Les jacqueries, révoltes paysannes


La France médiévale a été secouée par nombre de révoltes paysannes qui ont été sauvagement réprimées par la noblesse et le pouvoir. Ces mouvements sociaux agraires viennent de l’Antiquité et perdurent aujourd’hui de par le monde [1].

« Jacquerie » vient du prénom Jacques. Sous l’Ancien régime il s’agissait d’un sobriquet péjoratif employé par les nobles pour désigner leurs paysans, serfs ou libres. Aujourd’hui on parlerait de bouseux, de péquenots.

La « Jacquerie » a été employée pour qualifier la grande révolte paysanne du 28 mai au 10 juin 1358. Les textes de l’époque parlent de « grande jacquerie ». Elle fut dirigée par Guillaume Carle, appelé Jacques Bonhomme par ses adversaires, et celui-ci prend la tête d’une révolte paysanne dans le village de Saint-Leu-d’Esserent. Le mouvement s’étend à l’Île-de-France, la Picardie, la Champagne, l’Artois et la Normandie.

Cette révolte arrive dix ans après la peste noire qui a saigné villes et villages, dans le contexte de la guerre de Cent ans. Quand les armées ne sont pas payées, elles pillent les villages, volent les récoltes et rançonnent les paysans. En prime, le roi français Jean II le Bon vient d’être fait prisonnier par les Anglais et pour payer la rançon, le gouvernement augmente les taxes et les impôts. Trop, c’est trop. La révolte est sauvage. Les châteaux sont pris, brûlés. Les nobles sont lynchés, leurs femmes violées et leurs enfants tués. La répression sera aussi féroce que la peur qu’elle a engendrée dans la noblesse. Les 9 et 10 juin, l’armée paysanne est écrasée par Charles le Mauvais au village de Mello dans l’Oise. Il n’y aura pas de prisonniers.

Les causes des Jacqueries sont quasi toujours les mêmes : une augmentation des impôts, surtout quand les récoltes sont mauvaises et que la famine rôde, les exactions des armées en guerre qui se servent sur le terrain. Armées ennemies, mais aussi armées de son propre pays. Les Jacqueries sont anti-fiscales et anti-militaires, rarement politiques.

En tout temps, en tous lieux

Les textes font état de révoltes paysannes dans l’Antiquité, de la Chine à l’Empire romain, en passant par la Perse et la Grèce. En France, la première grande révolte secoue la Normandie dès 996, puis en 1095. Laon est touchée en 1175, la Picardie en 1251. Pour la première fois en 1320, les révoltes touchent des régions très différentes : Normandie, Limousin et Périgord. La région de Nevers en 1346. La Corse en 1358, puis le Languedoc durant une longue guérilla paysanne de 1381 à 1384.

À chaque fois que le féodalisme est sévère, les révoltes se multiplient. Mais à la fin du Moyen Age, ce système est remplacé par le centralisme et l’absolutisme royal. Ce dernier est encore plus avide de taxes et d’impôts pour financer ses guerres. Sous le gouvernement de Richelieu durant la guerre de Trente ans et la reprise des guerres de religion, on assiste à la révolte des Croquants du Quercy en 1634 et cinq ans plus tard au soulèvement des Va-nu-pieds simultanément en Normandie, Auvergne, Rouergue, Dauphiné, Vallée du Rhône et Languedoc.

Durant la Fronde, les grands seigneurs se soulèvent contre Louis XIII. Mais les paysans eux vont se rebeller en 1648-1649 contre ce conflit politique dont ils subissent les mesures fiscales et militaires.

La Chouannerie (1792-1798) est un peu différente. Les paysans de l’Ouest, très pauvres, manipulés par les ennemis de la République (royalistes, curés réfractaires et Grande-Bretagne) refusent de quitter leurs pauvres fermes pour répondre à la conscription obligatoire. Ils ne veulent pas mourir pour la bourgeoisie révolutionnaire parisienne et aller au front dans l’Est de la France.

La dernière grande révolte agraire aura lieu en 1907 dans ce que l’on appelle la « Commune de Narbonne ». Les vignerons du Languedoc se soulèvent et l’armée est obligée d’intervenir.

L’apparition du mouvement autonomiste-indépendantiste corse dans les années 1970 aura aussi à l’origine une base paysanne forte. A noter que dans d’autres pays, la Jacquerie prendra une autre forme : celle des bandits d’honneur issus de la population paysanne montagnarde : les bandits corses, siciliens, calabrais, les Haïdouks bulgares, les Kleftes grecs, qui prenaient le maquis et assassinaient les collecteurs d’impôts. Les premiers deviendront l’ossature des mafias, les seconds celle du mouvement révolutionnaire balkanique (partis agrariens, socialistes, communistes).


[1] Sur cette question, lire : Pierre Blanc : Terres, pouvoirs et conflits. Une agro-histoire du monde, Paris, Presses de la FNSP, 2018, 380 p., 19 €.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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