La confédération FO s’inquiète d’une ordonnance, encore à l’état de projet, qui modifierait l’ordre de remboursement des créanciers en cas de faillite d’entreprise. Les mandataires et administrateurs judiciaires pourraient ainsi passer avant les salariés. Pour FO, cette réforme mettrait en difficulté l’AGS, la structure qui garantit le versement des salaires lorsque les entreprises sont insolvables. Elle mettrait de fait des milliers de salariés en situation de détresse, en pleine crise économique et sociale.
Alors que des faillites en série sont à redouter du fait de la crise sanitaire, les droits des salariés pourraient être menacés par une réforme. Le régime de garantie des salaires (AGS) pourrait être mis en effet en difficulté par une ordonnance, dont le projet émane du ministère de la Justice et qui porte sur une refonte des sûretés
en cas de faillite d’entreprise, autrement dit la garantie pour les créanciers de se faire rembourser.
Le secrétaire général de FO Yves Veyrier a écrit au Premier ministre le 3 février pour lui faire part des fortes inquiétudes
de la confédération et lui demander de préciser les intentions du gouvernement sur ce point. L’exécutif agit dans le cadre de la transposition d’une directive européenne de 2019 portant sur la restructuration et l’insolvabilité des entreprises.
L’AGS (association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés) a été créée en 1974, suite à la faillite de Lip. En cas de procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), si l’entreprise manque de fonds pour faire face à ses obligations, le régime AGS garantit aux salariés le paiement des sommes qui leur sont dues dans le cadre de l’exécution du contrat de travail (salaires, préavis ou indemnités). Il cherche ensuite à se faire rembourser, les créances salariales étant aujourd’hui considérées comme prioritaires grâce à un statut de super-privilège
. En 2020, la garantie AGS a bénéficié à près de 100 000 salariés pour un peu plus de 1.2 milliard d’euros.
AGS : un amortisseur social
Dans le cadre de la réforme, en cas de procédure collective, FO redoute une rétrogradation de la créance de l’AGS dans l’ordre de priorité des remboursements. Les salaires pourraient alors passer après les administrateurs et les mandataires judiciaires. Or ces récupérations représentent un tiers du financement du régime de l’AGS, le reste reposant sur des cotisations patronales. Dans le détail, en 2020, ces récupérations ont représenté 496 millions d’euros, les cotisations, 760 millions d’euros.
Selon le président de l’AGS cité par Les Echos, si elle entre en vigueur, la réforme coûtera 300 millions d’euros au régime. Pour compenser les pertes, il estime qu’il faudrait quasiment quadrupler le taux de cotisation des employeurs, passant de 0,15 % à plus de 0,5 %. Une augmentation inenvisageable pour le Medef qui s’oppose également à toute remise en cause du super-privilège de l’AGS.
Le secrétaire général de la confédération FO rappelle dans son courrier le rôle d’ amortisseur social
joué par le régime. Une rétrogradation de rang mettrait d’une part le régime AGS – aujourd’hui vertueux – en difficulté, et d’autre part, conduirait des milliers de salariés en situation de détresse financière et ce, dans un contexte économique dégradé
, alerte-t-il.
Selon l’AFP, le ministère de la Justice estime que le texte en projet ne remet pas en cause le droit des salariés, ni l’équilibre de l’AGS.
Nous n’avons reçu aucune réponse officielle du gouvernement, réagit Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi. Quand c’est flou il y a un loup, pour nous le risque de fragilisation de l’AGS existe toujours.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly