Énergie : les mobilisations s’enchaînent contre le désengagement de l’État


Ils se sont déjà massivement mobilisés par trois fois fin 2020. Les électriciens et gaziers remettent ça en ce début d’année. Quatre fédérations de l’Énergie, dont FO Énergie et Mines appellent les agents d’EDF à la grève ce 19 janvier contre le projet dit Hercule ouvrant la voie à la privatisation du groupe. Les gaziers, eux, étaient appelés à se mobiliser le 14 janvier, contre une nouvelle réglementation de l’énergie qui, dénoncent les fédérations syndicales, augure de « la mise à mort » du gaz en France.

Le 7 janvier, quatre confédérations, dont FO, se sont adressées au président de la République pour appuyer la revendication de leurs fédérations du secteur de l’Énergie, en demandant au chef de l’État de renoncer au projet (dit Hercule) de restructuration d’EDF. Elles l’ont aussi appelé à ouvrir un véritable débat pour bâtir ensemble l’avenir de l’électricien national, opérateur de la Nation, et à véritablement lui donner les moyens d’investir.

Les confédérations ont souligné l’impératif de solidarité et de souveraineté nationale, l’exigence de protection due par la Nation à ses citoyens et la nécessité de la continuité des services publics, qui plus est devant l’imminence d’une crise économique et sociale majeure qui plonge d’ores et déjà de plus en plus de Français dans la précarité.

Après trois grèves, suivies par 40% des électriciens en moyenne, les 26 novembre, puis les 10 et 17 décembre et restées sans réponse de la part de la direction et du principal actionnaire (l’État détient près de 84% du capital d’EDF), les quatre organisations nationales ont demandé au Président d’entendre enfin la mobilisation des agents d’EDF et d’en tenir compte.

Qu’en sera-t-il cette fois, alors que les électriciens sont de nouveau appelés à la grève ce 19 janvier par leurs fédérations FO, CGT, CGC et CFDT ?

Projet Hercule : EDF ouvre la porte aux capitaux privés

Si les confédérations s’adressent aujourd’hui au président de la République, c’est que le projet Hercule présenté par la direction d’EDF en juin 2019 répond à une demande par l’Élysée de mener une réflexion sur l’organisation du groupe. Une demande formulée lors de la présentation de la loi de programmation pluriannuelle de l’Énergie (PPE) fin 2018.

Résultat, le groupe EDF serait scindé en deux entités (au moins). La maison mère (baptisée EDF bleu) serait détenue à 100% par l’État, mais la deuxième entité, EDF vert, verrait son capital ouvert au privé sans qu’il ne soit précisé jusqu’à quel niveau. Le projet se contente d’indiquer que la maison mère en détiendrait une large majorité (*). Autrement dit, rien ne fait barrage à un accroissement rapide des capitaux privés dans EDF Vert, bien au-delà de la part actuelle de capitaux privés dans le groupe EDF ( 16%).

Ce scénario que les électriciens redoutent aujourd’hui, les gaziers en ont déjà fait les frais. En 2004, la promesse était faite que l’État resterait majoritaire au sein de Gaz de France. Quatre ans plus tard, en 2008, GDF était fusionné avec le groupe privé Suez. Puis en 2015, GDF-Suez a décidé de se donner un nouveau nom commercial, Engie. Résultat, au fil du temps, la part de l’État dans le capital du gazier est tombée à 23,64%.

L’avenir de la filière gaz aujourd’hui mis en péril

Aujourd’hui, l’avenir de la filière gaz française est mis en péril, alerte la Fnem-FO, dans un courrier adressé le 11 décembre dernier aux élu(e)s.

Le 24 novembre 2020, le ministère de la Transition écologique a en effet publié de nouvelles normes visant à éliminer les installations de chauffage au gaz dans les bâtiments neufs d’ici 2024, au profit du chauffage électrique performant et du chauffage au bois. Cette Réglementation Environnementale 2020 (RE 020), qui doit s’appliquer à partir de l’été prochain, a pour objectif affiché de faire baisser les émissions de carbone de 30 à 40% d’ici 2030. Au vu des seuils d’émissions à respecter, l’installation de chaudières fonctionnant exclusivement au gaz sera impossible dans les constructions de maisons individuelles dès l’entrée en vigueur de la RE 2020. La disparition des installations au gaz sera plus progressive pour les logements collectifs.

Pour FO, cet abandon du gaz dans les constructions neuves est inacceptable, qui plus est au regard du peu de moyens accordés par l’État au développement des gaz de synthèse renouvelables (hydrogène, biométhane) pourtant destinés à remplacer le gaz naturel de façon à décarboner les modes de chauffage.

130 000 emplois en jeu

Dans son courrier aux élus, le secrétaire général de la Fnem-FO s’insurge : Les salariés de la filière Gaz française (…) ont pourtant démontré et démontrent sans relâche encore aujourd’hui, et au plus fort d’une année marquée par la crise sanitaire, leur rôle dans la qualité du service public de l’énergie, au service de la transition énergétique bas carbone de la France. Cette réglementation environnementale 2020 vient les remercier en leur signifiant leur disparition.

Alors que l’industrie du gaz compte aujourd’hui en France 130 000 emplois directs et indirects, l’inquiétude et la colère des salariés se sont notamment exprimées par la grève le 14 janvier, à l’appel de la Fnem-FO et des trois autres fédérations du secteur.

La RE 2020 est d’autant plus mal accueillie qu’elle vient compléter un tableau déjà bien sombre. La menace de nouveaux plans de suppressions d’emplois pèse en effet déjà sur les entreprises depuis plusieurs mois, comme chez Engie dont la direction annonçait par communiqué de presse en mai 2020 qu’elle envisageait de se séparer d’activités employant environ 10 000 salariés en France.

* Il serait désormais question de créer une troisième entité spécifiquement dédiée à l’activité hydraulique (EDF Azur), alors que le projet dans sa version d’origine l’intégrait à la maison mère. Un autre scénario serait d’intégrer l’hydraulique à EDF Vert. Pour rappel, la Commission européenne fait depuis longtemps pression pour que soient ouverts à la concurrence les 300 barrages que l’État français a concédés à EDF (sur les 400 que compte le pays).


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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