Faillite de Greensill : une cascade de menaces sur l’emploi chez GFG Alliance


Un mois après la faillite de la société financière britannique Greensill, principal créancier du groupe sidérurgique GFG Alliance, les conséquences se font déjà sentir. Un CSE extraordinaire aura lieu le 15 avril chez Alvance Aluminium Poitou (fonderie). Une procédure de mise en redressement judiciaire est envisagée. Plus largement, les 2 400 salariés des neuf sites industriels GFG Alliance basés en France craignent pour leur avenir, les robinets de financement ayant été fermés.

La faillite le 8 mars de la société financière britannique Greensill a révélé l’endettement massif du conglomérat GFG Alliance : 4,3 milliards d’euros d’endettement, selon les avocats de Greensill, pour un chiffre d’affaires revendiqué par le groupe de 17 milliards, Greensill n’apporte plus de financement à GFG Alliance.

Le temps est donc comme suspendu pour les 2 400 salariés des neuf sites industriels basés en France, rachetés depuis 2018 par le groupe. Ils craignent pour leur avenir, en premier lieu les sites déjà en difficultés. Et ils sont nombreux, le groupe GFG Alliance appartenant au magnat Sanjeev Gupta s’étant fait une spécialité du rachat d’entreprises en difficulté.

861 emplois concernés

Souffrant désormais de l’absence de financement de la part de GFG Alliance, qui lui-même a perdu son financement par Greensill, les événements s’accélèrent pour trois fonderies automobiles détenues par la branche aluminium du groupe : Alvance Aluminium Poitou, Alvance foundry Poitou, Alvance Aluminium Wheels. Au total 861 emplois sont concernés. En ce qui concerne la première, un CSE extraordinaire est d’ores et déjà prévu le 15 avril. Une procédure de mise en redressement judiciaire est envisagée. Les trois entités ont été placées fin mars sous procédure de conciliation, toujours en cours. Elle a pour but de trouver un accord avec les créanciers.

L’information sur la procédure de conciliation avait été communiquée, le 1er avril en comité social et économique extraordinaire, aux représentants du personnel des deux fonderies (Alvance Aluminium Poitou et Alvance foundry Poitou) basées sur le site d’Ingrandes dans la Vienne, rachetées en avril 2019 par le conglomérat GFG. La procédure de conciliation a été demandée, parce que le groupe ne compte plus injecter d’argent tant qu’il ne se sera pas refinancé, explique Jean-Marc Dubin, délégué syndical FO de la fonderie Alvance Aluminium Poitou, (282 salariés), qui fabrique des culasses pour moteurs. Or cette absence de financement est difficilement tenable pour l’équipementier, déjà déficitaire (à hauteur de 4 millions d’euros par semestre).

Sur le même site, le sort de l’entité Fonte (Alvance Foundry Poitou, 292 salariés), fabriquant de carters pour moteurs diesel, avait déjà été scellé en décembre, par l’annonce de sa fermeture (prévue en juin prochain). Face à cette situation, les craintes des salariés portent ici sur le financement du plan social.

L’ouverture d’une procédure de conciliation a aussi été annoncée chez le fabriquant de jantes Alvance Aluminium Wheels (287 salariés) à Diors (Indre), confronté aux difficultés du marché automobile. Faute de commandes, les salariés avaient déjà été placés en activité partielle (jusqu’au 19 avril, et pour la première semaine de mai).

La disparition du PGE

Chez Alvance Aluminium Poitou, l’inquiétude des salariés est maximale. Pour autant explique Jean-Marc Dubin, une mise en redressement permettrait de geler les dettes et garantir les salaires au minimum pour 6 mois, et éventuellement, de donner du temps au groupe Gupta [GFG Alliance, NDLR] pour trouver un organisme bancaire ou de permettre à d’autres repreneurs de faire des offres, et peut-être permettre au gouvernement de nous aider en cas de reprise.

Le CSE avait estimé précédemment que 8,5 millions d’euros sont nécessaires d’ici fin juin, rien que pour les salaires et l’achat de matières premières. Par ailleurs, le prêt garanti par l’État (PGE) de 18 millions d’euros et destiné à la société poitevine ne lui est jamais arrivé. En effet, accordé en décembre, par Greensill via sa filiale allemande, ce prêt a transité quelques jours sur les comptes d’Alvance Alumium Poitou avant d’être renvoyé s vers la filiale allemande. Le procureur de la République de Poitiers a ouvert une enquête préliminaire sur cette disparition.

Un prêt de l’État pour Ascoval

Le ministre de l’Économie, a assuré du soutien financier de l’État à l’ensemble des activités françaises de GFG Alliance, en cas de défaillance de leur actionnaire. Le ministère est déjà intervenu auprès de sociétés de sa branche Acier (Liberty Steel) mises en danger par la faillite de Greensill et non pas par un manque de commandes. Le 23 mars, l’État a accordé un prêt de 20 millions d’euros à l’aciérie Ascoval (270 salariés) de Saint-Saulve dans le Nord, pour consolider sa trésorerie fragile. L’entreprise comptait elle aussi initialement sur un PGE fourni par Greensill.

Au-delà de ce soutien d’urgence, il est impératif de trouver des solutions pérennes, tant au plan industriel que social. Et il ne faut exclure aucune option, y compris, si besoin, le recours à une nationalisation provisoire pour maintenir ces activités, martèle Paul Ribeiro, secrétaire fédéral FO chargé de la sidérurgie, pour qui la position stratégique de la sidérurgie pour l’industrie appelle plus que des sauvetages au coup par coup. La fédération FO Métaux, qui défend ce secteur qui en amont est indispensable à de multiples filières industrielles, milite pour que les pouvoirs publics y prennent une part active.

L’attente vigilante

En attendant, Ascoval souffle. Ce prêt va permettre de payer les matières premières et de poursuivre l’augmentation de capacité en cours et bientôt d’effectifs. Il y a un projet de création d’une quatrième équipe d’ici l’été, souligne Salvatore Beneditti, représentant syndical FO. L’aciérie est liée par contrat à France Rail Industry (FRI), principal fournisseur de la SNCF à Hayange (Moselle), l’engagement portant sur la fourniture, pendant quatre ans, de 140 000 tonnes annuelles de blooms (barres d’acier) par Ascoval à Hayange pour le compte de SNCF Réseau.

Aujourd’hui, nous livrons le site d’Hayange à hauteur de 80 %, précise Salvatore Beneditti. Sur le site mosellan d’Hayange (400 salariés), c’est l’attente soucieuse qui prévaut face à la faillite de Greensill. Les salariés font le dos rond. L’entreprise a de la trésorerie, le carnet de commandes est plein et le site a déjà réussi à tourner 18 mois en autonomie, lorsque l’actionnaire précédent Bristish Steel a fait faillite et que nous étions dans l’attente d’un hypothétique repreneur. A l’époque, la direction avait bloqué la trésorerie, rappelle Mohamed Benalouache, délégué syndical FO. Pour autant, dit-il, il y a de l’inquiétude pour l’emploi, surtout chez les jeunes qui ont pris des crédits. Si le groupe va mal, nous finirons par être concernés.

Quant au patron de GFG Alliance, il continue, dans ses messages à ses 35 000 salariés, de se dire confiant sur sa capacité à renouveler ses financements. Cela malgré la fragilité révélée de son groupe, et l’extrême opacité des comptes.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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