Après avoir négocié le maintien de l’emploi et des salaires pendant le covid en contrepartie d’économies sur l’épargne salariale, la coordination FO de Safran vient d’obtenir un retour à la situation antérieure. En cette période d’inflation, le syndicat joue sur tous les leviers pour maintenir le pouvoir d’achat des salariés.
La parenthèse du covid se referme progressivement chez Safran. La coordination FO du groupe industriel a signé, le 18 décembre 2023, un accord relatif au plan d’épargne retraite collectif (Perco), qui marque un retour de l’abondement. A compter de 2024 et jusqu’en 2026, chaque salarié du groupe industriel, employant 45 000 salariés en France dans 13 sociétés, peut bénéficier d’un abondement de l’entreprise sur son Perco, pouvant aller jusqu’à 1 000 euros par an. Sur le plan d’épargne du groupe (PEG), un autre dispositif d’épargne salariale, l’abondement est également de retour et peut monter jusqu’à 2 000 euros par an. Au global, chaque salarié peut bénéficier d’un supplément allant jusqu’à 3 000 euros, versé par l’entreprise, s’il place 5 000 euros en épargne salariale, indique Daniel Barberot, coordinateur FO.
Priorité à l’emploi pendant le covid
C’est donc un retour à la situation d’avant covid, et même un peu mieux. Début 2020, Safran, qui fabrique notamment des moteurs d’avions, prend de plein fouet la crise de l’industrie aéronautique. Pour FO, la priorité absolue est alors d’éviter une catastrophe sociale avec des licenciements secs. C’est pourquoi le syndicat signe, en juillet 2020, un accord de transformation de l’activité. Safran s’engage à ne procéder à aucun départ contraint. En contrepartie, les abondements sur l’épargne salariale sont gelés et la prime d’intéressement diminuée. Notable, FO obtient un gel puis une modération des versements de dividendes aux actionnaires en 2020 et 2021. Cela nous a permis de passer la crise en préservant l’emploi et les salaires, explique Julien Gréau, coordinateur FO et délégué syndical central (DSC) à Safran Aerosystems, qui souligne la qualité du dialogue avec la direction à l’époque. L’entreprise a semble-t-il bien compris son intérêt. Sa production est repartie plus rapidement en France qu’ailleurs, une fois la crise passée.
Salaires maintenus
Dans d’autres pays, la situation n’est pas aussi favorable. On voyait Safran qui fermait des sites à l’étranger, se souvient Julien Le Pape, de Safran Electronics & Defense, également coordinateur syndical FO. A la même époque, un accord sur l’activité partielle longue durée (APLD) – le premier de ce type en France – est signé par FO. L’employeur s’engage notamment en matière d’emploi, et perçoit en contrepartie une aide de l’État qui garantit jusqu’à 93% du salaire net d’un salarié si ce dernier doit travailler à temps partiel faute d’activité. Pour compléter, les 16 000 salariés de Safran en APLD reçoivent une indemnité issue d’un fonds de solidarité. Les salaires sont ainsi en grande partie préservés pendant la crise. En 2021, FO négocie même une enveloppe avec hausse de 1% de la masse salariale, pour les jeunes, l’égalité femmes/hommes et les premiers niveaux de rémunération.
Combat pour le pouvoir d’achat
Puis le contexte change : la crise sanitaire se termine et l’inflation démarre. Le gel des rémunérations devenait difficile à accepter, d’autant que les salariés avaient fourni beaucoup d’efforts pendant la crise, rappelle Daniel Barberot. 2022 vire chez Safran en une année de conflits sociaux. A Safran Aircraft Engines, nous avons bloqué des ateliers et des ronds-points, rappelle Daniel Barberot. Après le gel des abondements, nous voulions récupérer ce que nous avions perdu ; nous n’y sommes pas totalement parvenus, admet Julien Gréau. FO obtient cependant alors que l’abondement maximum sur l’épargne retraite progresse : de 900 euros à 1 000 euros.
Chez Safran, il y a un attachement historique à l’épargne salariale explique Julien Le Pape. Attachement attesté par un fort taux d’adhésion aux dispositifs et des versements en vue de percevoir un abondement par 80 % d’entre eux. Mais, conscient que la capacité d’épargne n’est pas la même pour tous, le syndicat FO a négocié des dispositifs redistributifs. Ainsi, le taux d’abondement est dégressif : il est plus important pour les petits versements que pour les gros. Par ailleurs, tous les salaires inférieurs à 52 000 euros perçoivent la même prime de participation. Ce plancher est un compromis. Nous revendiquions le même montant de prime pour tous, explique Daniel Barberot.
Augmentations minimales de 100 euros
Dans l’entreprise le combat de FO pour le pouvoir d’achat des salariés se déploie sur plusieurs terrains. Lorsque la mutuelle décide d’augmenter ses tarifs, en 2023, FO menace de ne pas signer l’accord et obtient ainsi que Safran porte sa participation aux cotisations pour la mutuelle à 55%, contre 50% auparavant. Cela a permis d’absorber une partie de la hausse, déclare Julien Gréau. Les tickets restaurant ainsi que la prime de transport sont également revalorisés.
Enfin, lors des négociations sur les salaires de 2023, FO se bat pour obtenir le « talon » le plus élevé possible. Chaque salarié sera ainsi augmenté au minimum de 100 euros par mois, pour une enveloppe dédiée aux salaires en progression de 5,5%. Dans les sociétés où ce talon est atteint, FO signe. Pour 2024, nous demandons de nouveau un talon à 100 euros, le maintien voire l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés, un plancher pour le 13e mois et un budget pour réduire les éventuels écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, déclare Daniel Barberot. Les négociations sont en cours.