L’intersyndicale de l’enseignement agricole public a fait entendre sa colère au Salon de l’agriculture, le 1er mars. Depuis octobre dernier, ces syndicats se battent contre une nouvelle méthode de calcul du temps de travail qui aboutit à faire perdre du salaire à plus d’un millier d’enseignants. Après une conférence-débat organisée sur le stand du syndicat FO Agriculture, les militants ont interpelé le ministre de l’Agriculture dans les allées du salon et décroché un rendez-vous avec son cabinet dans les prochains jours.
Ni œufs, ni sifflets. C’est sur le ton de l’humour que l’intersyndicale de l’enseignement public agricole, qui regroupe six organisations syndicales dont FO, a choisi d’interpeler le ministre de l’Agriculture lors du Salon de l’agriculture, le 1er mars. Une quarantaine de militants, dont certains avaient le visage masqué par une caricature du ministre, sont allés à la rencontre de Marc Fesneau et de ses conseillers déambulant dans les allées. Ils ont pu échanger avec le directeur adjoint du cabinet du ministre – qui la veille avait unilatéralement annulé un rendez-vous avec l’intersyndicale – et le directeur général de l’Enseignement et de la Recherche. Rendez-vous a été pris dans les prochains jours et l’intersyndicale espère que la rencontre prendra la forme de véritables négociations.
Depuis le mois d’octobre, les organisations syndicales se battent contre un nouveau mode de calcul du temps de service, qui a pour effet de diminuer le salaire global des enseignants techniques des lycées agricoles publics. En effet, suite à la réforme du bac pro agricole entrée en vigueur à la rentrée, les heures pluridisciplinaires ne sont plus payées que l’équivalent de 45 minutes. Dans les faits, elles ont été annualisées et sont désormais divisées par 36 (le nombre de semaines de l’année scolaire) au lieu de 28 (le nombre renvoyant à la présence des élèves, hors vacances).
Renouveler les générations dans les métiers agricoles
Quelques 1 100 professeurs techniques, sur les 8 000 qui compte l’enseignement agricole public, ont vu leur fiche de salaire impactée par cette réforme. Certains ont perdu entre 50 et 100 euros par mois. D’autres ont pu bénéficier de compensations de la part de leur direction régionale, mais en échange de nouvelles missions, autrement dit travailler plus pour gagner autant.
L’intersyndicale est d’autant plus remontée que cette mesure, mise en place sans aucune négociation, pourrait être amenée à s’étendre à davantage de filières à la rentrée prochaine.
Lors de la rencontre informelle sur le salon de l’Agriculture, les représentants du ministre ont reconnu la nécessité de sortir rapidement de ce conflit social majeur qui dure depuis près de 6 mois et ont entendu la demande de moratoire réitérée par l’intersyndicale, explique cette dernière dans un communiqué.
Il y a urgence. La moitié des 400 000 agriculteurs vont partir à la retraite d’ici cinq à dix ans et les besoins de formation sont immenses. L’enseignement public agricole aura un rôle majeur à jouer dans le renouvellement des générations dans les métiers agricoles. Or de l’avis de l’intersyndicale, le personnel n’est pas en capacité, avec les moyens qui lui sont actuellement alloués, d’être au rendez-vous.
Plus de 400 postes supprimés
Cette question était au cœur d’une conférence-débat organisée dans la matinée du 1er mars par l’intersyndicale sur le stand du syndicat FO Agriculture. Selon la direction de l’enseignement agricole, il va falloir augmenter de 30% les formations d’agriculteurs chaque année, ce qui correspond à 250 ou 350 enseignants supplémentaires, mais on ne voit rien venir, les signaux seraient plutôt à l’inverse a expliqué Christine Heuzé, secrétaire générale du syndicat FO de l’enseignement agricole.
Cette montée en puissance aboutirait à la formation de 2000 élèves par an. Ce n’est pas du tout à la hauteur. Ces 2 000 élèves ne vont pas tous s’installer, certains seront ouvriers agricoles. En moyenne il y a actuellement 13 000 nouvelles installations par an, le gouvernement table sur 20 000, pour nous il en faudrait 27 000, a alerté l’intersyndicale.
Les syndicats sont d’autant plus inquiets que l’heure est plutôt au coup de rabot qu’à la bourse déliée.
Le ministre de l’Economie a en effet annoncé, le 21 février, une économie de 10 milliards d’euros sur les dépenses de l’État. Malgré les enjeux, dans l’enseignement agricole, ces économies seront réalisées sur les emplois, dénonce l’intersyndicale. Concrètement, cela devrait se traduire par la perte de 200 postes techniques dans les lycées agricoles et de 150 postes dans les évaluations. C’est l’équivalent du nombre de postes créés ces quatre dernières années, a expliqué l’intersyndicale.
De son côté, l’enseignement supérieur agricole va perdre 67 postes en équivalent temps plein. A titre de comparaison, 8 postes avaient été créés en 2024.
Lors de la conférence, les organisations syndicales ont dénoncé le double discours et le mépris de l’exécutif. Elles attendent la présentation du projet de loi d’orientation agricole en conseil des ministres le 20 mars. L’enjeu est de répondre à la crise et de préparer l’avenir, selon Christine Heuzé. On sait déjà qu’il s’agira d’une loi organique, donc en l’état sans chiffrage budgétaire… on craint de devoir faire plus avec moins.