FO Défense en congrès : Rassembler pour défendre statuts et salaires

Le 42e congrès de la fédération FO de la Défense, des industries de l’armement et des secteurs assimilés (la FEDIASA/FO Défense) et celui des trois syndicats qui composent cette fédération a rassemblé quelques 300 participants à Pau du 22 au 26 avril dernier. Au programme, le renouvellement complet des équipes, avec notamment l’élection d’un nouveau secrétaire général, Valéry Michel, remplaçant Gilles Goulm, et un cahier de revendications toujours bien garni.

« La complexité de notre fédération c’est qu’elle a été fondée par l’association de trois structures avec des statuts différents et parfois des intérêts antagonistes, et avec des agents qui peuvent être sur le même type de postes. » Cette citation de Gilles Goulm, secrétaire général sortant résume à elle seule la spécificité de la FEDIASA-FO réunie en congrès à Pau à la fin du mois d’avril. Deux de ses syndicats regroupent des fonctionnaires (SNPTP et SNPAD) – ils réfléchissent d’ailleurs à une fusion qui n’est pas encore actée -, quand le troisième rassemble des ouvriers de l’État, agents non titulaires de droit public, dont certains travaillent même désormais dans le secteur privé (depuis la constitution du groupe industriel Naval group notamment) même s’ils ont conservé leur statut. Et ceci sans compter les agents contractuels, de plus en plus nombreux dans les secteurs de la Défense. Inutile de préciser qu’il y a donc beaucoup de travail pour défendre les intérêts des personnels civils du ministère des Armées, quelque 62 000 agents.

Aux élections professionnelles de 2022, la FEDIASA-FO a conservé sa deuxième place. Et l’Union fédérale des syndicats d’ouvriers (UFSO) a pris la première place en nombre d’élus (45) dans l’ensemble des commissions d’avancement des personnels à statut ouvrier. A noter que la loi de transformation de la Fonction publique de 2019 a diminué le nombre de commissions administratives paritaires sur le territoire (les vidant au passage de leur substance en enlevant aux syndicats leur rôle en matière d’avancement), amenant le syndicat national des personnels administratifs du ministère de la Défense (SNPAD) et le syndicat national des personnels techniques et paramédicaux (SNPTP) à fusionner leurs listes.

Renouvellement complet des bureaux

Ce 42e congrès était le dernier pour Gilles Goulm qui a décidé de ne pas solliciter de nouveau mandat après seize ans à la tête de la fédération. « Sans conteste ces mandats successifs ont été marqués par l’impact de la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en 2008, a souligné le secrétaire général sortant. Notre ministère a subi 80 % des mesures sur l’emploi de la RGPP depuis 2008. 54 000 suppressions de postes ont concerné nos sites et une réorganisation complète a été imposée aux agents sur laquelle on commence tout juste à revenir. Et cela a aussi obligé à refondre complètement la fédération. » Une diminution considérable des effectifs en poste qui a mécaniquement impacté le nombre de salariés et donc le champ de syndicalisation … « Cependant, nous sommes parvenus à redresser totalement la situation, et nous laissons à la nouvelle équipe des finances assainies », s’est félicité Gilles Goulm.

L’ensemble des bureaux des trois syndicats qui composent la FEDIASA-FO a été intégralement renouvelé. Sandrine Couet prend ainsi la tête du SNPAD, Grégory Raffini, celle du SNPTP et Mohamed Ali Anfif celle de l’UFSO. Quant à Valéry Michel, anciennement secrétaire général du SNPTP, il prend la tête de la fédération (lire son portrait ici). « L’objectif pour moi va être la formation, une formation qui nous aide à nous développer et à nous défendre » a-t-il résumé. Un objectif encouragé par Louis Chauvel, membre de la commission des conflits fédérale, s’adressant en particulier aux nouvelles recrues du SNPTP : « Plus vous serez compétents sur l’ensemble des statuts représentés dans nos syndicats, plus vous serez forts vis-à-vis des gens à qui vous adresserez, vis-à-vis de l’administration. Et je vous assure qu’ils sont parfois assez contents de nous trouver pour avoir des explications, y compris parmi les « cinq galons », qui ne savent pas toujours nous répondre. »

Sandrine Couet travaille depuis 33 ans au ministère des armées. Elle est actuellement détachée du service des ressources humaines du ministère (DRHMD), et assume des responsabilités syndicales depuis 2018. « Je veux redonner aux agents l’envie de se syndiquer », résume-t-elle. Ses priorités ? « La préservation du Statut, l’augmentation du point d’indice, la place du personnel civil dans les bases, la préservation des effectifs et le développement de l’égalité hommes/femmes. » Sandrine Couet souhaite également mettre l’accent sur l’accompagnement des travailleurs handicapés. « Une difficulté particulière réside dans le handicap invisible, observe-t-elle. Nous avons beaucoup d’agents concernés, or nos cadres ne sont pas du tout formés à leur accueil. »

Mohamed Ali Anfif est quant à lui entré au ministère des armées comme enseignant, puis a œuvré au département logistique et transport de l’école de santé des armées à Bordeaux. Il est ensuite passé à la direction générale des armées où il a travaillé à la prévention des risques professionnels. Il assume des responsabilités syndicales depuis 2010 et représente la fédération comme délégué régional sud-ouest. « Nous sommes premiers sur la région avec une progression significative aux dernières élections », se réjouit-il. Sa priorité : travailler sur l’attractivité des carrières. « Avec le gel du point d’indice, le privé fait de l’œil à beaucoup de nos personnels dans le médical, l’aéronautique ou la logistique. C’est tout un savoir-faire qui risque de partir avec ces agents. » Mohamed Ali Anfif veut aussi attirer davantage de jeunes dans les carrières de la Défense en faisant mieux connaître ce secteur.

Quant à Gregory Raffini, nouveau secrétaire général du SNPTP et trésorier adjoint de la FEDIASA-FO, il est entré au ministère comme pâtissier du côté d’Aubagne et a évolué dans différents métiers jusqu’à devenir ingénieur santé et sécurité au travail. Il est issu d’une famille de mineurs, très ancrée dans le syndicalisme, et également engagé comme sapeur-pompier volontaire. Parmi ses priorités : « J’aimerais qu’on reprenne en main la filière technique, mise à mal par ce gouvernement, explique-t-il. J’ai pu bénéficier d’un parcours professionnel intéressant grâce à la formation mais depuis on a perdu beaucoup de formations qualifiantes, les concours ont été modifiés, il n’y a plus d’épreuve écrite ce qui introduit plus de subjectivité dans le recrutement. »

Traitement indiciaire : Une perte de pouvoir d’achat de 27%

Autant de sujets très présents dans les débats qui ont animé les quatre jours du congrès palois et dans les résolutions de la fédération. Parmi ses revendications prioritaires : une augmentation des effectifs des personnels civils. 300 postes ont été créés récemment, alors que la loi de programmation militaire en prévoit 4500. « Afficher une loi de programmation militaire à 413 milliards d’euros n’a de sens que si les conditions de travail et les moyens d’accomplir les missions sont au rendez-vous », souligne ainsi la résolution générale.

Des augmentations massives de salaires sont demandées dans tous les secteurs en compensation de l’inflation et des années de gel du point d’indice ainsi que des bordereaux de salaires (appellation des salaires des ouvriers d’État). La FEDIASA-FO Défense s’associe aux revendications de la FGF-FO (fédération générale des fonctionnaires FO) pour un plan de rattrapage et avec une augmentation immédiate de 10 % de la valeur du point d’indice. « En bas à gauche de votre fiche de salaire il manque 27 % depuis le gel de 2011 », a rappelé Valéry Michel.

Le congrès revendique également un traitement indiciaire minimum de 120 % du Smic. Le SNPAD précise dans sa résolution que ce minimum devrait être porté à 140 % pour les agents de catégorie B et 160 % pour ceux de catégorie A.

Des avancées néanmoins arrachées

La rémunération des agents demeure en effet un souci majeur. Si les accords du Ségur de la Santé ont également été signés par le ministère des Armées, 40 % des effectifs de son service de santé sont encore écartés de ce complément de traitement indiciaire de 49 points mis en œuvre à partir de 2020. « Les établissements de ravitaillement, les centres médicaux et le CTSA de Percy ne sont toujours pas concernés. Or les soignants se plaignent de longue date des difficultés à recruter et de conditions de travail rendues difficiles. Le sujet reste d’actualité et il faut encore se battre là-dessus » confirme Valéry Michel.

Du côté de l’UFSO, une revendication de longue date concernant les mécaniciens aéronautiques qui travaillent à la maintenance et à la remise en service des aéronefs a finalement abouti en 2022. En effet, pour une responsabilité similaire, leurs alter egos militaires recevaient une indemnité spéciale, en reconnaissance de leur savoir-faire et de leur engagement. Depuis le décret du 20 avril 2022, une prime a donc été créée pour les personnels civils.

Des statuts constamment attaqués

Les trois syndicats et leur fédération entendent bien continuer aussi à se mobiliser contre « l’individualisation des salaires » qui se répand, à coups de primes, de suppression des catégories, de revalorisations spécifiques à certains agents sous contrat… « Un exemple : chez les agents contractuels du numérique une revalorisation a été annoncée cette année, mais dans le même service, en fonction de la fiche de poste tous ne seront pas revalorisés de la même manière et deux contrôleurs qui travaillent côte à côte pourront subir de vraies différences », explique-t-on au SNPTP.

Autant d’attaques qui visent en fait à dégrader les statuts. Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires (FGF-FO), et de l’Union interfédérale FO Fonction publique, a résumé la position de sa fédération sur le sujet : « Notre conception de la Fonction publique c’est un diplôme, un concours : ce qui garantit la neutralité et l’égalité de l’accès à l’emploi et qui détermine une catégorie A, B ou C. Peu importe le corps particulier dans lequel je suis. »

Au cours de son intervention devant le congrès, Frédéric Souillot, secrétaire général de la Confédération, a, pour sa part, fustigé les « va-t-en guerre du social qui veulent remettre en cause les statuts. Sans les statuts de la Fonction publique nous n’avons rien. C’est l’égalité au sein de la République. »

Lutter pied à pied pour conserver la capacité d’action syndicale

« L’objectif des réformes successives dans la Fonction publique c’est que l’agent se retrouve seul face à son administration et que le contrepoids des organisations syndicales soit réduit à néant dans les établissements », a lancé Gilles Goulm, alertant depuis de nombreuses années. En effet depuis la loi de Transformation de la fonction publique, qui a notamment fusionné les instances représentatives, les commissions administratives paritaires d’avancement ont été supprimées, ainsi que les CHSCT. Pour atténuer les effets néfastes de ces textes la fédération s’est battue pour obtenir le maintien d’un dialogue bilatéral sur ces sujets mais « cela reste fragile et ne repose que sur une volonté de l’administration qui peut légalement y mettre un terme à tout moment ».

Autre illustration de la période difficile pour l’exercice syndical : la fédération a également perdu des temps syndicaux. Une situation notamment due aux réductions d’effectifs dont l’impact sur les temps syndicaux n’avait pas été pris en compte, mais aussi à une dérogation mieux-disante aux textes Fonction publique. Cependant, le ministère a décidé de revenir à la règle la plus stricte, ramenant les temps syndicaux de la fédération de 117 équivalents temps plein à 73. « Lors des élections syndicales nous avons subi une baisse drastique des crédits d’heures. »

La défense aussi des contractuels

Si la FEDIASA-FO défend toujours fermement le Statut, elle s’engage également au côté des agents sous contrat (ASC). Autrement dit, les contractuels. Ceux-ci représentent désormais l’effectif le plus nombreux au sein des personnels techniques et paramédicaux (qui incluent également les professeurs et les travailleurs sociaux). Leur effectif a plus que doublé en dix ans passant de 3541 à 13077. Aussi le bureau national du SNPTP comprend-il une représentante de ces ASC en la personne d’Anne Pavard. « On a obtenu que dans les établissements, les services des ressources humaines bénéficient d’une formation à la gestion des agents sous contrat mais aussi que les délégués syndicaux suivent une formation d’une journée pour mieux défendre ces salariés », a également souligné Valéry Michel. La loi de Transformation de la Fonction publique a été l’occasion d’obtenir pour ces agents des améliorations telles que la possibilité d’accéder directement à un CDI, la portabilité de celui-ci d’un employeur public à un autre, l’impossibilité de proposer un contrat inférieur à douze mois sur des postes pérennes. « Un rebasage de la filière technique a également été acté mais doit encore être mis en place. »

Le congrès a dénoncé aussi la « dégradation organisée des conditions de travail ». Une dégradation liée aux restructurations successives qui intensifient la charge de travail au détriment de la santé des personnels. A ce sujet les militants s’inquiètent du manque de médecins du travail et demandent le rétablissement des moyens des services de médecine du travail. Cette dégradation est aussi parfois due à l’adoption d’outils numériques dont l’usage nécessite d’être plus précisément cadré. La FEDIASA-FO revendique un droit à la déconnexion et alerte sur le développement du télétravail « non pas comme une facilité d’organisation mais comme une échappatoire pour les salariés à un environnement professionnel devenu toxique ».

Bases à l’étranger : Les personnels de recrutement local dans l’expectative des restructurations annoncées

Quatre représentants des personnels civils de recrutement local étaient présents au congrès de la FEDIASA-FO. Ils ont témoigné de leurs craintes, fortement concernés par les restructurations liées au retrait des troupes stationnées en Afrique.

« Nous sommes présents à chaque congrès, explique Youssouf Houssein, secrétaire général du syndicat des forces françaises stationnées à Djibouti. Cela nous apporte du soutien, des idées et contribue à notre formation. » Ces personnels de recrutement local sont majoritaires parmi les travailleurs civils des bases de défense et des services du ministère positionnés à l’étranger. Ils sont donc concernés au premier chef par les restructurations : « Entre 2024/2025 près de 600 personnels locaux seront concernés en Afrique, précise Patrick Daulny, chargé de mission Afrique à la FEDIASA-FO qui accompagne les personnels civils recrutés localement à l’étranger. Nous cherchons à obtenir pour eux la meilleure indemnisation possible car le droit du travail local est peu protecteur et il leur sera difficile de retrouver un emploi équivalent. » A titre d’exemple, le droit du travail sénégalais n’accorde que trois mois d’indemnités aux travailleurs licenciés.

Selon les pays il sera plus ou moins difficile de retrouver un emploi comparable. « Il y a très peu d’opportunités au Gabon », s’inquiète ainsi le militant. « Et même si des reclassements sont proposés nous aurons besoin de formation », observe Eunice Massangui, déléguée du personnel des établissements français au Gabon qui ne possèdent pas encore de syndicat. « Longtemps l’employeur n’a pas accepté qu’un syndicat se mette en place. Résultat, la précédente restructuration à Port-Gentil s’est très mal passée. » Les établissements français du Sénégal ont déjà connu une restructuration en 2011. « Et malgré l’apport du syndicat, d’anciens salariés se retrouvent aujourd’hui à faire la manche, s’inquiète Djibril Ndiaye, secrétaire général de la section syndicale des personnels civils des établissements français de droit local. Et 80 à 85 % n’ont pas réussi à se réinsérer convenablement. »

« Nous n’avons plus qu’à négocier un plan de départ »

Surtout les salariés des forces françaises ont beaucoup à perdre puisqu’ils bénéficient d’acquis sociaux qui n’existent pas dans les entreprises locales. « Au Sénégal, les Forces françaises ont signé avec nous un accord d’entreprise, observe Djibril Ndiaye. Nous bénéficions de négociations salariales annuelles, d’avancements, de primes, d’indemnités de fin de carrière améliorées, d’une mutuelle d’action sociale, d’une prévoyance maladie, d’une retraite complémentaire… »

Pour l’instant ces personnels sont dans l’expectative : « On nous a dit que d’ici 2025 il n’y aurait plus de personnel de recrutement local, résume Elvis Kouame, secrétaire général du syndicat des employés civils des établissements français en Côte d’Ivoire. Donc nous n’avons plus qu’à négocier un plan de départ. Nous demandons que le ministère manifeste sa reconnaissance au moyen d’un plan social d’accompagnement. » Une indemnité qui permette de créer sa propre entreprise sera la bienvenue. « Mais nous allons également rencontrer un gros problème avec nos emprunts bancaires garantis par l’employeur, poursuit Elvis Kouame. Sitôt notre licenciement prononcé et les indemnités versées, les banques seront en effet en droit de se servir sur ce capital. »
Le dossier de ces personnels doit avancer prochainement puisqu’un rapport rédigé doit être remis début juillet.

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