Ce 21 octobre, s’ouvre à l’Assemblée nationale le débat sur le projet de loi de finances pour 2025. Cela sur fond de plan de redressement des comptes publics que le gouvernement prévoit sévère avec un « effort » de plus de soixante milliards d’euros dont un tiers par l’apport, limité, de recettes supplémentaires. Cela en sollicitant très modestement les ultra riches et les grandes entreprises. L’effort, pour ses deux autres tiers, reposerait sur la baisse des dépenses publiques, notamment celles de l’État. Sont notamment prévues des diminutions de crédits – donc de moyens pour les missions des services publics – et la suppression d’emplois publics. Pour la confédération FO, s’il ne dit pas son nom, il s’agit bien d’un plan d’austérité. Pour FO-Fonction publique, ce plan consiste à « faire passer les fonctionnaires à la caisse du Quoi qu’il en coûte ». Ce que FO conteste.
Les nouveaux ministres de Bercy s’en défendent, mais… Ce que propose le projet de loi de finances (PLF) ainsi que celui de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ressemble fort à une cure d’austérité. Cela par une réduction des dépenses publiques à hauteur de 41,3 milliards d’euros en 2025. L’État est concerné pour 20 milliards d’euros, ses opérateurs, pour plus d’un milliard. La sécurité sociale pour quinze milliards (dont pour quatre milliards, par le report de six mois, à juillet 2025, de la revalorisation des pensions de base, soit leur indexation à l’inflation). Les collectivités territoriales seraient impactées pour cinq milliards d’euros. Entre autres mesures déclenchant la colère des élus locaux : un gel de la revalorisation de part de TVA que les collectivités perçoivent, la réduction du fonds de compensation de la TVA ou encore, visant les collectivités les plus importantes, la création obligatoire pour elles d’un fonds d’épargne.
Le gouvernement qui prévoit de ramener le déficit public de 6,1% cette année à 5% l’an prochain (avec une croissance estimée à 1,1%) prône un « effort » global de 60,6 milliards d’euros sur les comptes publics. Un tiers de cet effort tient en une recherche, limitée, de recettes fiscales complémentaires, soit 19,3 milliards d’euros. Huit proviendraient du renforcement de l’impôt sur les sociétés pour a priori les 300 (voire 400) entreprises au chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.
La France, championne d’Europe des dividendes…
Le PLF pour 2025 ne touche pas au Crédit impôt recherche, niche fiscale de premier plan pour les entreprises (d’autant depuis sa réforme en 2008), et qui chaque année désormais induit un manque à gagner de près de huit milliards d’euros pour l’État. En 2025, il serait de 7,7 milliards d’euros. Il était de 5,4 milliards d’euros en 2015 et de 0,4 milliard d’euros en 2004. Plus largement, le projet ne propose d’ailleurs pas de coût de rabot global sur les niches fiscales, lesquelles ne cessent de prendre de l’ampleur au fil des années et devraient induire pour l’État en 2025 un manque à gagner de plus de 85 milliards d’euros, deux milliards de plus que cette année et qu’en 2023.
A noter que les dividendes versés aux actionnaires par les entreprises françaises du CAC40 vont, eux aussi, de records en records. En 2023, ils ont atteint 68,7 milliards de dollars (plus de 63 milliards d’euros). Au 2e trimestre 2024, la France reste la championne d’Europe pour les dividendes versés aux actionnaires par les entreprises avec 58,6 milliards de dollars (54,3 milliards d’euros), soit une hausse de 6,8% par rapport à la même période l’an passé. Les observateurs estiment que le total des dividendes versés en 2024 par ces entreprises françaises atteindra 70 milliards d’euros. Voire plus.
Une sollicitation très limitée des ultra-riches
Dans le projet de loi qu’il a présenté, le gouvernement prévoit de solliciter – par une contribution « exceptionnelle » – l’impôt sur le revenu des foyers les plus riches, ceux parmi les 0,3% (soit 65 000 foyers) affichant un revenu annuel de 250 000 euros pour un célibataire, 500 000 pour un couple. Selon les dernières estimations de Bercy, seuls 24300 foyers s’acquittant actuellement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus/CEHR mais aussi ayant un taux d’imposition inférieur à 20% seraient « effectivement redevables » de la future contribution programmée. Le gouvernement prévoit que la mesure apporterait une recette de deux milliards d’euros aux caisses de l’État. C’est plus de moitié moins que le rendement annuel de feu l’ISF…
En matière de recettes encore, d’autres mesures impacteraient une population plus large. Ainsi le durcissement du malus écologique à l’achat d’un véhicule thermique (y compris pour les petites cylindrées), ou encore le relèvement de la taxe TICFE sur l’électricité pour une recette attendue de trois milliards d’euros. Le gouvernement entend aussi par exemple introduire pendant le débat un amendement pour une taxation renforcée des billets d’avions (pour une recette autour d’un milliard d’euros).
FO pointe une rhétorique anxiogène autour du déficit
Pour la confédération FO, les mesures visant les grandes entreprises et les plus aisés sont illusoires compte tenu de la mobilité des bases taxables et des stratégies d’optimisation fiscale. En revanche, toujours rien sur les niches fiscales les plus importantes comme le CIR, les impôts sur le patrimoine des plus aisés ou une taxation des revenus financiers !
Et de poursuivre : Pourtant, FO n’a cessé de rappeler que les politiques de soutien aux entreprises sans conditionnalité et les allègements fiscaux vers les ménages les plus aisés menées depuis sept ans n’ont permis ni de redresser les finances publiques ni de relancer la croissance économique ou l’investissement. Ce bilan est soigneusement occulté par une rhétorique anxiogène autour du déficit. Et la confédération de faire part de ses craintes : cette cure d’austérité risque de plonger l’économie dans la stagnation voire la récession avec en ligne de mire des pertes de pouvoir d’achat immédiates pour tous les retraités et les consommateurs avec l’augmentation conséquente de la taxe sur l’électricité (TICFE).
Les économistes de l’OFCE peu optimistes
Alors que le gouvernement a construit son projet de budget sur une prévision de croissance à 1,1% du PIB en 2025, les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) se montrent beaucoup moins optimistes. En 2025, sur fond d’incertitudes, nombreuses, sur l’économie française et en tenant compte des mesures prévues par le gouvernement pour redresser les comptes publics, la croissance serait impactée et se tiendrait plutôt autour de 0,8% l’an prochain indiquait l’OFCE le 16 octobre.
L’Observatoire précise que la consommation des ménages serait la principale source de croissance, cela par le reflux de l’inflation et malgré une baisse (de 0,2%, selon son estimation) du pouvoir d’achat des ménages, notamment du fait du report de la revalorisation des pensions… Evoquant notamment une contraction de l’emploi et un moindre financement des politiques publiques de l’emploi (prévu par le PLF pour 2025), l’Observatoire prévoit une remontée du chômage, à 8% de la population active. Quant au déficit public à la fin de 2025, il s’établirait plutôt à 5,5% du PIB (et non 5% comme prévu par le gouvernement). Au passage, l’OFCE remet en cause le niveau et l’architecture de l’effort sur les comptes publics conçus par le gouvernement. Pour les économistes, l’effort global se situerait plutôt à 44 milliards d’euros et pour 60% il devrait se faire par l’apport de recettes supplémentaires. Une analyse qu’a contestée le gouvernement.
Retour au texte initial
Alors que l’examen du projet de loi de finances s’ouvre en séance plénière ce 21 octobre à l’Assemblée nationale, en amont, en commission des finances, les députés ont depuis le 16 octobre fortement remanié la partie recettes du texte (votant par exemple la pérennité de la taxe sur les hauts revenus alors que sa durée est prévue par le gouvernement jusqu’en 2027, le durcissement des modalités du CIR ou encore celles du rachat d’actions…). Toutefois, par un vote final, les modifications appliquées au texte ont été rejetées. C’est donc le texte initial produit par le gouvernement qui arrive ce 21 octobre en séance. Pour le ministre de l’Economie, Antoine Armand, la version amendée puis rejetée en commission procédait d’un matraquage fiscal, le Premier ministre raillant lui un concours Lépine fiscal.
Les moyens soumis à un jeûne toujours plus rude
L’effort que prône le gouvernement concernant les comptes publics est donc constitué surtout, au deux-tiers, d’une baisse de dépenses. Et les moyens de l’État sont dans le viseur. Si les crédits des Armées et de l’Intérieur augmentent, pour de nombreux autres secteurs, c’est le régime sec avec une programmation de baisse des dépenses à hauteur de vingt milliards d’euros, cela comprenant pour les ministères une économie supplémentaire de cinq milliards d’euros (qui sera présentée par un amendement du gouvernement). Cette année, en plusieurs étapes et dès février, des opérations de gels ou d’annulation de crédits ont eu lieu, à hauteur de 26,5 milliards d’euros.
2025 promet d’être encore plus austère. Est acté par exemple dans le PLF, une perte de 500 millions d’euros de crédits pour la Justice, de deux milliards d’euros pour le secteur Travail et Emploi, qui perd près de 1 000 emplois. Autre illustration de l’austérité, le Fonds vert (aide au financement des projets des territoires pour la transition écologique) perdrait 1,5 milliard d’euros l’an prochain sur sa dotation habituelle de 2,5 milliards.
Du côté de l’emploi public, derrière le solde net des suppressions de postes annoncées (2201, État et opérateurs compris) et visant une « économie » de 100 millions d’euros, se cache la suppression de 4 000 postes d’enseignants ou encore de 500 postes dans les ministères de Bercy (dans les secteurs de la lutte contre la fraude fiscale note la confédération FO).
Payer le Quoi qu’il en coûte, pour les agents publics, c’est Non !
Le 11 octobre l’Union interfédérale FO de la fonction publique rappelait qu’à ces suppressions s’ajouteront des milliers de non-renouvellements de CDD que le Gouvernement occulte volontairement Et s’indigne FO Fonction publique, c’est sans compter les 100 000 suppressions de postes demandées aux collectivités territoriales par un récent rapport de la Cour des comptes.
Par ailleurs, notent encore les fonctionnaires FO, les fusions prévues d’opérateurs publics (projet de fusion de services publics annoncé par le Premier ministre début octobre) vont entraîner mécaniquement des suppressions de postes et compliquer le service rendu à l’usager. De fait, les fonctionnaires passent à la caisse du Quoi qu’il en coûte s’indigne FO-Fonction publique pour qui l’urgence est à la mobilisation. Pour la confédération qui organise le 26 octobre un meeting national à Paris et rappellera à cette occasion ses revendications, tant notamment sur les salaires, les retraites que sur les services publics, le projet de loi de finances pour 2025 revient à un plan d’austérité qui ne dit pas son nom ! Et il vise, entre autres, à rassurer les marchés financiers.