Journée CSE : agir dans un nouveau cadre


« Faire vivre le CSE de demain », tel était le thème de la première journée des CSE organisée le 26 novembre au siège de la confédération FO. Ce rendez-vous, ex-journée des CE, a été l’occasion de dresser un premier bilan et d’échanger sur la mise en place de cette nouvelle instance autour de trois tables rondes. L’un des enjeux évoqués porte sur la nécessité de maintenir la santé au cœur des préoccupations du CSE, avec la disparition du CHSCT.

La première journée des CSE, héritière de la traditionnelle journée des CE, a réuni près de 150 militants venus de toute la France au siège de la confédération FO le 26 novembre. A un mois de la date couperet du 31 décembre 2019, la mise en place du CSE entre dans sa dernière ligne droite. On reçoit chaque jour à la confédération une centaine d’invitation à négocier les protocoles d’accords préélectoraux, a souligné Karen Gournay, secrétaire confédérale chargée de la négociation collective, dans son discours d’ouverture. Toutefois, certaines entreprises n’ayant pas encore organisé les élections ni ouvert les discussions avec les organisations syndicales, FO a demandé à la ministre du Travail, pour celles-ci, un report de la date, puis une prorogation des mandats en cours. Par deux fois, elle a reçu une fin de non-recevoir.

Reste qu’une majorité d’entreprises ont déjà mis en place cette nouvelle instance qui fusionne les anciens DP, CE et CHSCT. Il faut maintenant se l’approprier et ne pas subir, l’objectif de cette journée est de vous donner quelques clés et outils pour y parvenir, a ajouté Karen Gournay.

Trois tables rondes ont réuni universitaires, experts, spécialistes, représentant de l’État, responsables FO… Au menu des discussions : les outils mis à la disposition des CSE, le rôle des organisations syndicales et la question de la santé après la disparition du CHSCT.

La formation, un outil indispensable

Premier conseil donné par les intervenants : la nécessité de de former. Tous les membres du CSE doivent se former sur tous les sujets, estime Dejan Terglav, secrétaire général de la fédération de l’alimentation FGTA-FO. Tout est négociable ou presque dans la mise en place et le fonctionnement du CSE. Sans accord, c’est la régression à tout point de vue, a alerté Isabel Odoul-Asorey, maître de conférence à l’Université Paris-X. Ainsi l’enjeu de la négociation du protocole d’accord préélectoral est d’obtenir des représentants de proximité et davantage de crédits d’heures.

Jean-Luc Scemama du cabinet d’expertise Legrand a aussi rappelé que les membres du CSE doivent aborder des sujets très divers avec moins d’élus et moins de temps qu’auparavant. On ne peut pas agir si on ne sait pas, a-t-il ajouté.

L’avocat Zoran Ilic a rappelé que si le contentieux ne permet pas de faire vivre le CSE, il permet d’instaurer un rapport de force quand le dialogue n’est pas possible. Des recours sont possibles sur la mise en place des établissements distincts, a-t-il ajouté. Mais si un accord collectif majoritaire a été trouvé sur les moyens et cadre du CSE, c’est presque impossible de revenir dessus. Tout passe par accord et c’est très dur pour le juge d’intervenir sur quelque chose qui a été négocié.

Le CSE ne doit pas se focaliser sur les seules question économiques

Autre conseil, il faut désormais penser instance unique, a rappelé Pierre-Yves Verkindt, enseignant à l’école de droit de la Sorbonne. Avec la disparition du CHSCT, l’un des grands dangers est de réduire le rôle du CSE aux seules questions économiques, en laissant de côté les questions de santé et de conditions de travail.

Alors que le CHSCT était obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, la loi n’impose la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) qu’à partir de 300 salariés ou en-deçà dans les entreprises classées Seveso. Par ailleurs, le CHSCT avait une autonomie, avec des moyens et des prérogatives ainsi qu’une personnalité morale pour agir en justice. Ces éléments ne sont pas repris dans le CSSCT, simple instance technique d’appui au CSE.

La CSSCT est devenue une commission au même titre que la commission vacances ou fêtes, on en parle tous les trimestres, on ne s’y serait pas mieux pris pour noyer le poisson, a témoigné Éric Pelletier, élu du CSE chez PSA Sochaux.

Pour Catherine Fuentes-Barthel, enseignante à l’institut du travail de Strasbourg, il faut dans la négociation mettre le paquet sur la CSSCT, ses modalités de fonctionnement, ses attributions. La législation a créé une coquille vide, à la négociation de décider de ses missions, a-t-elle ajouté. Elle a aussi souligné que la majorité des entreprises ayant entre 50 et 300 salariés, la CSSCT est facultative et dépend du bon vouloir de l’employeur dans la négociation. Pour faire plus avec moins il faut s’organiser, il va falloir réinventer la représentation du personnel et son fonctionnement.

L’employeur a toujours des obligations en matière de santé et sécurité

Reste que l’employeur est toujours tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Il faut le lui rappeler pour promouvoir la prévention des risques professionnels, a-t-elle ajouté.

Pour Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO chargé de la Protection sociale, il faut revendiquer une augmentation des réunions des CSSCT et faire en sorte que les quatre réunions annuelles minimum du CSE dédiées en tout ou partie aux questions de santé et sécurité soient recentrées sur ces sujets. Il a aussi dénoncé l’attaque dont font aujourd’hui l’objet les experts alors que leur aide est encore plus nécessaire pour compenser la baisse des moyens des CSE.

En effet, la loi met en place un co-financement des expertises, une remise en cause des droits et des possibilités d’un regard extérieur à l’entreprise a dénoncé Fayçal Abbassi, expert-comptable au cabinet Syncea. Tout ce qui relève des actions passées est financé mais tout ce qui permet d’anticiper ce qui va se passer, comme un rachat, il faut payer, c’est grave, a-t-il ajouté.

Mais la fusion des instances peut aussi se transformer en opportunité. Avec un CSSCT qui fonctionne et qui a des moyens, il est possible de rapprocher les questions des conditions de travail et de santé des questions économiques, et de les remonter au plus près des décideurs économiques, a souligné Pierre-Yves Verkindt. Mais il ne faut pas se louper, sinon les questions économiques et managériales vont passer au premier plan.

Pour Catherine Fuentes-Barthel, l’information-consultation reste une priorité comme levier. Par exemple en cas de réorganisation, la question est envisagée du point de vue économique, mais il faut s’en servir pour donner l’incidence sur les conditions de travail et la santé au travail.

Attention à ne pas perdre le contact avec le terrain

Un autre danger lié à la mise en place du CSE est l’éloignement du terrain. Dans la nouvelle instance en effet, les représentants de proximité ne sont pas obligatoires, au risque d’un éloignement du terrain. Pierre-Yves Verkindt a pointé un risque de surchauffe des élus, toujours sous pression, qui doivent faire plus avec moins. Il a appelé à se saisir de toute opportunité de réintroduire une dimension collective, notamment par le biais des ASC, et à la nécessité de garder le contact avec les salariés.

Le risque d’éloignement du terrain a aussi été pointé par Fayçal Abbassi. On centralise tout dans de grands établissements, a-t-il déploré. Pour éviter de perdre trop d’élus et conserver plusieurs établissements, il faut mettre en avant l’autonomie de gestion.

Juan-Sebastian Carbonell, sociologue, a rappelé que les salariés attendent beaucoup des élus et organisations syndicales. La preuve en est leur forte mobilisation électorale : 68,3% en moyenne se rendent aux urnes dans les entreprises de plus de 50 salariés. C’est une plus forte participation que pour l’élection présidentielle (65,3% en 2017) ou législative (43,4% en 2017).

Après la course aux élections, Isabel Odoul-Asorey a recommandé de penser temps long et prendre le temps de digérer les changements.

Le patronat a eu la peau du CHSCT


La disparition du CHSCT est l’une des plus grandes disparitions sociales du siècle, a déploré Serge Legagnoa, secrétaire confédéral chargé de la protection sociale. Les salariés avaient un pouvoir, ça a gêné le patronat. Le recours aux expertises et l’action du CHSCT entravaient pour le patron la bonne marche de l’entreprise. Pour Jean-Claude Delgènes, président du cabinet Technologia, le CHSCT était un instrument de contre-pouvoir. Au procès France Télécom, c’était la première fois qu’un patron d’une entreprise du CAC 40 perdait son job suite à une action du CHSCT, a-t-il illustré.

Danièle Linhart, sociologue et directrice de recherche au CNRS a pointé la confiscation des savoirs par les directions. Elle a rappelé que le CHSCT était une instance qui avait la connaissance de ce qui se déroule dans l’entreprise. Elle pouvait donner aux élus la capacité de contester les choix de l’entreprise. Le CHSCT était aussi la mémoire des transformations de l’entreprise et des exigences de plus en plus importantes, c’était une sentinelle.

Danièle Linhart a dénoncé la pratique du changement perpétuel de l’environnement de travail, qui empêche les élus de se prononcer et met les salariés en difficulté. Tout est fait pour que l’amnésie triomphe, ajoute-t-elle. Avec des gens pas formés et sans expertise, les managers vont détenir toute légitimité et être responsables de tout. La bataille est à mener sur la pseudo légitimité du patron à gérer lui seul l’avenir de l’entreprise.

Fayçal Abbassi, expert-comptable au cabinet Syncea, est allé dans le même sens en déclarant que certains peuvent espérer une amnésie et une perte de savoir de ce que l’on faisait avant. L’organisation syndicale doit assurer la permanence de la mémoire et assurer la transmission des meilleures pratiques.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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