Alors que la disposition permettant d’acheter des produits alimentaires avec les titres-restaurant devait prendre fin le 31 décembre, le gouvernement vient d’annoncer que rien ne changerait pour 2024. Un retournement décidé du fait du contexte d’inflation toujours forte qui pèse sur le porte-monnaie des travailleurs. Et pour cause. En l’absence de hausse massive des salaires, leur pouvoir d’achat est toujours autant malmené.
Rien ne changera pour les Français en 2024, annonçait Olivia Grégoire, la ministre déléguée au commerce, le 14 novembre. Traduction : Il restera donc toujours possible pour les salariés d’utiliser les titres-restaurant pour payer toutes les courses alimentaires, vient d’indiquer le gouvernement en mode retournement de décision et alors que les inquiétudes chez les travailleurs actifs qui disposent de tels titres (quelque 5,4 millions de salariés) étaient fortes ces derniers jours, le dispositif devant s’achever à la fin de l’année.
À l’été 2022, l’utilisation de ces titres-restaurant a été étendue à tous les produits alimentaires, même ceux qui ne sont pas directement consommables (farine, pâtes, riz, œufs, poisson, viande…). Alors que cette dérogation devait prendre fin le 31 décembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté dans l’urgence le 23 novembre (117 voix pour et 1 voix contre) sa prolongation jusqu’à la fin 2024.
L’inflation alimentaire qui accroît la pauvreté
Si l’inflation baisse fortement et si nous sommes (…) sortis de la crise inflationniste, néanmoins l’augmentation des prix alimentaires reste très pénalisante pour des millions de nos compatriotes, a déclaré le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, le 14 novembre. Doux euphémisme puisque le budget de l’alimentaire reste une préoccupation majeure pour les ménages. D’autant que la France est parmi les mauvais élèves européens en matière d’inflation alimentaire. Publié le 13 novembre, le baromètre NielsenIQ LSA révèle qu’entre janvier 2022 et août 2023, les prix alimentaires ont augmenté de 18 % ! Autre statistique, ces prix ont augmenté de 21% en deux ans.
Entre la fin 2021 et le deuxième trimestre 2023, l’achat de produits alimentaires a reculé de 11,4% selon l’Insee. Entre janvier et septembre 2023, ce type d’achat a baissé de 4,5% en évolution annuelle. Les ménages aux faibles revenus sont particulièrement impactés par l’inflation et contraints de se priver de certains achats alimentaires. Divers sondages et études ont souligné ces derniers mois l’accroissement des demandes d’aides auprès des associations et banques alimentaires. Il y a Plus de 7 millions de personnes dépendantes de l’aide alimentaire indiquaient le 21 novembre deux ministres (Aurore Bergé/Solidarités et Marc Fesneau/Agricuture) en visite dans un centre des Restos du cœur. Les dernières données de l’Insee relatives à la pauvreté et aux inégalités donnent à comprendre ces difficultés. Ainsi plus d’un demi-million de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté en 2021, soit avec 14,5% de la population, une hausse de 0,9 point par rapport à l’année précédente. Cette pauvreté monétaire (un revenu inférieur à 1 158 euros pour une personne seule) concernait plus de 9 millions de personnes en 2021, soit à la sortie de la crise Covid. Et l’Insee le souligne, la France est sortie de cette crise avec un taux de pauvreté supérieur à celui qu’elle avait lorsqu’elle y est entrée. Et à cette situation déjà alarmante, s’est greffée l’inflation, cela dans un contexte d’atonie salariale.
Les titres-restaurant ne peuvent compenser l’absence de hausse des salaires
Selon la ministre du Commerce, Olivia Grégoire, il s’agit par cette prolongation du dispositif sur les titres-restaurant d’apporter un coup de pouce utile pour le pouvoir d’achat de millions de salariés et leur famille. Certes, mais ce coup de pouce –aucunement appliqué au Smic par exemple, contrairement à ce que demande FO–, en dit long sur la nécessité d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés. Par la négociation de hausses de salaires dans les branches et les entreprises mais aussi en décidant du rétablissement de l’échelle mobile des salaires (chaque niveau de salaire indexé à l’inflation), ainsi que le demande aussi FO.
Pour Bruno Le Maire, la question d’une réforme des titres-restaurant (auxquels participent financièrement les salariés, à hauteur de 40% à 50% de la valeur du titre, selon le niveau de participation de l’employeur) est sur la table. Est-ce qu’il ne faut pas changer la dénomination des tickets-restaurant car ça induit en erreur ? S’il faut une réforme plus en profondeur, j’y suis prêt, a déclaré le ministre de l’Économie. Il ne dit mot en revanche de l’éventualité de mesures concrètes et structurelles sur les salaires, tel un prochain et vrai coup de pouce au Smic ou encore la remise en vigueur de l’échelle mobile. Quant à procéder à une réforme de dénomination, et donc de finalité, des titres-restaurant, le chantier s’annonce compliqué alors que les restaurateurs s’inquiètent déjà d’un basculement important, et à leur détriment, de l’utilisation de ces tickets vers les achats dans la grande distribution.