La Commune de Paris – Eugène Varlin ouvrier relieur


La Confédération ouvre ses archives pour célébrer les 150 ans de la Commune de Paris, véritable tournant dans l’histoire du monde ouvrier. Nous éditons et rééditons une série d’articles, de FO Hebdo ou de l’inFO militante, traitant de ce sujet qui reste une référence pour le mouvement syndical tant il a marqué la mémoire collective.

Article paru dans Force Ouvrière Hebdo n°2238 du 15 février 1995

Le souvenir tragique de la révolution de 1848, qui s’est terminée en juin par le massacre des ouvriers de Paris, a retardé en France l’émergence d’organisations de défense et d’entraide de la classe ouvrière. Dès la fin du XVIIIe siècle, des associations « mutuelles » ou « fraternelles » s’étaient cependant constituées, mais elles restaient circonscrites à quelques corporations. Sous la monarchie de Juillet, certaines s’étaient transformées en « sociétés de résistance » et n’avaient pas hésité, malgré la loi Le Chapelier, à déclencher des grèves. Il faudra pourtant attendre en France les années 1860 pour que l’organisation de la classe ouvrière prenne une réelle ampleur. Les ouvriers anglais, eux,avaient déjà créé des trade-unions, qui avaient rapidement pris une dimension nationale dans le cadre des grandes sociétés « amalgamées » comme celles des Mécaniciens (1851), puis des Charpentiers et des Mineurs. Cette dynamique de l’union fut plus lente en France. Le mouvement ouvrier français avait, certes, évolué depuis 1848. Imprégné de socialisme proudhonien, il avait pris progressivement, sous l’Empire, ses distances vis-à-vis de l’opposition politique, les Républicains et les Libéraux.

Toujours à partir de 1860, Napoléon III, dont le pouvoir commençait à vaciller, fut contraint d’adopter une politique plus libérale. Il ne réprima pas l’importante grève des typographes parisiens de 1861 et accepta l’année suivante l’envoi à Londres, lors de l’Exposition universelle, d’une délégation de deux cents ouvriers, désignés par des présidents de sociétés de secours mutuel. L’ouvrier relieur Louis Eugène Varlin, qui en 1857 avait créé la société de secours mutuel de sa corporation, faisait partie du groupe. Il reviendra de Londres, comme tous les délégués, plein d’admiration pour l’efficacité des trade-unions et réclamera l’octroi des droits d’association et de coalition. Il faudra néanmoins attendre la loi du 24 mai 1864 pour que les articles 414 et 416 du Code pénal, qui faisaient de la cessation concertée du travail un délit, soient remplacés par des articles stipulant que les atteintes au libre exercice de l’industrie et de la liberté du travail et les violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses tendant à forcer la hausse ou la baisse du salaire étaient interdites. En clair, cela revenait à reconnaître, sous conditions, le droit de grève. Mais le droit d’association n’était toujours pas reconnu.

Eugène Varlin.
Portrait par
Félix Vallotton
paru dans
La Revue blanche
en 1897.

Les premières chambres syndicales apparaissent pourtant à Paris, puis à Marseille et Bordeaux. Dans la capitale, ce sont les ouvriers ébénistes, puis les cordonniers, typographes, les orfèvres de Paris, les tailleurs de pierre de la Seine…, qui créent ainsi ces premiers « syndicats » (sans le nom) professionnels. Parallèlement, les grèves se multiplient à partir de 1854. Une des plus importantes est celle des bronziers de Paris, en 1855, pour la journée de dix heures. En 1868, le droit de coalition est, enfin, officiellement « toléré ». Dès lors, le processus d’union des chambres syndicales était amorcé selon un double mouvement. L’un conduira rapidement à la formation de fédérations nationales professionnelles : les chapeliers sont les premiers à créer en 1870 leur chambre syndicale. L’autre aboutira à l’union de chambres syndicales de différents métiers d’une même ville. Le 1er décembre 1869, Eugène Varlin, qui sera fusillé deux ans plus tard par les Versaillais, annonce la constitution de la première chambre fédérale des Sociétés ouvrières de Paris. L’idée même d’une Confédération commence à se préciser.

 

La mort d’Eugène Varlin

Article paru dans Force Ouvrière Hebdo n°2243 du 22 mars 1995

Les soldats et l’officier obéirent ; Varlin, toujours les mains liées, gravit les buttes sous l’insulte, les cris, les coups ; il y avait environ deux mille de ces misérables ; il marchait sans faiblir, la tête haute, le fusil d’un soldat partit sans commandement et termina son supplice, les autres suivirent. Les soldats se précipitèrent pour l’achever, il était mort. Tout le Paris réactionnaire et badaud, celui qui se cache aux heures terribles, n’ayant plus rien à craindre, vint voir le cadavre de Varlin. Mac Mahon, secouant sans cesse les huit cents et quelques cadavres qu’avait fait la Commune, légalisait aux yeux des aveugles la terreur et la mort. Vinoy, Ladmirault, Douay, Clinchamps, dirigeaient l’abattoir écartelant Paris, dit Lissagaray à quatre commandements.

Combien eût été plus beau le bûcher qui, vivants, nous eût ensevelis, que cet immense charnier ! Combien de cendres semées aux quatre vents pour la liberté eussent moins terrifié les populations, que ces boucheries humaines ! Il fallait aux vieillards de Versailles ce bain de sang pour réchauffer leurs vieux corps tremblants.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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