En revalorisant encore cette année les pensions complémentaires à un niveau proche de l’inflation, les interlocuteurs sociaux gestionnaires de l’Agirc-Arrco contribuent au pouvoir d’achat des retraités et font la démonstration d’une gestion paritaire responsable. Un message au gouvernement à l’heure où celui-ci essaie de bloquer les retraites de base, explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé des retraites et négociateur pour l’Agirc-Arrco.
Le 1er novembre 2024, les pensions de retraite complémentaires des salariés du secteur privé ont été revalorisées de 1,6%. Syndicats et organisations patronales gestionnaires de l’Agirc-Arrco l’avaient décidé lors du conseil d’administration qui s’est tenu le 15 octobre. Force ouvrière a voté pour car cette revalorisation était proche de l’inflation 2024 prévue par l’Insee au mois d’octobre (1,8%), explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé des retraites et négociateur pour l’Agirc-Arrco.
Droits réels et message au gouvernement
Cette augmentation des pensions complémentaires a d’abord des conséquences concrètes pour les retraités. Pour une pension de 800 euros par mois, elle représente près de 13 euros supplémentaires. La mesure décidée a en quelque sorte aussi valeur de message adressé au gouvernement. A l’inverse du gouvernement, qui souhaite reporter de six mois la revalorisation des pensions de base du régime général, nous revalorisons dès maintenant les retraites complémentaires, au plus près de l’inflation, déclare Michel Beaugas. Tout cela en maintenant les équilibres du régime à long terme. Quand le gouvernement laisse la main aux interlocuteurs sociaux – à l’inverse de ce qu’il fait avec l’assurance chômage –, ils savent prendre leurs responsabilités, analyse le secrétaire confédéral FO.
Progression des droits
La revalorisation de 2024 suit plusieurs avancées obtenues l’année dernière. Fin 2023, les interlocuteurs sociaux – dont FO – avaient en effet décidé de revaloriser les retraites complémentaires de 4,9% ce qui couvrait donc l’inflation ; de supprimer le malus de 10% instauré en 2019 pour les salariés partant à la retraite à l’âge légal ; et de permettre aux travailleurs cumulant emploi et retraite d’acquérir de nouveaux droits à la retraite complémentaire.
Les interlocuteurs sociaux avaient aussi bloqué la tentative du gouvernement de ponctionner les réserves de l’Agirc-Arrco pour renflouer le régime général, affirmant ainsi avec force leur autonomie de gestion. Cette année, on parle moins de ponction, même si nous ne sommes jamais certains que cette option soit écartée tant l’État cherche des fonds, explique Michel Beaugas. S’il est acté que l’État ne peut prendre dans les réserves de l’Agirc-Arrco, il peut en revanche moins compenser les exonérations de charges sur les bas salaires. Le projet de loi de finance de la Sécurité sociale (PLFSS) ne prévoit rien de tel pour le moment, constate Michel Beaugas.
Négociation cadrée
Toutes ces avancées sociales – et leur préservation- sont le fruit d’une intense négociation à l’intérieur d’un cadre que les interlocuteurs sociaux ont eux-mêmes posé qui garantit la pérennité du régime. Pour obtenir que le point Agirc-Arrco progresse de 1,6% le 1er novembre dernier, les syndicats ont activé tous les leviers de négociation que leur octroie l’accord national interprofessionnel du 5 octobre 2023, signé par FO. Cet accord prévoit en effet que le point évolue chaque année comme les prix à la consommation hors tabac estimée pour l’année en cours moins un facteur de soutenabilité de 0,4 point. Une sous-indexation qui vise à garantir un équilibre à long terme du régime. Dans cette perspective, l’Agirc-Arrco doit disposer de six mois de trésorerie sur un horizon de 15 ans. Si les interlocuteurs sociaux s’en étaient tenus à cette règle, et compte tenu de l’inflation 2024 prévue en octobre (1,8%), la revalorisation des pensions se serait limitée à 1,4%. Mais les signataires de l’ANI de 2023 ont aussi prévu un pilotage tactique, qui permet au conseil d’administration de faire varier le facteur de soutenabilité de 0,4 point à 0 point, sans jamais, toutefois, dépasser l’évolution des salaires ni faire baisser le point en valeur absolue. Le 15 octobre, le conseil d’administration pouvait donc décider une revalorisation entre 1,4% et 1,8%. C’était la marge de négociation des interlocuteurs sociaux. FO demandait 1,8%. A +1,8%, nous respections toujours la règle des six mois de trésorerie, fait valoir Michel Beaugas.
Unanimité syndicale nécessaire mais non suffisante
Le patronat ne l’entendait pas ainsi. Ils ont d’abord demandé une augmentation de 1%, arguant, selon une lecture erronée de l’accord de 2023, que la marge de manœuvre du conseil d’administration est de 0,4 point après application du facteur de soutenabilité de 0,4 point, raconte Michel Beaugas. De négociation en interruptions de séance, une solution émerge à 1,6%. Une voie médiane pour la meilleure revalorisation possible des pensions, estime le négociateur de FO. Mais le Medef et la CPME disaient qu’ils ne signeraient pas. Pour obtenir la majorité au conseil d’administration, il n’y a pas le choix. Il faut une voix patronale et toutes celles des syndicats. Pour l’une des organisations syndicales, qui n’avait jamais voté favorablement auparavant, camper sur cette position revenait à priver les retraités d’une augmentation de la pension complémentaire. Toutes les organisations syndicales ainsi que le patronat de l’U2P ont finalement voté la revalorisation.