En plus des fonctionnaires, qui restent majoritaires, les salariés du privé ont également pris part à la manifestation contre la réforme des retraites, qui a réuni entre 3 800 (selon la préfecture) et 10 000 personnes (selon les syndicats) ce jeudi 9 janvier 2020 à Perpignan. Et ils sont tout aussi remontés que leurs collègues du public. Témoignages.
Tout le monde semble d’accord sur un point. La mobilisation de ce jeudi 9 janvier était moins forte que celles des 17 et 5 décembre derniers. Mais les syndicats, qui ont décompté « plus de 10 000 manifestants » ne s’en estiment pas moins contents. « Pour une reprise, c’est satisfaisant, se félicite ainsi le secrétaire départemental de FO, Jérôme Capdevielle. Certains salariés ne peuvent pas se permettre de se mettre en grève, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont résignés. » Hervé Sazé, du secrétariat de la CGT66, voit également le verre à moitié plein : « C’est une bonne mobilisation. On veut faire croire que c’est une grève de cheminots. Mais des salariés du privé sont également dans la rue. »
Si les fonctionnaires (cheminots, enseignants, agents de santé, territoriaux, pompiers…) étaient largement majoritaires au sein du cortège, les sections syndicales du privé étaient effectivement elles aussi représentées. Une délégation d’ouvriers de l’usine Cémoi était par exemple de la partie. « L’objectif de cette réforme est de filer nos retraites aux fonds de pension privés, soupçonne le délégué syndical CGT de l’usine, Kader Abdouche. Et si les fonds de pension, qui spéculent en bourse, se cassent la gueule, ce sont les retraités qui morfleront, comme ça s’est déjà passé aux Etats-Unis. »
Les banques n’attendent que ça
Un chauffeur de camion âgé d’une cinquantaine d’années, qui préfère garder l’anonymat, renchérit : « On a notamment beaucoup à perdre avec le calcul des retraites sur l’ensemble de la carrière et non plus sur les 25 meilleures années. La baisse des pensions va pousser les gens à souscrire à des fonds de pension. Les banques et les assurances font déjà de la publicité pour les retraites par capitalisation. Ils n’attendent que ça… »
« Cette réforme, c’est l’arnaque du siècle, résume Stéphane, 39 ans, boucher dans une grande surface. Ils veulent nous faire partir à 64 ans minimum, si on n’a pas eu de périodes d’inactivité. Et en plus, sur une carrière avec seulement un peu de chômage, en partant à 64 ans, on perdrait entre 300 et 400 euros. »
Le système par répartition est viable
Un peu plus loin dans le cortège, une aide-soignante de la clinique Saint-Pierre, qui se fait appeler Charlotte, est tout aussi remontée. « Au-delà du passage du système de retraite par répartition à un système par points, c’est tout l’état d’esprit de la réforme qui me gêne, indique-t-elle. Le système par répartition est viable si on augmente les charges patronales et qu’on fait payer les actionnaires. La suppression des régimes spéciaux ne va pas faire augmenter nos retraites ! »
À noter : les avocats, en grève pour réclamer le maintien de leur caisse autonome, ont comme promis pris part au défilé en robe. En parallèle, la grève des contrôleurs aériens a engendré ce jeudi matin l’annulation de trois vols au départ de Perpignan et à destination de Paris ou Marrakech. Les postiers en lutte ont également bloqué la plateforme courrier de Perpignan Nord dès 4 heures. Selon la direction de La Poste, les perturbations engendrées par le mouvement sont restées limitées. Ça tombe bien : ce jeudi après-midi, la CGT Poste a annoncé que les grévistes avaient décidé de passer la nuit sur place et de maintenir le blocus ce vendredi. À suivre.
Cheminots : la grève leur a déjà fait perdre un mois de salaire
Combien la grève va coûter aux cheminots ? « On n’ose plus compter, confie le délégué syndical de l’Unsa ferroviaire Frédéric Meyer. Nous en sommes à 36 jours de grève. Or, 23 jours, c’est un mois de salaire complet. Il y a un décalage : en décembre, on a touché une paye normale. Mais en janvier, on n’aura rien. Et ce sera certainement pareil en février. Le gouvernement refuse que la SNCF étale les jours de grève sur douze mois… »
Le cheminot CGT Pierrick Cymbler confirme. « Après, tout le monde n’a pas fait les 36 jours de grève. Mais on en a tous fait au moins 15, précise-t-il. Avec les caisses de grève, si on arrive à avoir 150 à 200 euros par personne fin janvier, ce sera le bout du monde. C’est plus symbolique qu’autre chose. Mais ça fait toujours du bien de voir qu’on est soutenu. »