Mal en point, les finances publiques, fortement sollicitées depuis près d’un an, souffrent aussi des conséquences de choix faits en amont de la crise, tel celui d’accorder moult cadeaux aux entreprises ce qui s’est traduit pendant de longues années par un manque à gagner énorme en termes de recettes fiscales et sociales pour la collectivité. Or, si l’exécutif médiatise actuellement les dispositifs conjoncturels pour soutenir l’économie, et notamment les entreprises, il prévoit aussi de poursuivre ses réformes structurelles décidées, elles, pour des économies toujours plus rudes sur la dépense publique, en attaquant les droits des travailleurs et les services publics républicains. FO redit plus que jamais son opposition à de telles réformes dont elle demande l’abandon.
L’année 2020 restera à plus d’un titre comme une année maudite. Au plan budgétaire, elle s’achève par le vote des lois de finances pour 2021 traduisant à elles seules l’inédit de cette crise sanitaire et de sa déflagration sur l’économie et donc les emplois, cela nécessitant la mise en œuvre de plans de soutien, mais qui ne font pas tout.
Parmi les aides, celles, massives, apportées aux entreprises (exonérations de cotisations…), induisent de moindres recettes pour les comptes sociaux, plombés aussi par le fait de devoir endosser, sur décision du gouvernement, moult dépenses exceptionnelles liées à l’épidémie. C’est la poursuite de la même politique de fragilisation des comptes de la Sécurité sociale
constate FO. Le déficit de la Sécurité sociale, de 49 milliards d’euros cette année, est estimé pour l’an prochain à 35,8 milliards d’euros selon la loi de finances dédiée (PLFSS adopté le 30 novembre).
Plus largement, après une récession estimée à 11% pour cette année, la croissance devrait connaître l’an prochain un rebond, mais plus faible que prévu, à 6% estime le gouvernement tandis que le projet de loi de finances pour 2021, qui porte le plan de relance (100 milliards d’euros sur deux ans et avec des mesures engagées dès cette année) est soumis au vote du Parlement en cette mi-décembre. Avec la dégradation récente de la situation sanitaire ayant nécessité l’activation de nouvelles aides, le déficit public se creuse cette année à 11,3% du PIB et est prévu à 8,5% du PIB l’an prochain. La 4e loi de finances rectificative pour 2020 a elle acté un déficit du budget de l’État à 222,9 milliards d’euros. Pour 2021, il serait de 195,2 milliards d’euros, soit aggravé de plus de 100 milliards par rapport à la loi de finances initiale de 2020.
Dans ce contexte de dépenses de crise et d’effondrement des recettes, fiscales et sociales, l’abandon par l’État de recettes fiscales, entre autres, en amont de la crise, au grand bénéfice des entreprises apparaît aujourd’hui d’autant plus fâcheux. En quelques années, le CICE par exemple (transformé en 2019 en exonérations de cotisations pour les employeurs) a induit un manque à gagner de plus de 100 milliards d’euros, sans pour autant avoir répondu à ses promesses sur l’emploi comme vient de le relever cette année, et comme depuis sept ans, l’analyse, officielle, de son évaluation.
5e mobilisation en moins de deux mois dans les secteurs de la Santé
La politique de cadeaux aux entreprises mais aussi d’abaissement permanent de la dépense publique, en usant notamment de réformes portant restructurations et autres suppressions d’emplois, a toutefois perduré. Et les travailleurs, du public comme du privé, ont chèrement payé ces choix. Or, chacun a pu constater les dégâts, entre autres, en matière de santé, la pression budgétaire mise sur l’hôpital conduisant à une politique d’emploi désastreuse, sans parler des salaires. La colère des personnels a conduit au Ségur de la Santé, lequel n’a pas tout résolu, et fait toujours l’objet d’une demande d’extension de la part de plusieurs syndicats, dont FO. Le 15 décembre, les salariés du public et du privé des secteurs de la santé, du social et du médico-social organisaient un rassemblement national à Paris près du ministère de la Santé à l’appel notamment de FO. C’était la 5e mobilisation depuis le 5 novembre dans ces secteurs.
Cet automne, l’OCDE notait dans un rapport que dans de nombreux pays, la crise Covid a montré les pénuries de personnels de santé ». Mais si l’organisation prône « d’investir davantage
, pour mieux répondre aux pics de demande
elle indique que des hausses permanente de personnel seraient coûteuses
cela nécessitant aussi un temps de formation. Le manque de personnel de santé a toutefois été une contrainte plus forte
concède l’OCDE constatant donc la nécessité d’effectifs supplémentaires. Mais la solution résiderait, pour l’instant, comme l’a fait la France, saluée par ce rapport, dans le recours à des listes de réserve
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Au nom de la réduction des dépenses
Et en France justement, parallèlement à l’engagement de dépenses conjoncturelles dans le cadre de la crise, l’exécutif confirme sa volonté de bientôt remettre en selle ses réformes structurelles en cours avant la crise (Assurance chômage, réforme des retraites…). Et, bafouant tout dialogue social, il déploie par ailleurs l’application de réformes largement contestées, telle celle de transformation de la Fonction publique qui attaque les droits statutaires des agents. Ce qui n’empêche pas le gouvernement de rendre hommage à leur travail depuis le début de la crise.
En octobre, cinq confédérations avaient conjointement appelé le gouvernement à un vrai dialogue social et lui avait souligné la nécessité d’abandonner les réformes de l’Assurance chômage et des retraites. En novembre, FO s’était adressée au Premier ministre, lui demandant d’abandonner les réformes dans la Fonction publique. Dans ce courrier, Yves Veyrier, secrétaire général de la confédération, rappelait que FO demande, de longue date, le lancement d’un débat de fond sur les missions de service public et l’adéquation nécessaire des moyens. Dans ce cadre, le Conseil National des Services Publics devrait être réactivé́ au titre du plan de relance
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Fin novembre, à la lumière des données apportées par le rapport annuel du COR (Conseil d’orientation des retraites) censé alimenter la réflexion du gouvernement sur la question qu’il a initiée concernant le financement des retraites, FO soulignait une nouvelle fois l’aberration du projet de réforme sur les retraites. Le COR, résumait Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge du secteur de l’Emploi et des Retraites, voit un retour à une croissance d’avant crise à l’horizon 2030 et indique par ailleurs aussi qu’en 2070, la part des dépenses retraite dans le PIB retrouverait la tendance à la baisse anticipée avant la crise.
Ce rapport, poursuit Michel Beaugas, évoque aussi les conséquences patentes sur le niveau de vie des retraités des récentes réformes destinées à réaliser des économies sur les prestations sociales
. Selon le COR, ce niveau de vie diminuerait à long terme, pour revenir à son niveau des années 1980. Pour FO, ces projections et conclusions
conduisent pour le moins à penser que les mesures tendant à réduire les dépenses, via la réforme des retraites, non seulement s’imposent d’autant moins (face à un déficit essentiel conjoncturel) mais aggraveraient encore la situation des générations à venir quant au droit à la retraite
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Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly