La photojournaliste Sophie Loubaton propose une plongée au cœur des entrepôts de logistiques, dont les salariés demeurent de grands invisibles de la population active.
L’idée c’était d’entrer et de montrer les gestes de travail, résume Sophie Loubaton, photographe. Dans la logistique on imagine de grands entrepôts vides, alors qu’il y a beaucoup de salariés, beaucoup d’humain et de camaraderie.
La photojournaliste est l’une des lauréats du projet Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire. Durant six mois elle a sillonné l’Ile de France et le Centre notamment, à la recherche de ces entrepôts indispensables à l’économie mondialisée actuelle. Sa recherche avait été initiée dès 2005, pour la presse. A l’époque c’était un travail autour de la mutation des paysages, des liens centre-périphérie, de la pollution lumineuse… Je voulais poursuivre, mais je n’ai pas trouvé de rédactions pour soutenir mon travail. L’annonce de la grande commande publique est donc arrivée à point nommé : Les travailleurs de la logistique ne se sont jamais arrêtés de bosser durant la crise. Pourtant on n’a pas parlé d’eux, à la différence des soignants, ou des caissières et livreurs, plus visibles.
Une vraie fierté professionnelle
Produits de luxe ou à bas prix, alimentaires ou textiles, articles de bricolage ou colis de particuliers, six entreprises ont accepté de lui ouvrir leurs portes. Convaincre les directeurs a été très long. Ce sont de très grosses entreprises où il ne suffit pas de frapper à la porte. Il faut identifier le bon interlocuteur, savoir si c’est le propriétaire des locaux ou le directeur de l’activité, voire celui de la marque qui doit donner son accord. Si un entrepôt Amazon figure parmi les prises de vue, c’est uniquement de l’extérieur, la photographe n’ayant pu obtenir le sésame pour y entrer.
Le résultat : de belles images pour lesquelles nombre de salariés se sont portés volontaires, toutes légendées par quelques éléments de présentation du travailleur. Je fais toujours beaucoup d’entretiens, précise Sophie Loubaton. Je ne pense pas que le pouvoir de l’image soit si fort qu’elle se suffise à elle-même. On y découvre des parcours variés (beaucoup de salariés viennent du commerce ou de secteurs qui ont licencié pendant et après la crise sanitaire), des fonctions très spécialisées (qui connaît les agents de quai, le picking, la gestion des « chutes » ?), des compétences précises, de larges sourires et une vraie fierté professionnelle. Même si la dureté du travail posté n’est pas éludée.