Un « ouf » de soulagement, voilà comment Philippe Grasset a ouvert mardi 29 septembre à Vogüe en Ardèche le 20e congrès de la Fédération FO-Finances qui se poursuit jusqu’à jeudi, 1er octobre. Quelque 140 délégués sont présents, indiquait le secrétaire général, ce qui représente une vingtaine de personnes en moins, seulement, par rapport au précédent congrès, en 2016.
Autant dire qu’en cette période de crise sanitaire imposant des mesures strictes pour la protection de chacun, la tenue confirmée du congrès de FO-Finances et cette participation quasi normale a le goût de la victoire pour les militants. Même masqués, en respectant les gestes barrières, dont la distanciation dans la salle du congrès, ils ont pris part à cette instance, essentielle à la vie de la fédération.
Ce retour à l’exercice du débat syndical en « présentiel » est symboliquement une première victoire contre la crise actuelle, sanitaire, mais aussi sociale. Et par leurs interventions à la tribune (une vingtaine), les militants ont signifié leur détermination à combattre, toujours et encore, crise Covid ou pas, les attaques menées depuis des années et qui s’intensifient sans cesse, contre la Fonction publique, ses agents et notamment ceux relevant du périmètre des ministères économiques et financiers de Bercy.
Se préparer aux élections professionnelles de 2022
Au cœur des préoccupations aussi, la volonté de développer davantage encore le poids de FO-Finances (hormis à la Caisse des dépôts, la fédération est représentative dans tous les secteurs ministériels). Cela passe notamment par la syndicalisation, ce qui nécessite de convaincre plus encore les agents du bien-fondé des revendications FO afin qu’ils adhèrent à la lutte de la fédération pour le respect des droits des personnels et, en obtenir de nouveaux.
L’enjeu est d’importance en vue de préparer les élections professionnelles qui se tiendront en décembre 2022 dans la Fonction publique. Malgré la crise économique et sociale, malgré les attaques incessantes contre les droits, il est impossible pour les militants, soulignait en substance Philippe Grasset, de baisser les bras. Pour le coup, c’est nous qui sommes la 1re ligne. Il faut faire passer aux agents un message d’espoir, d’optimisme et être unis. Je souhaite que tous les syndicats soient en ordre de bataille pour décembre 2022
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De contre-réformes en contre-réformes
D’ici là, la lutte promet d’être rude comme elle l’est d’ailleurs depuis ces dernières années. Au plan des effectifs, 2 513 suppressions d’emplois viennent d’être annoncées dans le périmètre de Bercy dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. C’est 200 de plus comparé à 2019 précisait le secrétaire général de FO Finances. Ce phénomène de suppressions n’est pas nouveau. Le plafond des autorisations d’emplois se situait à 130 000 en 1995, depuis plus de 50 000 emplois ont été supprimés
indiquait-il, irrité. Depuis 2016, le recul des emplois a été de 9,25% à la DGFIP (Finances publiques), de 9,52% à l’Insee, de 9,40% à la DGCCRF (direction de la consommation, concurrence et répression des fraudes), de 8,05% à la DGE (direction générale des entreprises)… Au total les différents secteurs ministériels ont perdu 9,40% de leurs emplois.
Cette mise à mal des emplois s’est insérée, depuis des années et au nom de la réduction de la dépense publique, dans une stratégie portant atteinte aux missions et à l’organisation même des services publics dans le giron des ministères de Bercy. Au risque de rendre de plus en plus difficile la capacité des agents à assurer leurs missions et par un service de qualité dû aux usagers. Au besoin aussi en portant constamment atteinte au statut général, garant des droits des agents.
Le prétendu « nouveau monde » annoncé a vite affiché sa philosophie. Ainsi, rappelait Philippe Grasset le projet de loi de finances de 2018 avait confirmé la vision très libérale de ce gouvernement, avec la suppression de l’ISF, la poursuite du CICE….
, cela en affirmant la « théorie du ruissellement », en résumé, ce qui est accordé, qui bénéficie aux plus riches aurait des retombées positives au final pour les plus modestes. Or, pour l’instant ces derniers n’ont pas reçu une goutte de cette prétendue cascade de bienfaits.
Attaques frontales contre les agents publics
Que s’est-il passé depuis le dernier congrès de la fédération en 2016, au plan de l’actualité impactant directement ses secteurs ? Les annonces de réformes, les projets et autres lois ont viré à l’hécatombe.
Lois travail, ordonnances Macron, rapport ultra libéral de Cap-2022 proposant dans moult secteurs des réformes visant à abaisser la dépense publique y compris en externalisant les missions et en privatisant… Loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 qui supprime les CHSCT, contractualise les emplois, conçoit les ruptures conventionnelles, supprime et fusionne les instances consultatives (CT, CAP) en leur ôtant des prérogatives essentielles au plan de la défense des carrières des agents (sur les promotions et mutations notamment). Cette loi qui crée des CSA (inspirés des CSE dans le privé) a pour effet aussi de viser les droits et moyens syndicaux, qu’elle diminue.
Découlant de la loi de Transformation de la fonction publique, se sont créées les LDG, les « lignes directrices de gestion » pour la mobilité ou les promotions, soit une méthode qui via notamment des « comités Théodule » s’insurgeait Philippe Grasset, permet à l’administration d’étendre son pouvoir sur les questions relatives à la carrière des agents.
Les dégâts de l’interministérialité
Fin de liste des projets et contre-réformes engagés depuis 2016 ? Non point. Comment ne pas citer le projet de réforme des retraites, le gel des traitements indiciaires (depuis 2011 hormis une augmentation de 1,2% mais en deux temps sur 2016/2017), l’entrée en vigueur en 2016 du nouveau régime indemnitaire Rifseep qui individualise davantage encore la rémunération des agents et la portée du champ indiciaire, la réforme territoriale de l’État, la « démétropolisation » des implantations de services dans le giron de Bercy et de leurs postes, la réforme pour un nouveau réseau des implantations de proximité des finances publiques (réforme NRP) ce qui concrètement se traduit entre autres par la suppression d’un millier d’implantations (dont les trésoreries…), la mutation de la DGAFP (l’administration de la fonction publique) en une sorte de DRH de l’État… A ajouter encore, la volonté affirmée quant à la gestion des deniers publics d’aller vers la suppression du principe républicain de la séparation des pouvoirs entre ordonnateurs et comptables publics, particulièrement au plan de la gestion des finances du service public local (autrement dit celles des collectivités territoriales).
Liste achevée cette fois ? Hélas non. Il faut encore évoquer les nouvelles restructurations par fusions de services ou disparitions de pôles existants (tel le 3E au sein des Direccte avec 430 agents impactés dont 33 attendent toujours un reclassement), les transferts de compétences au privé (la perception d’impôts désormais possible par les buralistes par exemple), la dématérialisation à outrance dans tous les services ce qui va de pair avec les suppressions de postes, le concept d’interministérialité porté aux nues par les gouvernements successifs, la mise en place en 2019 du PAS, le prélèvement à la source qui, entre autres, fait de l’employeur un tiers collecteur d’impôt et complique les relations entre l’usager et l’administration. Les services des impôts n’ont pas reçu davantage de moyens pour mettre en place ce grand bouleversement fiscal.
Les missions malmenées
Serait-ce là enfin la fin de la liste des dégradations diverses et variées des missions, conditions de travail et droits statutaires contre lesquelles luttent quotidiennement les militants de FO Finances chacun dans leurs secteurs ? Pas du tout. Et la liste pourrait être encore immensément longue.
Il faut citer par exemple les transferts de missions, au gré des restructurations, d’une direction ministérielle à l’autre, tel le projet de transfert de la gestion de taxes, à l’instar de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) dont la gestion irait bientôt du secteur des douanes vers la DGFIP sans pour cela que le secteur des finances publique ne récupère les 500 emplois ainsi menacés aux douanes. On pourrait citer encore les difficultés désormais chroniques des DDI (les directions départementales interministérielles) nées de la réforme Reate.
Après avoir été vidées de leurs effectifs en dix ans, elles changent désormais de tutelle. Selon un décret du 15 août dernier, elles passent de la tutelle de Matignon à celle du ministère de l’Intérieur. En difficulté aussi les services de la DGCCRF, atomisés en 2010 (par la réforme Reate) entre, à l’échelon régional, les Direccte (directions interrégionales fourre-tout regroupant notamment le secteur Travail et emploi) et au plan départemental, les DDI. Cette situation, sans parler de la perte massive des effectifs depuis dix ans, créée une rupture dans la chaîne de commandement s’indignent les militants déplorant qu’actuellement, 30 départements n’aient plus de hiérarchie CCRF. Le secteur des laboratoires perd lui régulièrement des effectifs et est aux prises avec des restructuration/changements d’implantations.
Masqués mais pas bâillonnés
Depuis son ouverture, le congrès FO-Finances évoque aussi particulièrement les attaques contre l’Action sociale avec, s’insurge Philippe Grasset, « une remise en question de tout ce que nous avons construit dans le secteur des finances et par des luttes sociales, notamment à l’époque du grand conflit de 1989 »…
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les raisons de lutter contre toutes ces attaques foisonnent. Tant par leurs prises de paroles soulignant les revendications et les avancées obtenues et celles encore à décrocher, que par les quatre résolutions actuellement en élaboration (résolution générale, résolution portant sur les personnels, résolution action sociale, résolution hygiène et sécurité) les militants de FO-finances sont bien décidés à combattre pour leurs droits. Il faut dire aux collègues qu’ils sont masqués mais pas bâillonnés
résume Hélène Fauvel, secrétaire générale de FO-DGFIP.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly