Alors qu’avant redistribution, les inégalités de revenus ont fortement augmenté entre 2002 et 2021, leur niveau après redistribution est quasiment stable, selon une étude de l’Insee publiée mi-octobre. Pour l’Institut, cela montre que l’impact redistributif du système socio-fiscal s’est amplifié. Mais parallèlement et sans correctif, les inégalités de patrimoine n’ont cessé de s’accroître ces 20 dernières années.
C’est une contribution précieuse de l’Insee, alors que les débats budgétaires actuels remettent sous le feu des projecteurs la problématique de la répartition, dans la société, de l’effort à fournir pour redresser les comptes publics. Ainsi, la question d’une taxation plus forte des très riches ne cesse d’être posée. Dans la nouvelle édition de l’étude « Revenus et patrimoine des ménages », publiée le 17 octobre, et concernant la période entre 2002 et 2021, l’Institut souligne de son côté combien le système social français a permis de contenir la hausse des inégalités de niveau de vie depuis 20 ans. Reste que le niveau de ces inégalités n’a rien de satisfaisant.
Les inégalités après redistribution, ont retrouvé ainsi en 2021 les niveaux de 2018 et du début des années 2010, soit les niveaux les plus hauts observés depuis 1996. Mais, malgré tout, elles demeurent à un niveau relativement faible par rapport aux autres pays de l’OCDE, précise l’Insee. Cependant, la France compte 11,2 millions de personnes pauvres, dont 9,1 millions en métropole, où le taux de pauvreté oscille entre 13,5 % et 14,5 % depuis 2011.
Avant et après redistribution… Une grande différence !
De 2002 à 2021, les inégalités ont fortement augmenté du fait de la bien moindre progression des revenus des plus modestes comparée à celle des plus aisés, qui ont enregistré, eux, une forte progression de leurs déjà hauts revenus. Cela s’explique notamment par les versements de dividendes que perçoivent ces derniers et qui ont été plus importants sur la période affirme l’Insee. Ainsi, avant redistribution, l’écart de niveau de vie entre les 10 % des ménages les plus pauvres et les 10 % des ménages les plus riches s’est creusé, de 17 % en 20 ans. Mais, après redistribution, soit en tenant compte des prélèvements des impôts directs et du versement des prestations sociales, cet écart demeure quasi stable sur la période. Ainsi, grâce à la progressivité des impôts directs et au ciblage des prestations sociales sous conditions de revenu, le système socio-fiscal a modéré la hausse des inégalités analyse l’Insee, précisant que l’impact de ce système socio-fiscal s’est amplifié depuis 2002.
Alors que la situation économique a connu des aléas depuis les années 1960, ce système a entre autres permis d’amortir les effets, sur les revenus des plus modestes du choc pétrolier de 1975 ou encore des conséquences de la crise des subprimes de 2008. C’est le système de protection sociale (minima sociaux, allocations chômage, etc.) qui a atténué l’impact sur le revenu des ménages des chocs économiques, insiste l’Insee.
Patrimoine : La hausse de prix de l’immobilier, facteur majeur des inégalités
Les inégalités de patrimoine se sont quant à elles considérablement accrues en 20 ans, constate l’Insee. Si le patrimoine brut moyen des ménages de France métropolitaine a quasi doublé entre 1998 et 2021 en euros constants, (avec en moyenne une progression de 2,8 % par an), cette augmentation globale cache une différence majeure. Ainsi, en euros constants, le patrimoine brut moyen des 10 % des ménages qui en sont le moins bien dotés a baissé de 54 % selon l’Insee, alors que celui des 10 % qui déjà en détenaient le plus a augmenté de 94 %.
En France, la constitution d’un patrimoine immobilier reste un élément majeur dans la vie des ménages. L’Insee rappelle ainsi que L’immobilier a une place prépondérante dans le patrimoine des ménages : en 2021, 61,4 % d’entre eux possèdent du patrimoine immobilier, que ce soit leur résidence principale ou un autre logement. 57,7 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale, une proportion quasi stable depuis 1998 (56,1 %). Mais là encore, la capacité à constituer un patrimoine immobilier se conjugue sur le mode des inégalités : de revenus, donc de capacité et de niveau d’endettement, entre autres. Sans compter que la flambée des prix de l’immobilier a augmenté ces inégalités. En vingt-trois ans souligne l’Insee, cela a essentiellement profité aux 70 % des ménages les mieux dotés en patrimoine brut – dont le patrimoine immobilier a été multiplié par 3,1 –, mais pas du tout aux ménages les moins dotés, très peu détenteurs de biens immobiliers. Ainsi, la hausse des prix de l’immobilier tend à augmenter les inégalités entre les ménages en possédant et ceux n’en possédant pas.