Il y a 50 ans : le Smic


Depuis un demi-siècle, le Salaire minimum interprofessionnel de croissance, créé pour « limiter les inégalités de salaires », n’a pas permis, au fil des ans, de répondre la question des salaires. Les Smicards ne peuvent pas vivre avec leur salaire, et de plus en plus de salariés sont sous le Smic !

Au départ était le Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti). Cependant à sa création en 1950, le bât blessait déjà. Il existait des différences régionales allant jusqu’à 8%. Mais surtout le patronat disposait de la possibilité de fixer un salaire de base inférieur, si bien que les entreprises gardaient une large autonomie salariale. En prime, il n’existait pas d’échelle mobile (ajustement des salaires sur la hausse des prix). Après les grandes grèves de 1953, où la toute jeune CGT-FO était bien présente, l’État doit donner un fort coup de pouce au Smig. Une loi de 1957 permettra au salaire minimum d’être en partie indexé. Pendant les dix années suivantes, le Smig augmentera de 70%. Mais nous sommes encore loin du compte car dans le même temps les salaires moyens augmentent eux de 140%. À la veille des grandes grèves de mai 68, les « smigards » sont surtout des « smigardes » (textile, agroalimentaire). Beaucoup de salariés ne dépassent le salaire minimum que de peu, grâce aux primes d’ancienneté. L’existence du Smig n’a donc en rien empêché le creusement des inégalités salariales. C’est ce qui sera vivement critiqué par les syndicats en mai-juin 1968. Lors des négociations de Grenelle, en juin, ils obtiennent une augmentation du Smig de 35% et la fin des disparités régionales.

Le 2 janvier 1970, le Smic est créé. Le gouvernement de l’époque veut montrer qu’il fait bénéficier les plus bas salaires de la croissance des trente glorieuses, une meilleure répartition des richesses étant le moteur des revendications de la classe ouvrière en 68. Le mode d’augmentation du Smic est alors triple : une réévaluation dès que la hausse des prix dépasse 2%, un ajustement au 1er juillet de chaque année et la possibilité de coup de pouce du gouvernement.

La fin de la croissance

Avec la crise économique qui débute en 1974, le chômage de masse apparaît et perdure. Le nombre de « Smicards » augmente. Les patrons, en position de force sur le marché du travail des peu ou pas qualifiés, trouvent sans mal du personnel taillable et corvéable à merci, mais surtout bon marché.

Parallèlement, le retour en force des théories libérales du marché du travail considère le Smic comme un obstacle au plein-emploi ! Ces émules de l’école de Chicago [1], adeptes d’un néo-libéralisme sauvage, estiment que le coût du travail non qualifié serait trop élevé ! D’où les multiples mesures prises pour diminuer le coût des bas salaires en réduisant les cotisations sociales des employeurs.

Avec le chômage de masse largement orchestré par le patronat, des sous-Smic voient le jour : CDD partiels, temporaires, mini-jobs… et aujourd’hui « ubérisation » à tout-va. Un bien triste anniversaire que ces 50 ans. Le gouvernement a décidé, une nouvelle fois, de ne lui accorder au 1er janvier 2020 qu’une revalorisation à minima : une aumône puisqu’il s’agit de seulement 50 centimes par jour ! Et bien évidemment pas plus de coup de pouce cette année que les précédentes, et ce depuis 2008. En 2020, le Smic augmente donc de 1,2%, contre 1,5% l’année passée, soit 15 euros de plus (une demi-baguette de plus par jour !). Un salaire trop pas pour FO qui revendique l’augmentation du Smic à 80 % du salaire médian, soit un Smic mensuel net à hauteur de 1 437 euros contre 1 219 aujourd’hui.

Mais bien heureux les Smicards ! Une étude sur les bénéficiaires de la revalorisation du Smic en 2019 publiée par la Dares (Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques, rattachée au ministère du travail) à la mi-décembre de l’an passé constatait que 64% des branches professionnelles sont en dessous du Smic, du fait du premier niveau de grille trop faible : 46% dans le BTP, 88% dans la métallurgie et 61% dans les autres branches. Bref, on compte encore hélas des sous-Smicards.


[1] Faculté d’économie de l’université de Chicago dont le professeur le plus connu est Milton Friedman. Ses adeptes, les « Chicago boys », ont influencé la politique de la Banque mondiale et autres institutions monétaires internationales et européennes qui ont entre autres participé à asphyxier la Grèce depuis 2012.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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