ExxonMobil France : l’administration du Travail conseille à la direction de revoir son projet de plan social

Mesures d’accompagnement trop faibles, calendrier d’information et de consultation des représentants du personnel à desserrer… Dans une lettre d’observations de six pages, l’administration du Travail invite la direction d’ExxonMobil France à revoir le projet unilatéral de plan social qu’elle lui a soumis, pour validation, le 19 août. Au risque, sinon, que celui-ci ne soit pas homologué. Majoritaire, FO demande la réouverture de négociations, rapidement et sérieusement.

La pression vient de changer de camp sur le site ExxonMobil de Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime), où direction et syndicats s’affrontent, depuis des semaines, sur les conditions de départ relatives aux 677 suppressions de postes annoncées au printemps dernier, dans le cadre de la fermeture projetée de l’essentiel des activités pétrochimiques. Le 8 août, prenant acte du refus de l’ensemble des syndicats – dont FO, majoritaire – de valider le projet de plan social, que toutes les organisations jugent insuffisant au regard des bénéfices nets du groupe mondial (36 milliards de dollars, ndlr), ExxonMobil France a informé par e-mail les salariés de sa décision de repousser la date-limite pour signer ce plan social mais… sans rouvrir les négociations. Tout en précisant que, à défaut d’accord majoritaire, les mesures d’accompagnement seraient revues à la baisse. Une menace mise à exécution dès le 19 août. En témoigne le projet unilatéral de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, ndlr) qu’ExxonMobil France a adressé à l’administration du Travail.

Chantage à la signature

Il est moins-disant socialement par rapport à ce qui a été négocié. On a notamment découvert un durcissement des conditions d’accès aux mesures d’âge négociées qui doivent permettre aux salariés les plus âgés de partir en retraite anticipée. 123 salariés ne pourraient plus y prétendre et seraient donc licenciés !, commente Pierre-Antoine Auger, délégué syndical central FO, qui dénonce un chantage à la signature pour que les syndicats signent un accord auquel ils ne sont pas favorables.

La tension est alors montée au plus haut sur le site où les unités chimiques sont à l’arrêt depuis l’ouverture des négociations sur le PSE le 24 mai dernier : quelque 400 salariés font grève alternativement, reconduisant le mouvement à chaque changement d’équipe. Cela a été très chaud quand les équipes ont découvert le contenu revu à la baisse du PSE. Heureusement que c’était encore la période de vacances et que FO était là pour cadrer !, confie le militant, qui juge la situation toujours tendue. Sauf que l’administration du Travail vient de rappeler ExxonMobil France à l’état du droit et que son courrier redonne espoir aux salariés. Ils attendent que la direction revienne sur sa position, précise Pierre-Antoine Auger.

Pour la Drieets, le niveau de ces mesures devrait être réhaussé et (leur) périmètre, révisé

Dans cette lettre d’observations de six pages, adressée à la DRH et que les syndicats ont reçue en copie le 4 septembre, la Drieets (Direction Régionale et Interdépartementale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités) de Nanterre (Hauts-de-Seine) recommande purement et simplement à ExxonMobil France de revoir son projet unilatéral de plan social. Au risque, sinon, que celui-ci ne soit pas homologué. La mise en garde est claire : Ces observations, précise-t-elle en préambule, sont susceptibles, si elles ne sont pas suivies d’effet, ou de réponses en droit, de compromettre (…) la validation ou l’homologation (…) de votre projet de PSE.

L’administration du Travail cible particulièrement les mesures revues à la baisse : restriction des conditions d’accès aux mesures d’âge, diminution – d’un tiers – du montant dédié aux mesures de formation professionnelle, suppression de la prime de pré-volontariat. Ces mesures apparaissent à ce stade trop faibles, estime-t-elle, rappelant la nécessaire proportionnalité du contenu d’un PSE aux moyens dont dispose l’entreprise et le groupe auquel elle appartient.

Et, ajoute-t-elle, il n’est pas non plus démontré qu’elles (ces mesures, ndlr) soient adaptées aux salariés menacés de licenciement. Ce faisant, la Drieets rappelle avoir déjà indiqué à la DRH que le niveau de ces mesures devait être réhaussé et (leur) périmètre (…) révisé, afin de tenir compte non seulement des salariés de 52 ans et plus, en situation de handicap, mais également de l’ensemble des salariés qui pourraient rencontrer des difficultés particulières de réinsertion sur le marché du travail (…). Elle rappelle encore avoir préconisé une augmentation (à deux ans, ndlr) de la durée du congé de reclassement. Il est prévu sur 12 mois dans le projet unilatéral de PSE.

Desserrer le calendrier d’information et de consultation des instances du personnel

Également déplorées par la Drieets : les réunions très rapprochées dans le temps des instances du personnel. Des échanges apparaissent nécessaires sur l’ensemble des sujets énumérés dans le présent courrier d’observations, appuie l’autorité administrative. Elle fait référence aux mesures d’accompagnement mais aussi aux nombreux sujets en matière de santé, sécurité et de conditions de travail qui ont été soulevés par le rapport d’expertise remis fin août au CSE-central (comité social et économique). Sujets qui appellent toujours des réponses d’ExxonMobil France. Car le projet de réorganisation présenté par la filiale française fait de nombreuses impasses. A commencer par ne pas caractériser la charge (de travail) actuelle et projetée.

En conséquence et, afin de favoriser le recueil d’avis des instances dans de meilleures conditions, l’administration du Travail invite ExxonMobil France à desserrer le calendrier d’information et de consultation, initialement prévu jusqu’au 16 septembre, date à laquelle le CSE-central (comité social et économique) doit rendre son avis sur le projet de PSE. Ce temps supplémentaire permettra également de favoriser l’éventuelle reprise des négociations, appuie la Drieets.

FO demande la réouverture de négociations, rapidement et sérieusement

Inutile de dire que cette intervention a été reçue avec satisfaction par FO qui demande la réouverture des négociations depuis plusieurs semaines. Le syndicat a d’ailleurs multiplié les rencontres en ce sens, auprès de la Drieets et du cabinet du ministre démissionnaire de l’Industrie. Il a encore réitéré sa demande le 5 septembre lors du CSE-central, qui a eu lieu à Rouen (Seine-Maritime), la direction n’ayant pas le courage de le tenir sur le site selon FO.

Nous ne pouvons accepter que ces choix stratégiques se fassent au détriment des salariés français, qui ont contribué avec loyauté et honneur à bâtir le succès et la réputation de votre entreprise à l’échelle mondiale. Nous vous prions de respecter l’humain en leur accordant des conditions de départ dignes, à la hauteur de leurs années d’engagement pour ExxonMobil, a déclaré FO lors de ce CSE-central. Le syndicat a demandé un PSE digne et la réouverture de négociations, rapidement et sérieusement. Sans résultat, pour l’instant.

Lors de ce CSE-central du 5 septembre, le directeur du site ExxonMobil de Port-Jérôme-sur-Seine a refusé toute révision du calendrier d’information et de consultation des instances du personnel sur le projet de PSE. Lundi 9 septembre, lors de la poursuite du CSE-central – séance qualifiée de houleuse par FO –, la direction a signifié qu’elle n’entendait pas, non plus, rouvrir de discussions sur les nombreux sujets de santé, sécurité et conditions de travail soulevés par le rapport d’expert… La direction reste intransigeante et déroule son calendrier, commente Pierre-Antoine Auger, délégué syndical central FO. Le bras-de-fer continue, même si la pression a changé de camp et qu’elle repose désormais sur les épaules de la filiale française du géant américain, menacée de ne pas voir valider son projet unilatéral de PSE moins-disant socialement.

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