Les 80 ans du CNRS


Le plus grand organisme public français de recherche scientifique vient de célébrer son anniversaire. Mais il doit faire face à la concurrence du privé et à un manque récurrent de moyens [1].

Le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) est un établissement public à caractère scientifique et technologique sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Il a été créé par le décret-loi du 19 octobre 1939 pour « coordonner l’activité des laboratoires en vue de tirer un rendement plus élevé de la recherche scientifique ». Il est né de la volonté de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale du Front populaire et de sa sous-secrétaire d’État, Irène Joliot-Curie. Au départ, il devait essentiellement travailler aux besoins de l’armée. C’est pour cette raison que le régime de Vichy ne l’a pas dissous. À la Libération de Gaulle reprend les choses en main et nomme à sa direction le prix Nobel 1935, Frédéric Joliot-Curie, alors compagnon de route du PCF. Le CNRS s’oriente alors résolument vers la recherche fondamentale.

Mais le problème de cette recherche fondamentale, c’est qu’elle est très coûteuse et manque de moyens car le secteur privé, et en particulier les grands groupes pharmaceutiques, préfère financer la recherche appliquée qui elle procure de gros bénéfices à court terme. Mais sans recherche fondamentale, à moyen et long termes l’appliquée manquera de bases scientifiques pour ses travaux.

De Gaulle, comprenant bien le problème, double le budget du CNRS de 1959 à 1962. Le Centre s’agrandit et donne naissance en 1967 à l’Institut national d’astronomie et en 1971 à celui de physique nucléaire, dans l’esprit gaullien de l’indépendance nationale au niveau de l’indépendance énergétique et de l’espace. Par ailleurs, le Centre s’ouvre dès 1966 aux universités en lançant des laboratoires soutenus par ses services : les fameuses UMR (Unités mixtes de recherche).

Pour trouver des financements extérieurs, le CNRS, dès 1975, signe des accords avec l’industrie privée. Le premier avec Rhône Poulenc. En 1982, pour protéger les employés, la loi du 15 juillet, dite « loi Chevènement », fait passer les chercheurs sous le régime de la fonction publique, avec le même statut que celui des professeurs d’université.

Le nerf de la guerre

Le premier directeur du CNRS en 1939 était Henri Longchambre. Aujourd’hui, il est dirigé par un mathématicien de 60 ans, Antoine Petit. Le but du Centre est d’évaluer, d’effectuer ou de faire effectuer toutes les recherches présentant un intérêt pour l’avancement de la science ainsi que le progrès économique, social et culturel du pays. Vaste programme comme disait le général de Gaulle !

D’après un sondage de 2009 réalisé par la Sofres, le niveau de confiance des Français vis-à-vis du CNRS était de 90 %, contre 31 % pour le gouvernement et 23 % pour les partis politiques.

Aujourd’hui, le CNRS c’est dix instituts par matière [2], plus de 1 000 laboratoires, dont 1 151 UMR en France et à l’étranger en liaison avec des universités, des fondations, des entreprises, 32 000 employés dont 43 % de femmes et un budget de 3,5 milliards d’euros (chiffres 2015). Cette somme pourrait paraître importante, mais le seul centre de recherche de l’université de Californie dispose d’un budget équivalent !

Pour mieux se faire connaître du grand public, le CNRS a créé sa propre maison d’édition en 1986, avec une collection de poche depuis 2002, « CNRS Plus ». On y retrouve des milliers d’auteurs, des dizaines de revues et cent cinquante ouvrages publiés chaque année, pour un chiffre d’affaires 2017 de 1,5 million d’euros.

Mais en 2012, l’Académie des sciences avait pointé du doigt le poids grandissant de la bureaucratie. D’autant que la recherche privée, financée par quelques grands groupes, attire les chercheurs par de meilleurs salaires et des laboratoires richement équipés. Par ailleurs, l’État se doit aussi de financer ses autres centres de recherche comme le CNES (espace), CEA (atome), INSERM (santé), Météo-France, IFREMER (océan), IGN (géographie)…, eux aussi très gourmands en dotations.

Le CNRS est aujourd’hui face à une évolution, devant à la fois jongler entre les nouvelles thématiques de la science fondamentale et l’émergence de nouveaux sujets sociétaux.


[1] Pour en savoir plus : Denis Guthlebeu, Histoire du CNRS de 1939 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2013.

[2] Biologie, chimie, écologie, sciences humaines et sociales, sciences de l’information, sciences de l’ingénierie, mathématique, physique, nucléaire, énergie.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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