Le service postal, fondé en 1775, est en ébullition depuis que le président américain, Donald Trump, a annoncé sa volonté de le placer sous contrôle du ministre du Commerce. Un choix que les syndicats voient comme un préalable à la privatisation, dans un contexte où la poste américaine peine – comme ailleurs – à endiguer la crise du courrier papier.
Pour le 250e anniversaire du service postal américain (USPS), le président Donald Trump a imaginé un cadeau que les syndicats du secteur jugent empoisonné : placer l’agence sous le contrôle direct du ministère du Commerce, afin d’opérer une réorganisation et une réduction drastique des coûts. En 1970, l’USPS était devenue – à la suite d’une grève massive – une agence indépendante, afin qu’elle ne soit pas sans cesse bousculée par les remous de la politique nationale.
Si cette annonce de Donald Trump suscite une telle levée de boucliers chez les 640 000 salariés du service postal, c’est qu’elle est considérée comme le cheval de Troie d’une possible privatisation. Le président s’y est en effet déjà déclaré favorable par le passé. Nous restons très inquiets, a déclaré auprès de la chaîne CNN Brian Renfroe, le président de la National Association of Letter Carriers (NALC), l’un des principaux syndicats de postiers. La destruction de n’importe quelle partie du service public que nous assurons, le moindre pas sur le chemin de la privatisation, aura pour résultat de coûter plus cher aux clients et de prendre plus de temps d’acheminement.
Des mobilisations locales prévues le 23 mars partout sur le territoire
L’union des salariés, particulièrement syndiqués dans ce secteur, s’est donc faite autour de la campagne de riposte intitulée Fight like hell ! (Battez-vous comme des diables !). Le 23 mars, des réunions et mobilisations locales se tiendront partout sur le territoire à l’appel de la NALC, pour dire Hell no ! (Hors de question !) au démantèlement du service postal dénoncé par le syndicat. L’occasion pour les salariés de transmettre de l’information à leurs concitoyens sur les potentielles conséquences d’une restructuration ou d’une privatisation.
Parmi leurs principales inquiétudes : la couverture de l’ensemble du territoire américain, et notamment des zones rurales où la distribution des lettres et colis n’est pas un service « rentable » pour des entreprises privées de livraison. Certaines de ces compagnies se reposent d’ailleurs toujours du service postal fédéral pour assurer les derniers kilomètres, les plus coûteux, notamment en zone rurale. Nous avons vu les dangers de la privatisation des services postaux en Europe, qui ont entraîné une réduction des services, une augmentation des prix, des pertes d’emplois et l’isolement des communautés rurales où il n’est pas rentable de distribuer le courrier, alerte Christy Hoffman, secrétaire générale d’UNI Global Union, organisation qui vise à développer et renforcer les syndicats dans l’économie de services partout dans le monde.
Le vote par correspondance en danger ?
Sous la première administration Trump (2017-2021), un groupe de travail avait déjà rendu un rapport préconisant des changements majeurs dans le financement de la poste et dans le niveau de service que les Américains devraient attendre de celle-ci. Les pistes proposées impliquaient par exemple une distribution moins fréquente et un abandon du porte-à-porte au profit de points de livraison plus centraux.
Autant de questionnements qui prennent une toute autre importance si l’on songe à la distribution des plis électoraux, dans un pays qui vote beaucoup par correspondance. Des millions d’Américains ont adopté ce mode de scrutin et dépendent du service public pour obtenir leurs bulletins à temps. Une pratique qui repose en grande partie sur la confiance pluricentenaire que les Américains vouent à leur service postal.
Une agence fédérale très populaire
L’administration Trump justifie sa volonté par les difficultés financières rencontrées par le service postal depuis de nombreuses années. Comme ailleurs dans le monde, le volume de courrier à distribuer s’est effondré (moins 80% depuis 1997) sous l’effet de l’essor des communications électroniques. L’agence a ainsi perdu plus de 100 milliards de dollars depuis 2007. Un plan de restructuration et de coupes budgétaires sur dix ans est cependant en cours depuis 2021, visant à éviter 160 milliards de dollars de pertes durant cette décennie. Ce plan pourrait déjà être en train de porter ses fruits : au dernier trimestre 2024, l’USPS a enregistré 144 millions de dollars de bénéfice net, malgré un déficit net de 9,5 milliards de dollars sur l’année fiscale écoulée.
Malgré ces difficultés, le bras de fer est loin d’être joué car le gouvernement américain s’attaque à un monument. Créé en 1775, le service postal est né avant même la fondation officielle des États-Unis le 4 juillet 1776, et il emploie actuellement près de 73 000 vétérans de l’armée. Avec 72% de taux d’approbation selon un sondage du Pew Research Center, l’USPS est également l’une des agences fédérales les plus populaires chez les Américains.