Alors que les négociations en vue d’un impôt mondial minimum sur les sociétés patinent au sein de l’OCDE, les pays du G7 viennent de conclure un accord qualifié d’historique
. De quoi retourne-t-il exactement ?
Le 5 juin, les ministres des Finances du G7 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon, Canada, Italie) sont tombés d’accord sur la nécessité d’appliquer un impôt minimum mondial d’au moins 15 % pays par pays
sur les revenus des sociétés. Il leur reste désormais à convaincre les autres pays, notamment ceux du G20, de les suivre sur cette voie. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a néanmoins d’ores et déjà estimé que cet impôt minimum mondial va mettre fin à la course au moins-disant fiscal
.
Rien n’est moins sûr, estime le mouvement syndical international qui continue de revendiquer un taux minimum de 25 %, tout en saluant un pas dans la bonne direction
. Le taux de 15 % est en effet bien trop inférieur à ceux pratiqués dans de nombreux pays pour prétendre faire efficacement barrage au dumping fiscal. En effet, si ces taux ont globalement dégringolé depuis quarante ans, le taux moyen de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial est encore aujourd’hui de 20 % (contre 45 % dans les années 1980). Pour mémoire, en France il s’élève aujourd’hui à 26,5 % et la loi de Finances de 2018 a programmé de l’abaisser à 25 % d’ici à 2022 (créé en 1948, il était de 50 % jusqu’en 1985). Certains pays, comme l’Irlande et la Hongrie, en sont respectivement à des taux de 12,5 % et 9 %. De plus, le taux d’imposition moyen des multinationales du numérique n’est que de 9 % contre 23 % pour les autres entreprises.
Une centaine seulement de multinationales concernées
Le nouveau président américain, Joe Biden, avait initialement proposé un taux de 21 %, avant de revoir ses ambitions à la baisse, suivi en cela par les autres pays du G7, pour aboutir au taux de 15 %. Autre insuffisance : cet impôt ne s’appliquerait qu’à une centaine de multinationales (seulement douze en France, ce qui ne rapporterait que 4 milliards), alors que le monde en compte quelque 80 000.
Enfin, l’accord prévoit également de taxer les multinationales là où elles réalisent leurs profits et non plus seulement là où elles sont domiciliées, à savoir souvent dans les pays où l’impôt est le plus faible. Mais cette règle ne s’appliquerait qu’aux sociétés qui réalisent au moins 10 % de marge bénéficiaire. Une limite qui permettrait par exemple d’épargner Amazon, dont la marge nette est actuellement d’environ 6 %, bien que le géant américain du commerce en ligne ait triplé son bénéfice net au premier trimestre 2021, à 8,1 milliards de dollars.
Grèce : grèves et manifestations contre la nouvelle loi Travail
L’optimisation fiscale n’est pas la seule façon pour les entreprises d’accroître leurs profits. Elles s’emploient aussi partout à abaisser le coût du travail et sur ce terrain-là, les gouvernements continuent de leur apporter toute l’aide nécessaire. Ainsi en Grèce, la nouvelle loi Travail, approuvée le 16 juin par 158 députés appartenant au parti au pouvoir (sur un total de 300 députés), autorise la journée de dix heures, annualise le temps de travail, remettant ainsi en cause le paiement des heures supplémentaires, remet en question la séparation entre vie privée et vie professionnelle, au prétexte d’encadrer le télétravail, et restreint le droit de grève, dénoncent les syndicats. Le 3 juin, puis le 10 juin et de nouveau le 16 juin, des dizaines de milliers de travailleurs grecs étaient en grève et manifestaient contre cette loi.