Frédéric Souillot, entretien avec le JDD : « Le Smic ne permet pas de vivre décemment »

ATTENTES. Reçu cette semaine par le directeur de cabinet de Michel Barnier, le dirigeant du syndicat Force ouvrière (FO) en est ressorti avec des premières réponses, plutôt encourageantes.

Le JDD. Comment se porte le climat social parmi les salariés dans les entreprises ?
Frédéric Souillot. Depuis juin, une colère sourde ne cesse de monter. Elle se cristallise aujourd’hui dans les entreprises où il y a des réductions de postes ou des fermetures de départements.

L’inflation en France est repassée sous la barre des 2 % au mois d’août, pour la première fois depuis trois ans. Ce retour à une inflation plus faible ne justifie pas forcément une hausse des salaires…
L’inflation n’est pas le seul critère. J’ajoute que la récente hausse des prix est inédite depuis 1987. Et ils restent élevés. C’est avec la paie qu’on remplit le frigo. Les baisses sur l’énergie et le carburant arrivent, mais sur les produits essentiels, toujours rien. Les hausses de salaires restent une priorité. C’est l’exigence numéro un des Français.

Lors de votre rencontre avec le directeur de cabinet de Michel Barnier mardi dernier, quelles ont été vos demandes concernant le Smic ?
Il faut augmenter le Smic à 80 % du salaire médian. J’ai aussi défendu le retour de l’échelle mobile des salaires : si le Smic augmente de 2 %, tous les salaires des minima de coefficients dans les grilles augmentent de 2 %, inflation ou pas. Cela mettrait fin à la « déSmicardisation » souhaitée par beaucoup. J’ai par ailleurs également dit à Jérôme Fournel qu’il fallait abroger la réforme des retraites. Nous devons revenir à un système par répartition, mais l’âge de départ ou l’allongement des cotisations, c’est un non-sujet. La priorité, c’est l’emploi des seniors.

Jérôme Fournel vous a-t-il laissé entendre que le Smic pourrait être amené à évoluer ?
Non. On a beaucoup parlé d’une économie en berne et de la condition des aides publiques aux entreprises. Un point d’accord : nous voulons rétablir l’impôt progressif pour tous, en particulier pour ceux qui bénéficient de réductions fiscales ailleurs que sur le territoire national. Ce rendez- vous était une prise de contact, qui s’est plutôt bien déroulée.

« La colère est sourde, mais elle gronde »

Comme la CFE-CGC, vous ne comptez pas manifester avec la CGT le 1ᵉʳ octobre prochain. Pourquoi ?
Faire des manifestations préventives, avant même de connaître le discours de politique générale ou les projets de loi de finances, ce n’est pas Force ouvrière. L’unité d’action, on l’a vécue avec la réforme des retraites ; l’intersyndicale, ce n’est ni la Nupes ni un nouveau Front populaire.

Y a-t-il un risque de forte mobilisation sociale si le gouvernement ne prend pas de mesures concernant les bas salaires ?
La colère est sourde mais elle gronde. Si le président Macron généralise la prime d’activité à tous ceux qui sont au Smic, c’est bien parce qu’il sait que le Smic ne suffit pas pour vivre décemment. Sans mesure sur les bas salaires, la réforme des retraites et la protection sociale collective, cette colère sourde deviendra vite visible.

Interview parue dans le JDD du 22 septembre 2024

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