Grève et primes : attention à la discrimination !


Selon l’article L 2511-1 du code du travail, l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux.

Ainsi, attribuer des primes à des salariés non-grévistes au seul motif qu’ils n’ont pas fait grève ou faire varier le montant d’une prime en fonction de la participation au mouvement de grève constitue une sanction discriminatoire fondée sur l’exercice du droit de grève (Cass. soc., 15-10-81, n°79-40861).

L’institution d’une prime dont le montant varie en fonction de la participation au mouvement collectif constitue une mesure discriminatoire s’il s’avère notamment que la quantité de tâches demandées au personnel non gréviste pendant la grève n’a pas été plus importante qu’à l’accoutumée et que l’instauration de cette prime a été décidée après le déclenchement du mouvement (Cass. soc., 2-3-94, n°92-41134).

La Cour de cassation considère que :

est discriminatoire la décision de l’employeur d’accorder aux non-grévistes des heures de compensation ou une prime ne correspondant pas à un surcroît de travail assumé durant la période de grève (Cass. soc., 3-3-09, n°07-44676 ; Cass. soc., 3-5-11, n°09-68297) ;

attribuer une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève est une pratique illicite au regard du droit de grève, même si l’employeur dit que ces salariés ont, en plus de leur travail, accepté de remplacer leurs collègues le temps de la grève (Cass. soc., 1-6-10, n°09-40144) ;

est aussi illicite le versement d’une prime aux seuls salariés non-grévistes en vue de compenser les conditions de travail pénibles de salariés pendant le mouvement social, liées notamment à la nervosité des usagers du service de transport assuré par l’employeur (Cass. soc., 3-5-11, n°09-68297).

En résumé, si un employeur peut verser une prime uniquement aux non-grévistes, c’est à la condition qu’il caractérise un surcroît de travail des salariés n’ayant pas participé au mouvement de grève. Selon l’article L 1134-1 du code du travail, il appartient seulement à celui qui invoque l’existence d’une discrimination directe ou indirecte d’apporter des éléments de fait laissant supposer son existence. A l’employeur de prouver que la prime est étrangère à toute discrimination et repose sur des éléments objectifs, précis et pertinents.

La Cour de cassation écarte toute justification liée à la dégradation et à la pénibilité des conditions de travail.

L’employeur doit démontrer la réalité et le sérieux du surcroît d’activité, que tous les salariés qui ont perçu cette prime ont été confrontés à un surcroît d’activité et enfin, que ce surcroît d’activité résulte directement et exclusivement du mouvement de grève. C’est à ces seules conditions que le versement d’une prime aux non-grévistes ne sera pas discriminatoire.

A noter également que l’employeur ne peut réduire ou supprimer une prime à un salarié en raison de sa participation à une grève.

Toutefois, cette mesure n’est pas discriminatoire si les autres absences, autres que celles que la loi assimile à du temps de travail effectif, entraînent la même suppression (Cass. soc., 23-6-09, n°08-42154).

Autrement dit, l’employeur peut tenir compte des absences motivées par la grève pour le paiement d’une prime, mais à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution (Cass. soc., 23-6-09, n°07-42677).

Face à une prime discriminatoire, deux types de recours sont possibles :

soit les salariés grévistes agissent, à titre individuel, devant le conseil de prud’hommes et demandent le versement de cette prime discriminatoire ainsi que des dommages et intérêts pour l’absence ou le retard du versement de la prime.

Le syndicat, au titre de la défense de l’intérêt collectif de la profession, peut se joindre à l’action des salariés grévistes et demander des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et atteinte à l’exercice du droit de grève.

Soit le syndicat agit devant le tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance) pour faire reconnaître le caractère discriminatoire de la prime et l’atteinte au droit de grève et demander des dommages et intérêts pour cette raison. Une assignation sur le fond ou à jour fixe est possible.

L’action du syndicat devant le tribunal judiciaire ne permet pas de demander le versement de la prime à tous les salariés.

Une fois la décision du tribunal judiciaire rendue, reconnaissant le caractère discriminatoire de la prime, les salariés devront saisir le conseil de prud’hommes pour demander le versement effectif de cette prime.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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