Les jeunes donnent de la voix contre la réforme du code du travail

El Khomri, t’es foutue, la jeunesse est dans la rue », c’est sûr. Le slogan, adressé à la ministre du Travail, a un air de déjà-vu. Mais il est toujours aussi efficace.

Surtout lorsque les lycéens se mobilisent en nombre pour le scander. C’était le cas ce mercredi matin dans les rues de Perpignan. Après l’appel citoyen lancé sur Internet, les jeunes étaient légion à s’être réunis vers 10 heures sur la place Catalogne. « Le projet de loi El Khomri impacte notre présent. Les apprentis vont devoir passer de 35 à 40 heures de travail hebdomadaires sans compensation, explique le représentant local de l’Union nationale lycéenne, Esaïe Dahmane. Mais il impacte aussi notre futur, car il va permettre de licencier ceux qui viennent d’arriver sur le marché du travail plus facilement. Ça va encore aggraver la précarité chez les jeunes. »

« Marseillaise » lycéenne

Les lycéens n’étaient pas non plus les seuls à avoir répondu à l’appel numérique. Le bouche-à-oreille aidant, d’autres citoyens s’étaient joints à eux. Au même titre que certains des syndicalistes qui ne prévoyaient de se rassembler qu’à 11h30. Sur le chemin de la préfecture, les pancartes étaient éloquentes. « Faire l’amour tous les cinq ans n’est pas une vie sexuelle. Voter tous les cinq ans n’est pas une démocratie », mentionnait par exemple l’une d’entre elles. « Ne vivons plus comme des esclaves », renchérissait une autre.

Une fois arrivé sous les fenêtres de la préfète, le cortège, rejoint entre autres par les cheminots, a encore grossi. Au plus fort de la mobilisation, ils étaient entre 1500 et 3000 à entonner slogans, Marseillaise et autres chants révolutionnaires.

En tête du cortège du début à la fin, les lycéens n’ont pas été les derniers à mettre l’ambiance. Mais au-delà de la dimension festive qu’ils ont insufflée à la manifestation, les jeunes savaient très bien pourquoi ils étaient là. Et lorsqu’ils évoquent le projet de réforme du code du travail, ça fait des étincelles.

« On revient au temps de l’esclavage ! »

« Avec cette loi, on reviendrait au temps de l’esclavage, s’insurge par exemple Ulysse, 19 ans, élève en terminale au lycée Picasso et militant communiste. Si ce texte est adopté, il sera possible de travailler 60 heures par semaine. C’est bien de travailler. Mais se tuer à la tâche et ne plus avoir de vie de famille, je n’appelle pas ça du travail. » Également élève à Pablo-Picasso, Sébastien, 17 ans, est tout aussi remonté : « Je trouve les dispositions de ce projet de loi handicapantes pour mon avenir. Si les gens bossent plus pour gagner moins, il y aura moins de travail sur le marché. Ça va nous emmener vers encore plus de précarité. » La Perpignanaise Mélissa, 17 ans, acquiesce : « Je passe le bac à la fin de l’année. Mais j’ai décidé de venir quand même aujourd’hui car c’est important pour mon avenir. S’il y a d’autres manifestations, j’y serai aussi. Et s’il le faut, j’irai frapper à chaque porte du lycée pour mobiliser du monde ! » Mélissa peut d’ores et déjà se mettre au travail. Une nouvelle manifestation contre le projet de loi dit El Khomri est prévue le 31 mars prochain. Un collectif destiné à organiser la mobilisation lycéenne est en cours de constitution.

« Nous ne négocierons pas la longueur de la chaîne et le poids du boulet »

Lors de la manifestation d’hier matin, les responsables syndicaux des P.-O. ont également condamné avec force le projet de loi Travail, dont ils réclament le retrait pur et simple.

Extraits choisis.

Pierre Place, de la CGT : « Ils nous croyaient résignés. Ils nous voient indignés et ils nous verront révoltés ! Ce combat-là, on le gagnera comme celui contre le CPE : ensemble. »

Jérôme Capdevielle, de FO : « La loi El Khomri contient un cortège de régressions historiques. Le Medef en avait rêvé et le gouvernement compte le réaliser. C’est un texte profondément dangereux. Nous ne négocierons pas la longueur de la chaîne et le poids du boulet ! »

Annie Hesnard, de Solidaires : « Ce projet de loi est le plus dangereux auquel nous avons été confrontés depuis 30 ans. C’est un retour au XIXe siècle ! »

Grégory Raynal, de la FSU : « Cette fronde dépasse largement le cadre syndical. Ce projet de loi contient des mesures qui vont à l’encontre des propos que nos dirigeants tenaient il y a encore quelques mois. C’est la parole publique qui est remise en cause. L’extrême-droite se frotte les mains. »

Edmond Harlé, de la CFTC : « Le plus grave dans ce projet de loi, c’est qu’il autoriserait les licenciements économiques non seulement en cas de baisse d’activité, mais aussi lors des réorganisations destinées à assurer la compétitivité de l’entreprise. Tout cela est tellement vague que ça remet en question le contrat de travail à durée indéterminée (CDI). »

CHEMINOTS

La convergence des luttes

Hier matin, les représentants syndicaux FO, Unsa, et CGT cheminots devaient déposer en préfecture une motion concernant leurs craintes et leurs revendications au sujet de l’évolution de la SNCF. « Le gouvernement a établi un “décret socle” qui est censé établir des règles de travail entre la SNCF et les entreprises privées amenées à nous prendre des marchés, expliquait un délégué syndical. Ce décret qui détermine les minima pour la sécurité des trains et les droits sociaux, afin notamment d’éviter le dumping social, est bien trop bas. Nous ne pouvons l’accepter. Nous sommes pour le principe d’un socle minima, mais là il est vraiment trop a minima. » Revoir ce décret socle, n’est pas le seul combat des cheminots dont une partie était hier en grève. L’emploi est aussi au coeur des revendications, et bien entendu le refus de la loi El Khomri. « Ils veulent nous renvoyer 80 ans en arrière, fustigeait un retraité cheminot CGT. Mais attention, on s’attaque à du gros, on va entrer dans le dur. Seul le rapport de force pourra faire plier le gouvernement. Il y a aujourd’hui une attaque générale et frontale envers les travailleurs, il faut s’unir pour faire un front commun. » Les cheminots veulent maintenant obtenir une « convergence des luttes » entre salariés du public, du privé, mais aussi les retraités et les étudiants. Pour les syndicats, c’est le seul levier qui pourra porter la voix et les exigences des travailleurs et des citoyens.

L’Indépendant – Edition du 10 mars 2016 – Denis Dupont

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