En ce début 2025, les travailleurs, tant du secteur public que du privé, demandent toujours de vraies revalorisations salariales. L’emploi, de son côté, particulièrement malmené depuis l’arrivée récente d’une vague de PSE, nécessite plus que jamais d’être protégé. L’accompagnement des demandeurs d’emploi requiert quant à lui des moyens à la hauteur, dont des effectifs. Dans la fonction publique, les agents, eux, n’en peuvent plus d’être stigmatisés, considérés par les exécutifs successifs comme un coût qu’il conviendrait de réduire toujours plus, au nom des économies sur la dépense publique. En ce début d’année, et après le traumatisme toujours vif de la réforme de 2023 dont FO demande sans relâche l’abrogation, le dossier des retraites demeure lui aussi au faîte de l’actualité sociale. Initiée par le gouvernement Bayrou qui prétend vouloir concéder, sous conditions, de possibles améliorations de la réforme, une « concertation » de trois mois est prévue, de février à mai, entre les organisations patronales et syndicales. D’ores et déjà, elle regorge d’incertitudes et de désaccords.
France Travail, plus d’un million de nouveaux inscrits mais pas de moyens supplémentaires
Depuis le 1er janvier 2025, les bénéficiaires du RSA sont automatiquement inscrits à France Travail, en application de la loi Plein emploi de 2023. Ils doivent également effectuer au moins quinze heures d’activité par semaine dans le cadre d’un contrat d’engagement, assorti d’un accompagnement renforcé. En cas de non-respect de ce contrat, le versement du RSA peut être supprimé. FO a toujours été opposée à la mise sous conditions du versement des minima sociaux. Seul un vrai travail avec un vrai salaire permet aux travailleurs de se réinsérer, avait rappelé le CCN réuni en septembre 2024 à Carcassonne.
Ce dispositif, avant d’être généralisé à tout le territoire, avait été expérimenté dans dix-huit puis quarante-sept départements. Selon le bilan dressé en juin dernier lors du Comité national pour l’emploi (CNE), qui pilote la structure France Travail, 82 % des bénéficiaires du RSA étaient confrontés à au moins un frein à l’emploi, en lien avec la mobilité, la santé, les contraintes de famille…
Par ailleurs, seuls 42 % de ces bénéficiaires avaient accédé à un emploi dans les six premiers mois d’accompagnement et 16 % à un contrat durable. Pour FO, ces freins périphériques sont à lever en amont avant toute conditionnalité du RSA.
Le chômage repart à la hausse
Autre problématique, l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA représente 1,2 million de personnes supplémentaires à accompagner pour le service public de l’emploi, sans plus d’effectifs. Le projet de loi de finances non abouti, porté par le gouvernement Barnier, avait même prévu de supprimer 500 postes ETP en 2025 à France Travail. Les agents avaient fait grève le 5 décembre pour dénoncer notamment une surcharge de travail.
L’entrée en vigueur de la réforme est d’autant plus mal venue que le chômage repart à la hausse. Le nombre de PSE a augmenté de 7,6 % au troisième trimestre 2024, selon la Dares. Plusieurs milliers d’emplois sont menacés.
En novembre, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A) a augmenté de 1,43 % sur un mois, selon la Dares. En incluant l’activité réduite (catégories B et C), le nombre de chômeurs en France (hors Mayotte) a augmenté de 0,43 %. Près de la moitié des inscrits à France Travail (43,3 %) sont au chômage depuis un an ou plus. Mi-décembre, l’Insee a estimé que le taux de chômage (mesuré au sens du BIT) devrait passer de 7,4 % au troisième trimestre 2024 à 7,6 % de la population active d’ici mi-2025.
Emploi : pas d’éclaircie en vue en 2025
Prévision de croissance 2025 revue à la baisse (à 0,9 % contre 1,1 %), hausse attendue des défaillances d’entreprises et des projets de plans sociaux, tous deux déjà à de très hauts niveaux. Les mauvaises nouvelles sont tombées dru ces dernières semaines, augurant une année très difficile en matière d’emploi. Jusqu’à présent, le ministère du Travail s’est refusé à parler de retournement du marché du travail, même quand les annonces de plans sociaux d’ampleur inédite se sont succédé l’automne dernier : Auchan et ses 2 389 suppressions de postes projetées, Michelin (1 254), Valeo (868), Crédit commercial de France (1 400)… Pourtant, les indicateurs ont bien viré au rouge, et cela depuis mi-2024, comme en témoignent les statistiques du ministère du Travail publiées en décembre.
240 000 emplois menacés par des défaillances d’entreprises
Au troisième trimestre 2024, ses services ont validé, ou homologué, 141 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) impliquant 23 800 suppressions de postes. Un nombre de ruptures de contrats jamais atteint depuis début 2021 ! Sur un an, le nombre de PSE validés et/ou homologués est en hausse (+ 27 %) et les effectifs concernés s’accroissent très nettement (+ 131,1 %), explique la Dares. Cette tendance à la multiplication des restructurations se voit aussi dans les licenciements économiques qui ne sont pas assortis de l’obligation, pour l’employeur, de lancer un plan social (parce qu’il a moins de 50 salariés, ou licencie moins de 10 salariés à la fois). Au troisième trimestre 2024, les procédures de licenciement collectif pour motif économique hors PSE étaient en augmentation de 22,2 %, sur un an, pour atteindre 2 917.
Et les perspectives s’annonçaient déjà sombres : sur ce troisième trimestre 2024, le ministère du Travail comptait 178 PSE initiés (mais pas encore validés ou homologués), soit 20 % de plus comparé au trimestre précédent, et 34,8 % de plus sur un an !
Autre indicateur dégradé, le nombre de défaillances d’entreprises. Elles aussi sont attendues à la hausse en 2025 : le groupe bancaire BPCE anticipe 68 000 défaillances, menaçant 240 000 emplois. Alors que 2024 a déjà été une année noire. Selon son décompte provisoire, 66 422 entreprises françaises ont fait défaut l’an dernier, menaçant 260 000 emplois. Même au lendemain de la crise financière de 2008, ce niveau n’avait pas été atteint.
Retraites : FO rappelle les vraies solutions
Le 14 janvier, le Premier ministre François Bayrou a lancé une concertation entre les interlocuteurs sociaux, sur la réforme des retraites de 2023, combattue pendant des mois par les syndicats, dont FO. Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, (…) à condition qu’elle ne dégrade pas notre système financier, a-t-il dit. À défaut d’accord d’ici fin mai, la réforme continuera de s’appliquer, a indiqué le Premier ministre. Depuis son discours de politique générale, et de façon encore floue, il serait question qu’en cas d’accord total ou partiel un nouveau texte, issu des débats, soit présenté au Parlement. Dans cette concertation, les discussions s’effectueront sur la base d’un diagnostic financier établi non pas par le Conseil d’orientation des retraites, mais par la Cour des comptes qui rendra son rapport le 19 février. Frédéric Souillot, le secrétaire général de FO, a rencontré le Premier président de la Cour, Pierre Moscovici, le 17 janvier. Le même jour, FO s’est rendue au ministère du Travail pour la réunion de méthode et de format précédant la concertation prévue. Nous avons rappelé notre exigence d’abroger la réforme de 2023. Nous ne sommes pas là pour l’améliorer, a souligné Frédéric Souillot. La confédération a réaffirmé qu’il y avait d’autres solutions pour les retraites, à commencer par l’augmentation de l’emploi des seniors. FO a par ailleurs réitéré son refus d’une réforme systémique, par points. Idem pour une retraite par capitalisation, poussée par le patronat, notamment la CPME.
Ne pas mélanger public et privé
Le périmètre même de la concertation pose problème. François Bayrou affirme l’intention d’interroger l’ensemble du financement des retraites, soit du privé et de la fonction publique. Et il pointe les 40 à 45 milliards d’euros que devrait trouver l’État chaque année, par emprunt, pour l’ensemble du système. Un mélange entre privé et public fustigé par FO : Il n’est pas question que le privé finance les retraites de l’État. Il y a un engagement de l’État à les financer. Il doit les compenser, rappelle Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi et des retraites. L’État a en effet l’obligation de financer les retraites de la fonction publique, lesquelles sont inscrites au Grand Livre de la Dette publique, conformément au Code des pensions civiles et militaires. Si le gouvernement continue de vouloir lier les retraites du public et du privé, ce sera sans nous, a prévenu Frédéric Souillot, rappelant l’opposition de FO à tout régime universel.
Fonction publique : pour l’instant, rien
de rassurant !
En cinq mois, il y a eu aux manettes de la fonction publique Stanislas Guerini puis l’éphémère Guillaume Kasbarian et, depuis le 23 décembre, Laurent Marcangeli. Le ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification a reçu en bilatérales, la première semaine de janvier, les huit organisations du secteur, dont FO-Fonction publique. Son secrétaire général, Christian Grolier, note que le discours ministériel n’est plus à la stigmatisation des fonctionnaires, lesquels, par une grève et des manifestations le 5 décembre, avaient réaffirmé leur refus des mesures austères les visant une nouvelle fois. En ce début 2025, il n’y a toujours rien de rassurant, souligne le militant. Et d’indiquer les craintes… On va payer le même niveau d’économies qui était demandé à la fonction publique par le précédent gouvernement.
Dans l’étau des économies visées…
De fait, si sont annoncés l’abandon de la suppression de 4 000 postes d’enseignants et celui de l’augmentation du nombre de jours de carence pour arrêt maladie, non seulement ces annonces sont en trompe l’œil mais d’autres mesures perdurent. Ainsi, celle consistant à abaisser de 10 % l’indemnisation de ces arrêts est maintenue et vient d’être votée par le Sénat. Est visée une économie de 900 millions d’euros par an. Plus largement, le gouvernement programme un abaissement des dépenses de l’État à hauteur de 23 milliards d’euros en 2025. Conséquences ? Aucun mot pour l’instant du ministre sur l’amélioration des salaires, et donc du pouvoir d’achat des 5,7 millions d’agents. Et ses plans esquissés semblent vouloir substituer certaines mesures d’économies précédemment prônées à de nouvelles. Le ministre a ainsi évoqué la possibilité de sortir la catégorie A (les cadres du public) du mécanisme de la Gipa (qui compense la perte de pouvoir d’achat face à l’inflation) et par ailleurs de créer une deuxième journée de solidarité (donc sans salaire). Rien n’est dit sur une hausse du point d’indice. Quant à l’ouverture de discussions pour l’amélioration des grilles indiciaires, qui tassées n’apportent plus d’attractivité aux carrières ― ce que constatait en décembre un rapport de France Stratégie ―, s’il n’en écarte pas l’idée, le ministre botte en touche et rappelle les préoccupations budgétaires, note encore FO-Fonction publique pour qui tout cela n’est pas satisfaisant.
Salaires : des hausses en repli et toujours pas de coup de pouce au Smic
Inédit, 2025 débute avec une fiche de paye inchangée pour les 2,7 millions de salariés payés au Smic. De fait, la revalorisation annuelle automatique du salaire minimum légal, qui aurait dû intervenir au 1er janvier, a eu lieu de manière anticipée, le 1er novembre 2024 et à hauteur de 2 %, dans un contexte de revendications toujours plus fortes en matière de pouvoir d’achat. Quant au nouveau Premier ministre, il a exclu tout coup de pouce. Dans son discours de politique générale le 14 janvier, il n’a dit mot sur le contexte salarial dégradé, pas plus sur la refonte des exonérations de cotisations patronales devant favoriser la progression des salaires – qui était inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, censuré en décembre. Il a juste dit son souhait d’une concertation sur le travail et les salaires. Ce 1er janvier, le montant du Smic horaire brut est donc resté à 11,88 euros (9,40 euros net) ou à 1 801,80 euros brut mensuel (1 426,30 euros net). C’est inacceptable pour FO, qui revendique une hausse du Smic à hauteur de 80 % du salaire médian (2 206 euros brut).
Baisse continue des augmentations salariales
Le chef du gouvernement a préféré appeler les entreprises à poursuivre les efforts en matière de revalorisations salariales. C’est bien le minimum. Car le retour à une inflation plus faible (+ 2 % en 2024) s’accompagne d’un ralentissement continu des augmentations salariales en entreprise. Et ce, alors que le retard accumulé par les salaires depuis le début de l’épisode inflationniste, en 2022, n’est pas comblé. Résultat, bien que, depuis le quatrième trimestre 2023, le salaire mensuel de base (SMB) dans le secteur privé augmente plus vite que les prix, le gain de pouvoir d’achat s’amenuise pour les travailleurs. Au troisième trimestre 2024, le SMB dans le secteur privé a progressé de 2,7 % (sur un an), après + 2,9 % le trimestre précédent.
Même constat dans les branches : les revalorisations salariales ont ralenti en 2024. Depuis la hausse anticipée du Smic le 1er novembre dernier, 50 % des branches (86 sur 171) comptent au moins un coefficient de leur grille qui est inférieur à la nouvelle valeur du Smic. L’éventail des salaires conventionnels continue de se resserrer. Dans ce contexte, plus que jamais, FO exige l’ouverture de négociations sur les classifications et le retour de l’échelle mobile des salaires.