La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit qui permet à un individu, partie à un procès ou à une instance, de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les règles organisant la QPC sont prévues par l’article 61-1 de la Constitution, la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 et le décret n°2010-148 du 16 février 2010. Le juge ne peut soulever d’office une QPC.
Toute loi organique ou ordinaire, ainsi qu’une ordonnance ratifiée par le Parlement peut faire l’objet d’une QPC. Tout justiciable a également le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente.
La question peut être posée à tout moment de la procédure tant en première instance, qu’en appel ou en cassation. En matière criminelle, la question ne peut être posée que durant la phase d’instruction et non devant la Cour d’assises.
Une QPC est recevable devant toutes les juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. A noter que les ordonnances non ratifiées par le Parlement, passé le délai d’habilitation, ont une valeur législative au sens de l’article 61-1 de la Constitution relatif à la QPC. Ainsi, la contestation de l’ordonnance au regard des droits et libertés garantis par la Constitution doit prendre la forme d’une QPC. Le Conseil d’État devra ainsi, si la QPC est sérieuse ou nouvelle, la transmettre au Conseil constitutionnel qui se prononcera sur ce point. Toutefois, le Conseil d’État contrôlera toujours les ordonnances au regard des engagements internationaux de la France, aux limites fixées par le Parlement dans la loi d’habilitation et aux principes généraux du droit.
La QPC doit être soulevée par écrit. L’écrit doit être motivé. Il doit toujours être distinct des autres conclusions qui sont produites dans l’instance.
La QPC venant au soutien d’une exception de procédure doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
Pour être recevable, la QPC doit réunir 3 conditions :
– la disposition législative critiquée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites ;
– la disposition législative en cause ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, à la fois dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions. Ce critère s’applique même dans le cas où l’on invoque un nouveau fondement d’atteinte aux droits et libertés constitutionnels. Seul un changement de circonstance de fait ou de droit peut permettre de poser une QPC sur une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution. Un tel changement peut résulter d’une évolution du cadre juridique dans lequel s’inscrit la disposition litigieuse. Des changements d’ordre factuel peuvent également être pris en compte.
– le juge de première instance ou d’appel examine si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. Il convient donc de motiver en quoi la disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ou en quoi cette question est nouvelle.
Lorsqu’une partie soulève une QPC qui est déjà pendante sur la même disposition, il doit surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel.
Pour savoir si une disposition législative a déjà fait l’objet d’une QPC, il est nécessaire de consulter les liens suivants :
– Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC)
– Les dispositions déclarées conformes par le Conseil constitutionnel
Lorsqu’une QPC est soulevée devant le juge de première instance ou le juge d’appel, celui-ci doit se prononcer sur la QPC « sans délai ».
Si les 3 conditions sont réunies, il transmet la QPC au Conseil d’État ou à la Cour de cassation et, en principe, ne statue pas sur le fond du litige dans l’attente de la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Le Conseil d’État ou la Cour de cassation peut décider de transmettre ou non la QPC au Conseil Constitutionnel. Si la QPC n’est pas transmise, la contestation de cette non-transmission est possible seulement lors du recours en appel ou en cassation visant la décision rendue au fond.
À réception de la QPC, le Conseil d’État ou la Cour de cassation dispose de 3 mois pour se prononcer sur le renvoi au Conseil par décision motivée. Le Conseil constitutionnel doit également rendre sa décision dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
Le caractère prioritaire de la QPC ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif (ou judiciaire) pose une question préjudicielle à la CJUE (CE, 14-5-10, n°312305).
Il est exclu que le contrôle de constitutionnalité a posteriori porte sur la régularité procédurale de l’adoption de la loi.
Si la disposition législative est déclarée conforme à la Constitution, la juridiction doit l’appliquer, en prenant en compte les éventuelles réserves d’interprétation formulées par le Conseil constitutionnel. Cette décision s’impose également à tous les pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Si la disposition législative est déclarée non conforme à la Constitution, celle-ci est abrogée. Le Conseil constitutionnel peut fixer les effets dans le temps de sa décision d’abrogation. Ainsi, il peut déterminer une date ultérieure à partir de laquelle l’abrogation produira ses effets, afin notamment de laisser au Parlement le temps de corriger l’inconstitutionnalité.
La décision du Conseil constitutionnel n’est susceptible d’aucun recours.
Si l’instauration d’un tel dispositif dans l’ordonnancement juridique est à saluer, on peut regretter qu’en pratique la Cour de cassation ou le Conseil d’État fasse barrage dans la transmission des QPC au Conseil constitutionnel en s’octroyant des droits qui, selon nous, dépassent le cadre des règles fixées par la Constitution. Autrement dit, le filtrage opéré par la Cour de cassation ou le Conseil d’État apparaît parfois excessif, FO plaide ainsi pour une réforme visant à permettre une saisine directe du Conseil constitutionnel via les juridictions de fond.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly