Titulaire FO au conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Gisèle Le Marec décrypte les discussions en cours sur les rémunérations des agents publics. FO s’insurge contre le gel du point d’indice en 2024 et contre le caractère optionnel de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dans le versant territorial de la fonction publique territoriale.
L’inFO militante : La rémunération des fonctionnaires est l’objet de tensions entre les syndicats et le gouvernement. Pourquoi ces tensions ?
Gisèle Le Marec : Les fonctionnaires ont perdu au moins 20% de pouvoir d’achat en 25 ans. L’inflation, forte depuis deux ans, se cumule à dix ans de gel du point d’indice, et, avant cela, à des années de revalorisations inférieures à l’inflation. Là est la cause structurelle des tensions entre les syndicats de fonctionnaires et le gouvernement.
Le point d’indice a été revalorisé de 3,5% en 2022 et de 1,5% en juillet dernier. Quelles sont les perspectives pour 2024 ?
G. LM : Les agents se verront attribuer 5 points d’indice majoré à compter du 1ᵉʳ janvier 2024. A part cela, rien. Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, a reconnu, lors d’une réunion avec les fédérations de fonctionnaires, dont FO, le 17 octobre dernier, qu’il n’avait pas mandat pour négocier sur le point d’indice.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2024 ne programme pas une augmentation du traitement indiciaire des agents. Aussi, lorsque Stanislas Guerini a déclaré, lors du conseil commun de la fonction publique du 14 novembre, que les mesures actées depuis 18 mois couvraient 2024, tous les syndicats, FO en tête, ont quitté la séance.
Stanislas Guerini évoque depuis plusieurs semaines divers projets de réformes des rémunérations des fonctionnaires. Où en est-on ?
G. LM : Le ministre parle d’une « nouvelle méthode de négociation annuelle » sur les salaires. Au mois de septembre, il avait évoqué aussi un projet de loi comprenant l’instauration d’une prime individuelle ou collective au mérite pour les agents. Or, FO est opposée à ce type de prime car l’urgence est à la hausse de la valeur du point d’indice, donc à une mesure générale sur le traitement indiciaire. Ce qui participerait à améliorer aussi les pensions. Car rappelons-le, les primes ne sont pas prises en compte dans le calcul de la pension.
Dans le versant territorial de la fonction publique, le sujet de la prime exceptionnelle de au pouvoir d’achat a déclenché la colère des syndicats et notamment de FO. Pourquoi ?
G. LM : L’été dernier, le gouvernement a décidé une prime exceptionnelle pour les agents de la fonction publique de 300 euros à 800 euros selon le niveau de salaire. Cette prime est obligatoire dans les versants État et hospitalier de la Fonction publique. Mais dans les collectivités territoriales (lesquelles répondent au principe constitutionnel de libre administration, Ndlr), ce sont les employeurs qui décident d’attribuer la prime, ou pas.
Cela constitue une rupture d’égalité entre les agents des différents versants. Or, je rappelle que les agents territoriaux, dont les trois quart sont en catégorie C (la plus basse, Ndlr) et beaucoup à temps partiel subi, paient leurs achats alimentaires et leur loyer tout comme les agents de l’État et de l’hôpital !
S’il y a liberté d’administration des collectivités, cela ne peut pas servir de prétexte pour ne pas proposer une garantie nationale à tous les agents. l’État aurait pu faire le choix d’une prime garantie aussi aux agents de la territoriale, cela en compensant le coût que cette prime représente pour les collectivités.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez boycotté le CSFPT ?
G. LM : FO et l’ensemble des syndicats de la territoriale ont en effet refusé de siéger au CSFPT du 20 septembre, au cours duquel le décret était présenté en premier examen. Le 4 octobre, pour le second examen du texte, nous avons siégé mais refusé de participer au vote. Le décret a donc été acté sans le vote des syndicats. Nous souhaitions ainsi protester contre le fonctionnement du CSFPT, la prime est venue se greffer là-dessus.
En quoi le CSFPT dysfonctionne-t-il ?
G. LM : Les délais (trop courts, Ndlr) que nous laisse l’administration pour prendre connaissance des textes, mener nos concertations internes et avec les autres syndicats, rédiger les amendements… ne sont pas sérieux. Mais surtout, nous en avons assez de découvrir des textes déjà bouclés car discutés en amont entre le gouvernement et les employeurs. Pour les textes les plus importants, FO demande de véritables négociations avant qu’ils ne soient soumis au vote du CSFPT. D’autre part, s’agissant des études produites par le CSFPT, il n’y a plus de présentation au ministre depuis des années et aucune suite ne leur est donnée. Enfin, nos frais de déplacement ne sont plus remboursés depuis des mois.
Les actions de protestation des syndicats, au conseil commun et au CSFPT, ont-elles modifié vos relations avec l’administration et le gouvernement ?
G. LM : Les représentants des syndicats et ceux des employeurs ont été reçus le 13 novembre au ministère par Stanislas Guerini, en présence de Dominique Faure, ministre déléguée aux Collectivités territoriales. Stanislas Guerini s’est engagé à mettre en place un agenda social spécifique à la FPT, à travailler sur le fonctionnement des instances et sur le règlement intérieur du CSFPT et à se faire présenter chaque année les études produites par le CSFPT.
Cette réunion, obtenue grâce à la mobilisation intersyndicale, a commencé à porter ses fruits. Lors du dernier CSFPT, au cours duquel était examiné un texte sur la promotion interne, FO a déposé des amendements qui ont été acceptés.