FO s’inquiète de la cession du Doliprane à un fonds de pension américain

Le géant pharmaceutique Sanofi a annoncé le 11 octobre être en discussions pour céder le contrôle de sa filiale Opella, qui fabrique notamment le Doliprane, au fonds d’investissement américain CD&R. FO s’alarme des conséquences de cette décision tant en matière d’emploi que de souveraineté sanitaire. Le syndicat appelle à la grève sur le site de Lisieux ce 17 octobre.

Le dossier est explosif. La fabrication du Doliprane pourrait passer sous le contrôle du fonds d’investissement CD&R. Le géant pharmaceutique Sanofi a annoncé le 11 octobre avoir engagé des discussions exclusives avec ce fonds pour lui céder 50 % d’Opella, sa filiale de santé grand public spécialisée dans les médicaments sans ordonnance. Cette dernière, qui emploie 11 000 personnes dans le monde dont un millier en France, possède deux usines dans l’hexagone, à Lisieux et Compiègne. Le syndicat FO, qui a organisé des assemblées générales extraordinaires le 16 octobre, appelle à la grève sur le site de Lisieux le 17 octobre.

C’est une catastrophe et une erreur stratégique, alerte Adel Qalai, coordinateur FO Sanofi, qui rappelle que le groupe a reçu entre 1.5 à 2 milliards d’euros de crédit impôt recherche (CIR) ces dix dernières années. Doliprane est l’étendard de Sanofi en France. Opella doit rester au sein du groupe.

La fédération FO Pharmacie voit dans cette transaction une double menace, à la fois en matière d’emploi et de souveraineté sanitaire. Elle déplore la stratégie de Sanofi qui consiste à se séparer d’un outil industriel fiable et éprouvé. Tous ces produits cédés sont des marques fortes qui participent aux résultats consolidés du groupe, souligne-t-elle. La fédération exige à la fois des engagements fermes de maintien de la production et des emplois en France ainsi qu’une intervention forte des pouvoirs publics.

Michaël Cuvillier, délégué central FO chez Opella, n’est pas surpris par cette annonce. Il y a plus de deux ans, Sanofi a décidé de faire d’Opella une entité juridique. Elle prétendait qu’elle voulait nous rendre plus autonomes et compétitifs, mais on se doutait bien que c’était pour nous vendre, explique-t-il. Aucune date de cession n’a encore été annoncée au syndicat. Mais on nous a fait comprendre que la transaction était actée, et que Sanofi ne pouvait pas revenir en arrière, poursuit Michaël Cuvillier.

Des interrogations sur l’emploi, les acquis sociaux et la pérennité des sites

La direction du géant pharmaceutique affirme que l’arrivée de ce nouvel actionnaire n’aura aucune conséquence pour l’emploi et l’avenir des sites industriels. Mais les salariés sont très inquiets. Michaël Cuvillier s’interroge sur l’avenir de l’emploi, des acquis sociaux et de la pérennité des sites. Dans un premier temps, nous exigeons que Sanofi garantisse le maintien de nos conditions d’emploi actuelles ou qu’elle nous accorde une compensation financière, poursuit-il, en rappelant également que rien, pour l’instant, ne garantit le maintien des emplois en France.

Le 14 octobre, le ministre de l’Economie, Antoine Armand, et le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, se sont rendus à Lisieux pour rencontrer les salariés et les représentants du personnel et tenter de les rassurer. De cette usine sortent chaque année quelque 400 millions de petites boîtes jaunes. Seuls l’assemblage et le conditionnement sont produits sur place, le principe actif provenant à 70% d’Inde, sous forme de poudre.

Les ministres ont assuré vouloir imposer des conditions à la réalisation de ce projet de cession. Elles seraient assorties de sanctions en cas de non-respect, mais sans plus de détails. La signature d’un accord tripartite a été évoqué. Les garanties porteraient sur l’emploi, la production et l’approvisionnement en principes actifs sur le marché français, alors qu’une usine produisant du paracétamol doit ouvrir en 2026 en Isère. L’exécutif brandit également la procédure de contrôle des investissements étrangers en France qui permet, si les garanties ne sont pas respectées, de bloquer une vente.

De son côté, le chef de l’État, Emmanuel Macron, a assuré en marge d’un déplacement au Mondial de l’auto à Paris, le 14 octobre, que le gouvernement avait les instruments pour garantir que la France soit protégée en cas de cession. Sans préciser ce que sont ces instruments. La Banque française d’investissement (BPI France), a également annoncé le 16 octobre vouloir entrer au capital d’Opella à hauteur de 1%, pour 150 millions d’euros.

Maintenir le niveau de rémunération des actionnaires

Autant de promesses qui ne rassurent pas Adel Qalai. On avait envoyé en mars dernier un courrier au précédent ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour l’alerter de la situation chez Sanofi. Il nous avait répondu quatre mois plus tard, pour nous dire que le dossier était suivi avec attention.

Michaël Cuvillier, lui n’accorde aucun crédit aux discours rassurants de la direction et de l’exécutif. Le gouvernement veut se donner bonne conscience. On nous fait des promesses orales, mais sans écrits, les paroles partent avec les ministres. Et rien ne garantit le maintien des emplois en France.

Cette cession illustre la stratégie financière du géant pharmaceutique, qui reverse chaque année des milliards d’euros sous forme de dividendes à ses actionnaires. Le Doliprane, c’est un business qui marche. L’outil industriel est largement amorti, le médicament se vend tout seul et rapporte énormément, explique Adel Qalai. Opella, qui a réalisé 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, permet actuellement au géant pharmaceutique d’engranger 1 milliard d’euros de bénéfices annuels. La valeur de la filiale ayant été évaluée à 15 milliards d’euros, la cession de la moitié des parts rapportera 7,5 milliards d’euros à Sanofi.

Mais Sanofi ne veut plus aller que vers des molécules à forte valeur ajoutée. Il a quitté récemment l’oncologie, sort du diabète, arrête la recherche et développement. La distribution des médicaments a été cédée à DHL qui n’avait jamais fait ça auparavant. Le groupe est en train d’être découpé à l’américaine. On préfère vendre les bijoux de famille pour maintenir le niveau de rémunération des actionnaires.

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