La crise Covid a souligné la pertinence de nos revendications

Les masques ont été abandonnés le 14 mars sur le territoire national, deux ans quasiment jour pour jour après l’entrée dans le premier confinement. Retour sur une crise sanitaire, inédite, qui a confirmé les conséquences désastreuses des réformes libérales successives sur les services publics. Qui a confirmé aussi les dégâts de la désindustrialisation. Tandis qu’en mars 2020 entre en action une loi d’urgence sanitaire restreignant les libertés et compliquant l’exercice syndical, FO ne cessera d’agir pour les droits des salariés, qu’ils soient sur sites, en télétravail ou en chômage partiel. Par cette crise, l’État retrouve son rôle central, protecteur, tandis que le risque d’un effondrement de l’économie aux conséquences sociales lourdes contraint l’exécutif à quitter son credo de l’austérité sur les dépenses pour afficher un « quoi qu’il en coûte », notamment pour un soutien massif aux entreprises. Les travailleurs, eux, demanderont une reconnaissance de leurs efforts, entre autres par des hausses de salaires et l’amélioration des conditions de travail…

Ce combat perdure.

Le 17 mars 2020. Début du premier confinement, drastique. Il y en aura trois. La date marque aussi un renversement de tendance dans une situation inédite et dramatique qui impose son principe de réalité, la nécessité de faire face. Quelques jours plus tôt, le 12 mars, le président de la République, annonçant ce confinement (fermeture des écoles, des commerces dits non essentiels, restrictions de circulation…) avait lancé nous sommes en guerre. Une lutte contre un virus inconnu, et avec des moyens qui n’allaient pas tarder à montrer leur limite, à commencer par ceux du système public de santé. Les gouvernements successifs n’avaient pas voulu entendre les revendications des professionnels manifestant, encore quelques mois avant la pandémie, et signifiant que l’hôpital public était proche de succomber aux effets des multiples réformes. La crise Covid fut donc, telle une douche froide, révélatrice de l’état réel des services publics, rendus exsangues après plus de dix ans de réformes/restructurations. Or, l’ensemble des secteurs de FO (éducation, santé, équipement, affaires sociales, finances publiques…) dénonçaient depuis des années cette politique du toujours plus avec moins de budget et d’effectifs.

Les dégâts de la stratégie libérale

Dès le début de la crise, la situation a conduit FO à intervenir à maintes reprises auprès du gouvernement et du patronat afin d’obtenir pour les salariés des protections sanitaires et le respect de leurs droits. La crise a rimé aussi avec la découverte de la communication entre les salariés par le biais de visioconférences, particulièrement pour ceux placés en télétravail, aux postes le permettant, et qu’il a fallu défendre aussi face aux abus des hiérarchies. D’autres, que l’on a appelés depuis ceux de la « deuxième ligne », salariés aux postes déclarés non télétravaillables, étaient sur sites, notamment dans les commerces alimentaires, les transports et nombre d’usines poursuivant leurs activités… Avec FO, ces salariés ne cesseront d’exiger une reconnaissance par des augmentations de salaires et non des primes, qui plus est facultatives. Tandis que la crainte s’affichait d’un effondrement de l’économie, la crise soulignait aussi la dépendance industrielle de la France vis-à-vis de l’étranger, cela après trente ans de délocalisations de sites vers des pays à faible coût de main-d’œuvre. Une situation pointée du doigt, y compris par l’exécutif, affirmant soudain qu’il fallait produire sur le sol national, soutenir la réindustrialisation pour retrouver de la souveraineté. Tel un séisme dans la philosophie libérale qui préexistait, arriva le quoi qu’il en coûte. Dans le même temps, le gouvernement annonçait le report de la réforme sur l’Assurance chômage (mise en œuvre depuis) et la suspension de celle sur les retraites, fraîchement adoptée en février 2020 en première lecture à coups de 49-3. FO ne cessera de demander l’abandon de ces contre-réformes et d’autres aussi. Alors que par la crise Covid l’État retrouvait un rôle central, le gouvernement s’est vu contraint de laisser de côté la stratégie de réduction des dépenses, prônée jusque-là au nom d’une résorption rapide du déficit public pour le situer sous le seuil de 3 % du PIB, ainsi que l’impose le pacte européen. Dès l’entrée dans la crise, la Commission européenne suspendra cette règle. Avant la guerre en Ukraine, elle annonçait toutefois son retour pour la fin 2023.

FO n’a jamais confiné ses revendications

En mars 2020, le gouvernement annonce, lui, un vaste plan de soutien à l’économie, axé sur les entreprises, avec diverses mesures pour plusieurs dizaines de milliards d’euros et qui feront l’objet d’évolutions tout au long de la crise. Un plan non soumis à contrôles ni contreparties pour les entreprises, ce que contestera FO, rappelant que depuis trente ans le patronat a bénéficié de cadeaux fiscaux et d’exonérations sociales – quelque 100 milliards par an avant la crise, notamment via le CICE –, visant à toujours plus abaisser le coût du travail, sans pour autant de retour pour l’emploi et les salaires. Alors que le 23 mars la loi d’urgence sanitaire était promulguée, portant le plan de soutien à l’économie, la commission exécutive de FO indiquera quelques jours plus tard qu’elle constate des effets d’aubaine de la part d’employeurs et appelle à ce que toute procédure de licenciement soit stoppée effectivement. FO devra lutter aussi, entre autres, contre des mesures attaquant des droits inscrits dans le Code du travail (sur les congés, la durée du travail,… ).

Pendant ces deux ans de pandémie, FO poursuivra son action syndicale, y compris malgré les restrictions des libertés, les difficultés à réunir les instances et à agir sur le terrain. FO n’a  jamais confiné ses revendications et a dit notamment son refus que le coût de la crise pèse sur les salariés, qu’ils la payent par leurs droits, leurs salaires ou la mise à mal des comptes sociaux.

 

Toutes vannes ouvertes pour les entreprises

Annoncé le 12 mars, le quoi qu’il en coûte, ou revirement budgétaire décidé par l’exécutif, se concrétisera en quatre principales mesures : d’abord un dispositif exceptionnel d’activité partielle pour toute entreprise à effet du 1er mars, co-financé par l’État et l’Unédic, avec initialement une prise en charge intégrale des indemnités dues par les employeurs aux salariés jusqu’à 4,5 Smic, mais laissant inchangée l’indemnité versée aux salariés (84 % du salaire net en moyenne) contre l’avis de FO. La confédération exige un maintien à 100 % du salaire net. À sa demande, le dispositif indemnisera les salariés du particulier employeur, aides à domicile et assistantes maternelles.

La mesure d’activité partielle, mobilisée au plus haut en avril 2020 pour 8,4 millions de salariés, est complétée en juillet 2020 par un dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD), conditionné à une négociation collective, pour les sociétés confrontées à une baisse durable de la demande et dont la pérennité n’est pas menacée. Trois autres mesures sont un soutien direct à la trésorerie des entreprises : le report des cotisations ou impôts, la garantie de l’État aux prêts bancaires et un fonds de solidarité pour les TPE à court de trésorerie, par la suite élargi.

Une politique du guichet ouvert sans contrepartie pour les entreprises (hors la baisse de chiffre d’affaires pour le fonds de solidarité et des engagements de responsabilité pour les grandes entreprises), assumée par l’exécutif. Bien que FO exige que toute velléité de licenciement soit stoppée. La confédération ne cessera de revendiquer une révision du dispositif APLD pour interdire toute possibilité de recours à un PSE, et que les aides publiques soient soumises à l’interdiction des licenciements, du versement de dividendes, et contrôlées. À raison. Sans les chiffrer, la Cour des comptes a reconnu en juillet 2021 des abus et des effets d’aubaine significatifs concernant l’activité partielle, les aides du fonds de solidarité, les indemnités journalières, mais aussi permis par la combinaison activité partielle-fonds de solidarité, ou résultant de l’optimisation des prêts garantis par l’État.

Effets d’aubaine et abus

Certaines entreprises n’ont pas joué le jeu. Et nombre ont voulu profiter de la crise pour accélérer leurs restructurations voire en engager. Les équipes FO ont été à l’offensive pour éviter les départs contraints, avec succès chez Airbus, Renault… Liste non exhaustive. En 2020, l’emploi salarié a chuté de 296 000 postes, CDD et intérimaires étant les premières victimes. Les destructions d’emplois se sont poursuivies : selon la Dares, de mars 2020 à fin mai 2021, 1 050 PSE ont été engagés concernant 106 500 licenciements, soit trois fois plus que sur la même période de l’année précédente.

Toutes les études convergent cependant : le quoi qu’il en coûte a contenu la casse, à court terme. Si le PIB a chuté de 8 points en 2020, l’Insee montre que le nombre de personnes au chômage au sens du BIT ou dans le halo du chômage n’a progressé « que » de 0,4 point en 2020 (pour atteindre 10,3 % en 2020), que le salaire moyen par tête n’a baissé « que » de 4,9 % dans le privé et que les revenus professionnels (indemnités de chômage partiel incluses) se sont maintenus. En moyenne. C’est vrai pour les cadres, pas pour les bas salaires : les jeunes, les ouvriers (- 1,2 %), les employés (- 0,6 %). Pour autant, malgré la reprise mi-2021, la flambée de l’inflation, les revendications salariales restent insatisfaites. Et ce, alors que le quoi qu’il en coûte, évalué par l’exécutif à 140 milliards en août dernier (dont 35 milliards pour la prise en charge par l’État du chômage partiel), est déjà réactivé dans le « plan de résilience », face aux conséquences de la guerre en Ukraine.

ELIE HIESSE

 

Pour Force Ouvrière, la santé des travailleurs en tête des priorités

Avec la mise en place du premier confinement, l’activité économique a été très fortement ralentie sur le territoire, mais elle s’est poursuivie pour les activités dites essentielles. FO plaçait alors en tête des priorités la protection des travailleurs obligés, par la nature même de leur emploi, de se rendre physiquement sur leur lieu de travail et de ce fait d’être particulièrement exposés au virus.

Il s’agissait des soignants bien sûr, en première ligne face à la pandémie, mais aussi de tous ces salariés ou agents employés dans les commerces et services indispensables, rapidement regroupés sous la dénomination de travailleurs de la deuxième ligne.

Les revendications des syndicats et fédérations FO ont porté sur les moyens de cette protection : accès à un point d’eau avec savon, accès aux masques, mise à disposition de solution hydroalcoolique, mesures pour le respect des distances de sécurité… Dans un premier temps, même les soignants se sont retrouvés démunis. La fédération FO-Santé a ainsi dénoncé les manquements de l’État, rappelant l’obligation de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail. Si les collègues vont au front, ils ne sont pas de la chair à canon, réagissait Emmanuel Dubourg-Davy, secrétaire FO au CHU d’Angers début avril 2020. Le syndicat venait de publier une lettre ouverte adressée aux autorités sanitaires pour exiger en urgence du matériel de protection et des tests de dépistage, un appel qui a finalement été entendu.

Dans les Ehpad, où le Covid-19 s’est répandu comme une traînée de poudre, les mauvaises conditions de travail, dénoncées depuis des années, se sont amplifiées pour devenir insupportables. On s’est même demandé si on n’allait pas mettre des sacs poubelle pour faire des surblouses, témoignait une aide-soignante et déléguée FO dans un Ehpad public du Grand Est, tombée malade fin mars 2020.

Dans la fonction publique d’État, les policiers, douaniers ou agents pénitentiaires ont eux aussi poursuivi leurs missions au contact des usagers, malgré le manque de matériel de protection. La fédération SPS-FO et la Fédération générale des Fonctionnaire (FGF-FO) ont déposé une plainte contre X le 21 avril 2020, notamment pour mise en danger de la vie d’autrui. FO-Fonction publique a dû par ailleurs exiger l’abrogation du jour de carence appliqué à tous les fonctionnaires en cas de congé maladie.

Le Covid-19 reconnu maladie professionnelle

Dans le secteur privé, de nombreux salariés sont venus travailler la peur au ventre. Outre l’octroi de matériel de protection, les fédérations FO ont lutté pour que seules les activités réellement de première nécessité soient maintenues. Dans les entrepôts Amazon, où des milliers de salariés se côtoyaient sans protection, FO, en intersyndicale, a appelé au droit de retrait puis à un débrayage le 18 mars. Un mois plus tard, la justice contraignait Amazon France à limiter son activité aux produits essentiels. En réaction, le géant logistique avait préféré cesser ses activités dans l’Hexagone. FO a aussi œuvré, comme chez Carrefour, pour réduire l’amplitude horaire des magasins et obtenir leur fermeture dominicale.

Dans les transports, la fédération FO-UNCP s’est notamment battue pour la protection et la dignité des routiers, menaçant de faire grève si les aires d’autoroutes, les stations-service et les restos routiers ne rouvraient pas. En janvier 2021, Patrice Clos, secrétaire général de la fédération, avait à nouveau haussé le ton pour exiger que les chauffeurs soient prioritaires pour la vaccination.

La confédération FO a aussi revendiqué la reconnaissance automatique en maladie professionnelle du Covid-19 pour tous les travailleurs exposés au virus, reconnaissance obtenue, mais de manière restrictive, en septembre 2020.

CLARISSE JOSSELIN
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