentes du Vésuve.
À l’annonce de cette révolte, Spartacus est rejoint par des milliers d’esclaves, de gladiateurs et même de petits paysans libres. Les 3 000 soldats envoyés contre eux sont battus à plusieurs reprises. À l’automne, Spartacus dirige 40 000 hommes et occupe toute la Campanie (région de Naples). Pour les déshérités de la région, il met en place une réforme agraire avec déjà « la terre aux paysans ». Mais pour les ex-esclaves non romains, il veut quitter l’Empire pour que ses hommes puissent rentrer dans leur patrie. Il remonte alors vers le Nord, battant plusieurs légions romaines dans les Abruzzes et la plaine du Pô. Cependant, il commet l’erreur tactique de redescendre dans le Sud. Rome prend peur et charge le riche préteur Crassus d’armer 50 000 hommes.
Spartacus veut alors passer en Sicile pour y libérer les dizaines de milliers d’esclaves. Mais les pirates qui devaient lui faire passer le détroit de Messine le trahissent. En mars 71, l’armée des révoltés est écrasée et 6 000 prisonniers sont crucifiés sur la Via Appia, la route qui mène de Capoue à Rome. Une dernière grande révolte servile aura lieu en Sicile en 35 avant J.C.
L’Empire romain connaîtra sur sa fin d’autres révoltes. Celle comptant des ouvriers agricoles gaulois, mais aussi des esclaves, dirigée par Tibatto, de 435 à 437 après J.C. L’Empire, alors qu’il devient chrétien, connaîtra aussi des révoltes sociales-religieuses dirigées par des prêtres et des évêques schismatiques qui dénonceront la collusion de l’Église et de l’État, tout au long du IVe siècle. Après les révoltes de l’Antiquité viendra le temps des jacqueries et différentes révoltes paysannes et ouvrières au Moyen Âge.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly