La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur sur le plan contractuel ne peut résulter que de sa faute lourde.
Ainsi, un employeur ne peut retenir sur le salaire d’un travailleur le coût du renouvellement d’un badge lorsque celui-ci l’a détérioré (Cass. soc., 20-4-05, n°03-40069 ; Cass. soc., 23-11-22, n°20-22586 : la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne pouvant résulter que de sa faute lourde, le licenciement fondé sur une faute grave ne permet pas d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié, de sorte qu’il convient de débouter l’employeur de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect par le salarié de ses obligations de loyauté et d’exclusivité).
Ce principe vaut également pour le droit à compensation prévu aux articles L 3251-1 et L 3251-2 du code du travail.
La faute lourde se définit comme celle commise par le salarié dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Partant de là, un simple manquement, une faute légère, voire une faute grave du travailleur ne suffiront pas à engager sa responsabilité pécuniaire à l’égard de l’employeur sur le plan contractuel.
L’intention de nuire ne peut résulter de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise (Cass. soc., 22-10-15 n°14-11801).
En effet, il ne suffit pas qu’un préjudice soit constaté à l’encontre de l’entreprise, il faut que l’élément intentionnel soit établi. Il a ainsi été jugé que le détournement par un salarié de fonds appartenant à l’entreprise ne suffit pas à établir l’existence d’une faute lourde, il est nécessaire de démontrer qu’en commettant ce détournement, le salarié a eu l’intention de nuire à l’employeur (Cass. soc., 6-7-99, n°97-42815). Si un doute subsiste sur l’intention de nuire, il doit profiter au salarié et la faute lourde doit être écartée.
Cette exigence d’une faute lourde, élevée au rang de principe d’ordre public, permet de faire échec à la mise en œuvre des clauses prévoyant d’engager la responsabilité personnelle du salarié sur le plan contractuel quelle que soit la nature de la faute commise.
Les juges écartent par exemple, l’application d’une clause d’un contrat de travail prévoyant la prise en charge par le salarié de la franchise résultant d’un accident de la circulation survenu avec un véhicule de la société dès lors qu’il n’est pas établi qu’il avait été provoqué par sa faute lourde (Cass. soc., 10-11-92, n°89-40253).
A l’opposé, lorsqu’un salarié est déclaré coupable sur le plan pénal d’une infraction commise dans le cadre du travail, et que l’employeur demande l’indemnisation du préjudice directement causé par cette infraction, le juge doit se prononcer sans avoir à caractériser ni la faute lourde, ni l’intention de nuire du salarié à l’encontre de l’employeur, partie civile. Autrement dit, le juge pénal peut condamner un salarié à indemniser son employeur pour une infraction sans caractériser sa faute lourde (Cass. crim., 14-1-25, n°24-81365).
En l’espèce, le salarié avait été déclaré coupable, lors d’un accident de la circulation durant le travail, d’avoir conduit un véhicule de la société en ayant fait usage de cannabis, en récidive, et conduit un véhicule à une vitesse excessive. L’employeur (partie civile) était en droit d’obtenir une indemnisation de son préjudice résultant de la détérioration du véhicule de la société devant le juge pénal : le salarié a été condamné à payer à la société les sommes de 10 262,40 euros en réparation du préjudice matériel (opération de dépannage), 73 359,38 euros en réparation du préjudice matériel (réparation du tracteur DAF) et 35 477,35 euros en réparation du préjudice matériel (réparation de la remorque et du container).
La chambre criminelle de la Cour de cassation relève que l’indemnisation de ce préjudice ne constitue pas une sanction pécuniaire interdite par l’article L 1331-2 du code du travail, mais la réparation d’un dommage causé à une partie civile par les infractions constatées.