La longue histoire des hôpitaux


Les hôpitaux possèdent une histoire plus que millénaire. D’établissements d’assistance charitable, ils sont devenus les outils essentiels d’une politique de santé au service des populations dans leur ensemble.

Il y a près de trente ans, le docteur Robert-Frédéric Bridgman écrivait : Le progrès des communications, l’institution de la Sécurité sociale et l’évolution des techniques de soins médicaux ont abouti à la conception d’un réseau d’établissements hiérarchisés et coordonnés participant à la protection et à la promotion de la santé(1). L’idéal, mais depuis, les politiques libérales ont saigné l’hôpital public. La crise sanitaire actuelle en souligne le caractère dramatique.

Les premières traces d’établissement de centres de soins remontent au IIIe siècle avant J.C. en Inde et à Ceylan, lors de la construction de grands monastères bouddhiques qui accueillaient des voyageurs-pèlerins, des malades pauvres, cultivaient et distribuaient des plantes médicinales aux populations. Dans l’Empire romain, apparaissent des infirmeries pour les légionnaires et les esclaves des grandes propriétés agricoles.

À Byzance, le concile de Nicée (325 ap. J.C.) prescrit aux évêques de construire dans chaque ville des lieux où les voyageurs et les pauvres seront hébergés et soignés. Le premier établissement est ouvert en 374 à Césarée en Cappadoce.

Sous le règne de Justinien (525-565), les fondations hospitalières se multiplient et leur administration est codifiée par une législation. L’organisation des hôpitaux byzantins va influencer tant l’occident que le monde arabe. En occident, les ordres hospitaliers voient le jour au Xe siècle, mais il faut attendre le XIIe pour que les grandes villes se dotent d’hôpitaux plus importants.

Dans le monde islamique en expansion (VIIe-XIIe siècles) se construisent dans les villes importantes de nouveaux centres sociaux. Autour de la mosquée sont construits l’école coranique et le caravansérail, mais aussi les cuisines et les bains publics, et l’hôpital.

Suite à la corruption et aux abus dans les hôpitaux religieux de l’occident chrétien des XIIIe et XIVe siècles, l’administration hospitalière échappe peu à peu à l’église pour passer aux mains des autorités municipales et laïques. Dans les pays protestants, les hôpitaux passent sous le contrôle de l’État et des villes. En Angleterre, au XVIIIe siècle, apparaissent les premiers grands hôpitaux privés.

Planification contre libéralisme

C’est la Révolution française qui instaure une véritable planification sanitaire dans le pays. Pour la première fois, on pense à proportionner le personnel et l’équipement au nombre d’habitants.

Au début du XIXe siècle, les autorités politiques aboutissent à la norme d’un lit pour 150 habitants. Deux siècles plus tard, on aimerait bien être à cette norme… Or depuis les années 1980-90, les petits hôpitaux de province (dont les maternités) ferment les uns après les autres, ainsi que nombre de services dans des établissements de taille moyenne ou grande. D’où le manque de lits chronique que l’on paie chèrement aujourd’hui avec la pandémie de coronavirus.

Il y a désormais presque 14 mois que le personnel hospitalier s’est mis en grève pour dénoncer ce manque de lits, de moyens financiers et d’effectif. Pour refuser aussi ce que certains semblent souhaiter : qu’à l’instar des États-Unis, la santé soit un produit comme un autre, rentable et même profitable, aux grands bénéfices du secteur privé et des grands laboratoires.

Dans sa définition officielle de l’hôpital, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est cependant claire : L’hôpital est l’élément d’une organisation de caractère médical et social dont la fonction consiste à assurer à la population des soins médicaux complets, curatifs et préventifs, et dont les services extérieurs irradient jusqu’à la cellule familiale considérée dans son milieu ; c’est aussi un centre d’enseignement de la médecine (2) et de la recherche biosociale.

Par ailleurs, dès 1968, la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté une révision des conventions de sécurité sociale. Cette révision impliquant la responsabilité financière de la Sécurité sociale pour les soins préventifs personnels, les soins curatifs et la rééducation médicale. Bref, un renforcement général des sécurités sociales. Mais notre Sécurité sociale née en 1944-45, est attaquée de toute part (santé, retraite, chômage). Les événements actuels serviront-ils de leçon, et pour combien de temps ?


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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