Y a-t-il dans les entreprises des freins à la progression salariale et quels sont-ils ? Plus de la moitié d’entre elles l’assurent, évoquant le coût du travail, le système des allègements de cotisations sociales, les marges,… L’institut Rexecode a réalisé une enquête de terrain auprès d’entreprises et de syndicats patronaux.
Réalisée par l’institut Rexecode (proche des entreprises) et répondant à la demande du Haut conseil pour le financement de la protection sociale missionné fin 2023 par le gouvernement d’Elisabeth Borne pour réaliser un rapport sur les relations entre système de production et système de redistribution, l’étude publiée en juin et portant sur « Les freins à la progression salariale » a recueilli l’avis des syndicats patronaux et d’entreprises, petites, moyennes et grandes.
Celles-ci se prononcent sur le « coût du travail », sur l’effet des allègements de cotisations sociales patronales (notamment la mesure générale d’exonérations jusqu’à 1,6 Smic) – fortement soupçonnés de jouer le rôle d’une « trappe à bas salaires » –, sur les « marges » dégagées et l’éventualité d’augmenter les salaires, particulièrement ceux autour du Smic (17,3% de Smicards au 1er janvier 2023)… Les entreprises dont 53% disent rencontrer des « freins » à une hausse des salaires, sont sans surprise.
Pour elles, la revalorisation salariale nécessite une hausse de valeur ajoutée de l’entreprise disproportionnée par rapport au bénéfice qu’en retire le salarié, à partage de la valeur ajoutée inchangé indique Rexecode, assurant que différentes études sur l’impact des allégements sur la distribution des salaires et la dynamique salariale ne sont pas parvenues à confirmer ou infirmer de manière décisive l’existence de trappes à bas salaires.
Quand les entreprises veulent le beurre et l’argent du beurre
Au-delà de cette assertion, il n’en demeure pas moins que les entreprises constatent, dans leur quasi-totalité (92%), l’insatisfaction des salariés face à la hausse « rapide » du coût de la vie et du non-rattrapage des salaires, indique l’étude. Mais ce n’est pas pour cela qu’elles agissent sur les salaires. Et elles en expliquent les raisons.
Ainsi, Parmi les entreprises qui se déclarent régulièrement confrontées à des freins à la progression salariale au voisinage du Smic, la hausse du coût du travail du fait de la diminution des allègements généraux de cotisation est donnée avec l’intensité la plus forte par 43 % d’entre elles. Par ailleurs, Les deux motifs les plus forts de freins sont les contraintes financières et économiques (marges, trésorerie), pour 67 % d’entre elles, et la difficulté pour l’entreprise à répercuter le coût salarial supplémentaire dans les prix, pour 67 % d’entre elles. Les entreprises qui citent la diminution des allègements généraux de cotisations comme motif le plus fort de frein à la progression salariale se retrouvent majoritairement parmi celles qui identifient ces deux autres freins, et inversement.
Bref, tandis que les entreprises avancent ces trois motifs, reliés entre eux, les salariés qui produisent, et donc construisent par leur travail la richesse de l’entreprise, font figure, eux, de cinquième roue du carrosse alors qu’ils revendiquent de vraies hausses de salaires ! Et ainsi que le rappelle régulièrement FO, il faut comprendre du salaire brut et non pas en diminuant l’écart entre le net et le brut, ce qui induit une atteinte au salaire différé, autrement dit, les cotisations sociales.
L’étude note d’ailleurs qu’une minorité d’entreprises rapportent l’insatisfaction de leurs salariés quant à la perte, en cas de hausse des salaires, de la prime d’activité ou d’autres aides publiques. Cela démontre, s’il en était besoin, que ce sont de vraies hausses de salaires qui sont revendiquées pour vivre dignement de son salaire et non des artifices, telle la prime d’activité, au financement public et qui vient en complément de bas salaires.
Mais à l’évidence, si la demande salariale est particulièrement vive depuis la sortie de la crise covid marquée par une inflation forte, les entreprises cherchent à la contourner. Ainsi, parmi les entreprises affirmant rencontrer des freins à la hausse des salaires, un peu plus d’un tiers indiquent envisager la prime de partage de la valeur (PPV) comme solution. Et note Rexecode la proportion tombe à un peu moins d’un tiers pour celles qui font de la diminution des allègements une cause importante de ces freins. La revendication d’une vraie hausse des salaires a encore de beaux jours devant elle !