Les médecins étrangers, dont les diplômes ne sont pas reconnus en France, sont essentiels pour l’hôpital public. Mais ces praticiens sont maintenus dans la précarité et enchaînent les contrats instables. Dans le cadre d’une mobilisation le 15 février, ils ont rappelé leur revendication, soit une reconnaissance par l’État. Le syndicat national des médecins hospitaliers FO (SNMHFO) se tient à leurs côtés et continuera à les défendre, quelle que soit la suite de cette mobilisation.
Ce sont les invisibles de l’hôpital public, maintenus dans la précarité par les gouvernements successifs, mais devenus soudainement visibles. Les PADHUE, « praticiens à diplôme hors Union européenne », étaient mobilisés le jeudi 15 février devant le ministère de la Santé, à l’appel de FO et de plusieurs autres syndicats. Sur de nombreuses pancartes, s’affichaient les revendications, simples et claires : la reconnaissance et fin de la précarisation.
Non-inscrits à l’ordre des médecins, ces praticiens étrangers, entre 4 000 et 5 000 selon les syndicats (pour 45 500 praticiens hospitaliers en France) ont tous un point commun. Sans statut de titulaire, ils enchaînent les petits contrats dans les hôpitaux sous un statut précaire d’assistant ou d’associé, sous la tutelle d’un autre médecin, généralement le chef de service, explique Olivier Varnet, secrétaire général adjoint du Syndicat national des médecins hospitaliers FO, le SNMHFO. Ces praticiens étrangers perçoivent une rémunération bien moindre que leurs collègues, entre 1 600 et 1 800 euros par mois. Ils représentent une solution à moindre coût pour l’hôpital public, notamment lorsque les départs en retraite ne sont pas remplacés. À l’inverse, un intérimaire, français, peut percevoir jusqu’à 10 000 euros de rémunération mensuelle.
Des praticiens… sous OQTF !
Pour pouvoir être régularisés, ces praticiens étrangers doivent réaliser un véritable parcours du combattant, qui commence par les Épreuves de vérification des connaissances (EVC). Ce concours, organisé tous les ans depuis 2021, vise à juger de la compétence des PADHUE afin de les admettre selon des quotas spécifiques dans chaque filière. Un numerus clausus qui ne dit pas son nom mais qui prend la forme d’une procédure surtout administrative, ou l’arbitraire des quotas est érigé au rang de fonctionnement institutionnel, très loin des préoccupations des services, et des besoins des malades, dénonce le SNMHFO.
Cela mène à des situations incompréhensibles et même ubuesques : ainsi des personnels, médecins, travaillant à l’hôpital public, sont sous OQTF. Ils seraient trois dans ce cas en Île-de-France. Malgré leur contrat, ils perdent leur droit au séjour. Certains ont peur de sortir de chez eux car ils n’ont pas de papiers en règle ! Qu’est-ce que ça dit sur notre hôpital ! Ce n’est pas une politique de santé que de fabriquer des chômeurs médecins, souligne Olivier Varnet.
Suite à plusieurs manifestations, la nouvelle ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, avait annoncé le 22 janvier que les médecins padhue en poste mais non lauréats des EVC, seraient régularisés et continueraient à exercer dans les hôpitaux en attendant les prochaines EVC. Mais Deux tiers des PADHUE au service des établissements hospitaliers sont maintenus dans la précarité !, s’indigne Olivier Varnet. FO défend la réintégration et maintien en poste de tous les PADHUE. Le syndicat exige la fin du concours et son remplacement par une reconnaissance sur dossier, comme ce qui se faisait auparavant.
Ceux qui tiennent l’hôpital à bout de bras
Une délégation a été reçue le 15 février par la DGOS. Le jour-même, une instruction ministérielle était publiée, censée mettre en application les propos de Catherine Vautrin. Ce texte reconnaît que le service de santé public a besoin de ces médecins, tout en maintenant ces derniers dans une situation de précarité horrible, explique Olivier Varnet. Le ministère a assuré que les praticiens sous OQTF ne seraient pas expulsés. On attend de voir, grince le militant qui précise que le syndicat restera vigilant.
Sans ces praticiens, qui peinent cependant à accéder à un statut professionnel digne de ce nom, l’hôpital ne pourrait tenir. Et tout le monde le reconnaît, jusqu’au plus haut sommet de l’État. Emmanuel Macron indiquait lui-même le 16 janvier lors de sa conférence de presse que ces praticiens tiennent parfois à bout de bras nos services de soins et nous les laissons dans une précarité administrative.
Syndiquer tous mes médecins sans distinction
Le recours à ces professionnels étrangers apparaît aussi à certains comme une solution face aux déserts médicaux. Au lendemain de la mobilisation des PADHUE, des élus locaux engagés dans la défense de l’hôpital de Guingamp, en Bretagne, ont ainsi rencontré l’ambassadeur de Cuba. Avec l’objectif de faire venir des médecins cubains pour sauver la maternité de Guingamp, menacée de fermeture malgré un sursis obtenu en 2018. Depuis avril 2023, les accouchements n’y sont plus assurés, faute d’un nombre de soignants suffisants.
Si vous êtes passé par les urgences de votre hôpital public, vous avez une chance sur deux d’avoir été pris en charge par un PADHUE, souligne Olivier Varnet. Ce sont le plus souvent eux qui font les gardes de nuit. Car elles sont mieux payées.
Le SNMHFO, seule organisation représentative de médecins affiliée à une confédération, les défend collectivement et depuis longtemps. Et nous continuerons, quelles que soient les suites de cette mobilisation, indique Olivier Varnet. Et aussi bien collectivement que pour les cas individuels sur lesquels nous sommes saisis. C’est notre vocation : syndiquer tous mes médecins sans distinction de statut.