Inteva : les salariés victimes d’une sale manœuvre


A Saint-Dié (Vosges), les 241 salariés de l’usine refusent d’être sacrifiés et sur d’autres sites de l’équipementier on attend la décision de la justice le 9 octobre portant sur la reprise d’Inteva, candidat à son propre rachat. FO dénonce cette pratique, qui rendue possible par une ordonnance publiée le 20 mai, permet d’opérer un plan social à peu de frais.

Le tribunal de commerce d’Orléans a reporté du 2 octobre au 9 octobre, sa décision sur la reprise d’Inteva Products France, qui avait demandé elle-même sa mise en redressement judiciaire avec plan de cession, le 8 juin dernier. Comme raisons, la direction de cette filiale française d’Inteva Products, appartenant à la richissime holding Renco, avait invoqué la crise sanitaire et le fait que malgré le recours au chômage partiel, elle n’avait pas eu accès au Prêt garanti par l’État (PGE) pour cause de fragilité financière. Inteva s’était alors placée comme candidate à sa propre reprise, proposant de ne garder que 348 salariés sur les quelque 663 répartis dans trois usines en France, soit Cesson (Calvados), Sully-sur-Loire (Loiret) et Saint-Dié, fermant ce dernier et licenciant sur le second site.

Une pratique fermement condamnée par le CCN de FO

Cette pratique qui consiste pour une entreprise à se porter à sa propre reprise est une manœuvre qui se développe depuis une ordonnance publiée le 20 mai. Outre Inteva, les exemples se sont multipliés, dont notamment ceux des enseignes d’ameublement Alinea (près de mille emplois supprimés), de textile Phildar et de prêt-à-porter Camaïeu.

Le CCN (Comité confédéral national), de FO réuni à Paris les 23 et 24 septembre a très fermement condamné cette pratique et exigé le retrait de textes récents ou ordonnances de sortie de confinement qui facilitent la mise en liquidation judiciaire d’entreprises et permet à ces mêmes entreprises de se placer en candidats à la reprise de leurs propres entreprises ou filiales, libérées de leurs dettes et restructurées à moindres frais.

Colère à Saint-Dié

Le 22 septembre, le tribunal de commerce avait examiné les deux offres de reprise et laissé seul en lice le projet d’Inteva. Aucun des deux n’incluait le site de Saint-Dié où c’est la colère qui prédomine. Les conséquences sociales vont aller au-delà du drame des 241 salariés, majoritairement des femmes, en touchant prestataires de services et sous-traitants dans un bassin d’emplois qui a le troisième pire taux de chômage du Grand Est, souligne Franck Pattin, secrétaire général de l’UD-FO des Vosges. Et cela alors qu’Intermarché doit fermer sa base logistique de Saint-Dié, soit quelque 200 emplois, pour en ouvrir une autre rassemblant ensemble produits frais et secs, à 300 km de là, à Rochefort-sur-Nenon, dans le Jura. D’autre part, le site de Saint-Dié ayant déjà subi des PSE en 2018 et 2019, des anciens salariés en reclassement pourraient voir s’interrompre le financement de leurs formations en raison de la cessation de paiements d’Inteva.

La délocalisation vers l’est

Les salariés étaient déjà inquiets bien avant la Covid. Une usine avait été ouverte en Roumanie avec les mêmes chaines de montage et des prix à la hauteur du coût du travail roumain, s’indigne Franck Pattin qui fait remarquer que la serrurerie automobile, dans laquelle était spécialisé le site déodatien, est plus facile à délocaliser en raison de sa grande facilité de transport, les pièces étant petites et ne risquant pas trop de souffrir du transport. Il a également déploré qu’au tribunal de commerce, des représentants de PSA, sur qui les salariés de Saint-Dié avaient quand même avaient un vague espoir, et Renault, les principaux clients d’Inteva France, soient venus soutenir le projet de reprise par Inteva. Ce qui ressemble fort à un encouragement à cette délocalisation qui n’en dit pas le nom alors que le gouvernement se targue de relocalisation industrielle.

Sur le site de Sully-sur-Loire, une partie de l’activité avait déjà été aussi transférée vers l’Est, en République tchèque. Et aujourd’hui l’offre de reprise d’Inteva y envisage la suppression d’au moins une quarantaine d’emplois, si ce n’est 70, sur les 170 du site. Les salariés devront attendre jusqu’au 9 octobre pour connaître leur avenir. Par contre, Esson, qui avait déjà souffert d’un plan social en 2018, devrait être épargné.

Et l’État dans tout ça ?

Pour l’instant, l’État reste impuissant. La ministre du Travail Élisabeth Borne s’est contentée de déclarer, le 18 septembre dernier : On voit qu’il y a des cas où cette ordonnance est mal utilisée. Celle-ci s’arrêtera à la fin de l’année, mais on va regarder comment on peut éviter des situations choquantes (d’ici là).. Il serait peut-être temps.

Dès juin dernier, FO Métaux s’était montré dubitatif quand Bercy affirmait être prêt à se pencher sur le dossier et à proposer une solution. La fédération écrivait alors : Chiche !, répondent les 176 salariés de Sully-sur-Loire (Loiret), les 246 d’Esson (Calvados) et les 241 de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), soutenus par l’USM du Calvados et son secrétaire Dominique Jacquot, et par notre Fédération, dont le secrétaire général Frédéric Homez est d’ailleurs intervenu auprès du ministère de l’Economie.

Le 2 octobre, des représentants de salariés, accompagnés d’élus, ont été reçus à Bercy par le secrétaire général du CIRI, le Comité interministériel à la restructuration industrielle. Ils ont demandé le respect intégral des engagements pris par l’entreprise à l’égard des salariés qui l’ont d’ores et déjà quittée dans le cadre des Plans de Sauvegarde de l’Emploi qui ont été signés, mais aussi un engagement clair sur la pérennité du site de Sully-sur-Loire ainsi que la réduction au maximum du nombre d’emplois qui y seront supprimés. A ajouter encore, la demande d’un un engagement effectif pour la ré-industrialisation du site de Saint-Dié.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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