C’est au Royaume-Uni qu’est né le syndicalisme moderne dès le XVIII° siècle, car ce pays fut le premier à entrer dans la révolution industrielle. D’où sa particularité toute britannique.
Le syndicalisme d’outre-manche s’appelle le trade unionisme [1]. Les premières « Unions » datent de 1720 chez les ouvriers tailleurs et couteliers de Londres qui se regroupent pour demander de meilleurs salaires face à la maîtrise, les patrons des ateliers de l’époque. Mais il faut attendre 1826 pour que la Couronne autorise ces « unions ». Dès 1833 est créée la « Great Consolidated Trade Union » regroupant tous les corps de métier, même les ouvriers agricoles, avec déjà 500 000 adhérents. Dès l’origine l’unionisme naissant accepte le capitalisme, lui aussi naissant, cherchant à s’y ménager une place plutôt que le détruire. Dès 1868, l’ensemble des « Unions » se fédèrent pour donner naissance au TUC : Trade unions congres. En 1874, ce dernier fort d’1,2 million d’adhérents obtient le droit d’user de piquets de grève. Il décide alors d’entrer en politique et fait élire des députés ouvriers aux Communes (le Parlement) sous la bannière des libéraux ou comme indépendants. En 1906, fort de 29 députés des TUC, le syndicat décide de créer sa branche politique : le Labour Party ou Parti travailliste. Ainsi en Grande Bretagne c’est le syndicat qui crée le parti et non l’inverse comme le PCF et la CGTU.
Après la Première Guerre mondiale, c’est autour des projets de réorganisation des houillères que s’ordonne la lutte syndicale. La fédération des mineurs, acquise aux idées socialistes, constitue avec les cheminots et les dockers une alliance pour la grève générale. Mais cette dernière échoue en avril 1921, tout comme celles de mai 1926 et de 1932, car au dernier moment le Parti travailliste fait machine arrière et négocie avec les gouvernements conservateurs en place à l’époque. Ces échecs vont permettre au gouvernement de restreindre les droits syndicaux pendant vingt ans.
Forces et faiblesses des TUC
De 1945 à 1951, la vie syndicale est dominée par la présence au pouvoir d’un gouvernement travailliste, soutenu bien évidemment par les Trade unions qui en 1939 comptaient 6,2 millions d’adhérents, puis 8 millions en 1945 et 9,2 millions en 1948. En 1945, le gouvernement travailliste d’Attlee opère des nationalisations à la demande des TUC : Banque d’Angleterre, houillères, aviation, chemin de fer. Cette trop grande proximité entre le gouvernement travailliste et la direction des TUC ne plaît pas toujours à la base, surtout chez les mineurs et les dockers. Les premiers multiplient les « grèves sauvages », comme en mai 1947. Quand les conservateurs reviennent au pouvoir (1951-1964) les TUC restent sur une ligne réformatrice modérée, combattue de l’intérieur par les deux puissantes fédérations des transports et des métallos beaucoup plus revendicatrices. D’ailleurs, en janvier 1972, les mineurs font grève pendant deux mois et finissent par faire tomber le gouvernement conservateur. Les gueules noires pensaient donc être indestructibles. Mais tout va voler en éclat avec l’arrivée de Margaret Thatcher (1925-2013) au pouvoir en 1979. Elle déteste les syndicats et quand les mineurs entrent en grève en mars 1984 pour refuser la fermeture des puits, elle reste inflexible. Sous la conduite d’Arthur Scargill, les mineurs feront un an de grève, sans succès. Les bassins seront au bord de la guerre civile. La dame de fer envoyant la police à cheval et l’armée. Le parti travailliste ne brillera guère par sa solidarité. Aujourd’hui les TUC comptent 7 millions d’adhérents et pour la première fois ont une femme à leur tête, Frances O’Grady, irlandaise d’origine, de la fédération des transports, en poste depuis 2013.
[1] « Trade » en anglais se traduit à l’origine par « métier », ensuite le même mot devient aussi « commerce ».
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly