L’employeur peut-il demander le remboursement d’un trop-perçu versé au salarié ?


La Cour de cassation a déjà jugé que le caractère volontaire et persistant de la dissimulation à l’employeur de l’existence d’un trop-perçu de rémunération, y compris après la réclamation par l’employeur du trop-perçu pour une partie de la période concernée, peut constituer une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. soc., 11-9-19, n°18-19522).

Lorsque l’employeur verse une rémunération au salarié supérieure à ce qu’il peut réellement prétendre, celui-ci est fondé à demander le remboursement du trop-perçu, y compris lorsque ce trop-perçu a été versé, par erreur, pendant plusieurs années.

L’employeur peut opérer des retenues sur le salaire dans la limite des portions saisissables du salaire.

Les proportions dans lesquelles les rémunérations peuvent être saisies sont fixées chaque année par décret (pour l’année 2019 : décret n°2018-1156 du 14 décembre 2018 révisant le barème des saisies et cessions des rémunérations, JO du 16-12-18).

En tout état de cause, il doit rester au salarié une somme égale au montant du RSA pour un salarié seul. En revanche, pour toutes les sommes qui n’ont pas le caractère de salaire (ex : indemnités de licenciement…), la compensation peut être intégrale.

A noter que le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l’exercice par son auteur de l’action en répétition de l’indu (Cass. soc., 17-5-11, n°10-12852).

Également, l’absence de faute de l’employeur n’est pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu.

L’employeur peut demander le remboursement du trop-perçu dans la limite de la prescription des salaires, soit 3 ans.

Compensation sur salaire pour fournitures

L’employeur ne peut opérer une retenue sur salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature (art. L 3251-1 du code du travail). Par dérogation aux dispositions de l’article L 3251-1, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l’employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants : outils et instruments nécessaires au travail, matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l’usage, sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets (art. L 3251-2 du code du travail). Cette compensation sur le salaire doit se faire dans la limite des quotités saisissables. Elle peut se faire sans limite lorsqu’elle s’opère sur des indemnités de licenciement.

La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne pouvant résulter que de sa faute lourde, un employeur ne peut, dès lors, retenir sur le salaire d’un travailleur le coût du renouvellement d’un badge lorsque celui-ci l’a détérioré (Cass. soc., 20-4-05, n°03-40069). En l’absence de faute lourde, l’employeur ne peut adopter un tel comportement. Autrement dit, la responsabilité pécuniaire d’un salarié sur le plan contractuel ne peut être engagée à l’égard de l’employeur qu’en cas de faute lourde de sa part. Ce principe vaut également pour le droit à compensation prévu aux articles L 3251-1 et L 3251-2 du code du travail.

La faute lourde se définit comme celle commise par le salarié dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Partant de là, un simple manquement, une faute légère, voire une faute grave du travailleur ne suffiront pas à engager sa responsabilité pécuniaire à l’égard de l’employeur. Il ne suffit pas qu’un préjudice soit constaté à l’encontre de l’entreprise, il faut que l’élément intentionnel soit établi. Il a ainsi été jugé que le détournement par un salarié de fonds appartenant à l’entreprise ne suffit pas à établir l’existence d’une faute lourde, il est nécessaire de démontrer qu’en commettant ce détournement, le salarié a eu l’intention de nuire à l’employeur (Cass. soc., 6-7-99, n°97-42815). Si un doute subsiste sur l’intention de nuire, il doit profiter au salarié et la faute lourde doit être écartée.

Cette exigence d’une faute lourde, élevée au rang de principe d’ordre public, permet de faire échec à la mise en œuvre des clauses prévoyant d’engager la responsabilité personnelle du salarié quelle que soit la nature de la faute commise.

Les juges écartent par exemple, l’application d’une clause d’un contrat de travail prévoyant la prise en charge par le salarié de la franchise résultant d’un accident de la circulation survenu avec un véhicule de la société dès lors qu’il n’est pas établi qu’il avait été provoqué par sa faute lourde (Cass. soc., 10-11-92, n°89-40253).


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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