L’élargissement de la garantie des salaires par les AGS

La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et se met au diapason de la CJUE en matière de garantie des salaires dans les entreprises en difficulté.

Jusqu’au 8 janvier 2025, les salariés qui obtenaient la requalification de leur prise d’acte ou de leur résiliation judiciaire aux torts de l’employeur en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne bénéficiaient pas du paiement de leurs indemnités par l’AGS lorsque l’entreprise était en redressement ou en liquidation judiciaire.

En effet, la Cour de cassation considérait que l’article L. 3253-8 2° du Code du travail ne s’appliquait qu’aux licenciements initiés par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur. En d’autres termes, le salarié obtenait seulement gain de cause (moral) mais ne percevait souvent pas le montant des indemnités dues, faute de liquidités restantes dans l’entreprise (Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-20651 ; Cass. soc., 14 juin 2023, n°20-18397).

La Cour de cassation, dans son interprétation, rajoutait des conditions non prévues par le législateur qui ne visaient que les ruptures des contrats de travail.

Par deux arrêts rendus le même jour (Cass. soc., 8 janvier 2025, n°23-11417 et n°20-18484), la Cour de cassation revient sur sa position, contrainte par une décision de la CJUE (CJUE, 22 février 2024, aff. C-125/23), et reconnaît la prise en charge des indemnités par l’AGS quel que soit l’initiateur de la rupture :

La Cour de justice de l’Union européenne a relevé que la différence de traitement résultant de l’article L. 3253-8, 2°, du Code du travail, tel qu’interprété par la Cour de cassation, selon que l’auteur de la rupture du contrat de travail est ou non le salarié, outre le fait que la cessation du contrat de travail par une prise d’acte de la rupture de ce contrat par un travailleur ne saurait être regardée comme résultant de la volonté de ce travailleur dans le cas où elle est, en réalité, la conséquence des manquements de l’employeur, ne peut être justifiée pour les besoins de la poursuite de l’activité de l’entreprise, du maintien de l’emploi et de l’apurement du passif, lesdits besoins ne pouvant occulter la finalité sociale de la directive 2008/94 (points 49 et 50).

Et de conclure :

Il en résulte qu’il y a lieu de juger désormais que l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 du Code du travail couvre les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de celui-ci en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et intervenant pendant l’une des périodes visées à l’article L. 3253-8, 2°, du même code.

Encore faut-il que la rupture du contrat de travail ait lieu pendant les périodes couvertes par l’article L. 3253-8 du Code du travail…

 

CE QUE DIT LA LOI
L’article L. 3253-8 du Code du travail dispose :
 L’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 couvre :
(…)
2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :
a) Pendant la période d’observation ;
b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;
(…).
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