L’année s’ouvre avec nombre de dossiers revendicatifs, dont certains récurrents. Et c’est la question salariale, tant dans le privé que dans le public, qui demeure au premier rang des préoccupations des travailleurs. Tandis que la super structure France Travail est entrée en vigueur le 1er janvier,
les droits des demandeurs d’emploi sont aussi source d’inquiétude, d’autant que l’exécutif vise à durcir encore leurs conditions d’indemnisation et a dans son collimateur, entre autres, les seniors.
Et ce alors qu’une négociation sur l’emploi de ces derniers est parallèlement ouverte.
Plus largement, l’exécutif, qui prévoit de nouvelles déréglementations au bénéfice des entreprises, entend placer 2024 sous le signe de la réindustrialisation, verte.
Mais paradoxalement aussi de la réduction de la dépense publique… FO, qui demande que la question sociale et l’emploi soient au cœur de la problématique de verdissement de l’économie, s’oppose à une austérité budgétaire et exige notamment toujours des moyens supplémentaires pour les services publics, dont ceux de la santé, indispensables à la cohésion sociale. Panorama de dossiers en cours.
Salaires dans le privé : l’exigence d’augmentations
A près trois années de détérioration du pouvoir d’achat des salariés, 2024 s’annonce revendicatif dans le secteur privé. Chez EDF SA, le syndicat FO a déposé un préavis de grève à compter du 15 janvier, avec trois organisations, résolu à ne pas accepter la baisse de pouvoir d’achat des salariés dans la durée. Le constat est partagé au-delà d’EDF. Comme l’a révélé la Dares, le salaire net moyen a reculé de 1 % en France en 2022, et c’est inédit depuis vingt-cinq ans.
Censé faciliter les augmentations salariales, le futur Haut conseil des rémunérations, annoncé après la conférence sociale d’octobre, doit prendre forme d’ici fin mars. Sa composition, son fonctionnement, ses compétences vont faire l’objet de nouvelles réunions entre le ministère du Travail et les interlocuteurs sociaux. FO a demandé que les urgences salariales (bas salaires, travailleurs pauvres, égalité salariale) soient les premières missions. Telles que l’exécutif les a définies initialement, celles-ci devaient consister notamment à accompagner les branches professionnelles pour prévenir le tassement des grilles salariales au voisinage du Smic. Une situation constatée, fin 2023, dans 63 % des branches de plus de 5 000 salariés !
Une année sous le signe de la mise en conformité des branches ?
En 2024, sans surprise, l’activité des branches devrait être encore dominée par les négociations salariales. D’abord, en raison de la forte probabilité qu’interviennent de nouvelles revalorisations automatiques du Smic en cours d’année, du fait de l’inflation. Ensuite, parce que le ministère du Travail a affiché sa volonté de mettre sous pression les branches en situation durable de non-conformité avec le Smic (au nombre de trente-quatre fin 2023). Avant le remaniement ministériel de janvier, il les a menacées de restructuration administrative si leur situation ne s’améliorait pas, un bilan étant attendu en juin prochain. Enfin, les branches vont devoir se mettre en conformité avec la loi du 29 novembre 2023 transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur, signé par FO. Celle-ci fait notamment obligation aux branches n’ayant pas revu leur classification depuis cinq ans d’engager une négociation tenant compte des objectifs d’égalité professionnelle et de mixité des emplois. Fin 2023, 60 % des branches étaient concernées.
Seniors : FO veut des mesures globales sur les conditions de travail et de carrière
La négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors (« Pacte de la vie au travail ») a démarré le 22 décembre, avec un ordre du jour serré pour les organisations syndicales et patronales, qui ont inscrit quatorze réunions jusqu’au 26 mars. Après une phase de diagnostic, depuis le 16 janvier et jusqu’au 26, les négociations devraient rentrer dans le vif en février et en mars. L’agenda est chargé : compte épargne-temps universel (CETU), emploi, usure professionnelle, reconversions… Le tout dans un cadre très contraint : la négociation ne devra pas avoir d’impact défavorable sur les finances publiques, indique le ministère du Travail dans sa lettre de cadrage. L’exécutif a fixé en outre des objectifs pour le moins ambitieux : les futures mesures devront permettre de doubler le taux d’emploi des 60-64 ans, de 33 % à 65 % d’ici 2030.
L’indemnisation chômage en toile de fond
Cette pression ne doit rien au hasard : le gouvernement, qui a refusé d’agréer la convention de l’Assurance chômage fin novembre (au motif d’absence de dispositions sur les seniors), attend de pied ferme un accord. Les interlocuteurs sociaux se sont certes engagés à traiter de l’indemnisation chômage dans cette négociation, en intégrant la réforme des retraites. Mais pour FO, hors de question d’en faire un enjeu central. Il faut d’abord travailler sur des dispositifs permettant d’améliorer les conditions de travail, la carrière, la reconversion, et ce, bien avant 50 ans. On verra ce que le patronat sera prêt à faire en la matière. Et seulement après, nous verrons ce que nous ferons ou non sur l’Assurance chômage, souligne Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO au secteur de l’emploi et des retraites.
En décembre, des membres du gouvernement faisaient part de souhaits, entre autres une réduction de la durée d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi âgés de plus de 55 ans. FO ne participera pas à la diminution des droits des seniors. Et encore moins sans contreparties fermes en matière d’emploi !, prévient-il d’emblée.
Fonction publique : à quand une politique salariale ?
Une fonction publique comme zappée. Soit 5,6 millions d’agents publics. Le 11 janvier, en effet, lors de l’annonce de la nomination des ministres du gouvernement de Gabriel Attal, aucune citation d’un ministère de plein exercice pour la fonction publique. C’est une « évolution », et pas dans le bon sens, ironisait le secrétaire général de FO-Fonction publique, Christian Grolier, « cela marque un retour à la période 2017-2020 ».
Une faute politique
La crise Covid étant passée par là… Les gouvernements suivants disposeront d’un ministère dédié à la fonction publique. La situation actée le 11 janvier marque donc un retour en arrière que l’union interfédérale FO a condamné, déclarant le 12 janvier : L’absence d’un ministère dédié, qui bénéficierait des administrations nécessaires pour mettre en place une véritable politique salariale et améliorer les services publics, garants de justice sociale, est une faute politique. Et les agents font valoir leurs revendications salariales. FO exige ainsi, entre autres, une mesure générale indiciaire, rappelant que la perte de pouvoir d’achat relative à la valeur du point est de 27,5 % depuis 2000. Il faut aussi une revalorisation des grilles. Le chantier de négociations sur les carrières et les rémunérations, ouvert par le ministre Guerini, est aussi la priorité à venir, pour Christian Grolier. Le 15 janvier, le président de la République indiquait lors d’une réunion avec des parlementaires que Stan aura à porter une réforme historique de la fonction publique… La FGF-FO demande, elle, l’abandon d’un projet de loi Fonction publique programmé notamment pour casser le statut général. Le 16 au soir, l’octroi d’une fonction ministérielle (ministre délégué, secrétaire d’État ?) pour Stanislas Guerini restait une inconnue. Tout comme l’octroi d’un vrai ministère pour la fonction publique.
La libération de l’économie par une loi Pacte II : de énièmes déréglementations ?
Dès sa nomination le 9 janvier, le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé un acte II de libération de notre économie, notamment avec la simplification drastique de la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs. Initiative saluée par le patronat, notamment la CPME, prête à transmettre au gouvernement ses quatre-vingts propositions, visant entre autres à relever les seuils (d’effectifs de salariés) à partir desquels se fixent des obligations. Cet acte II évoqué par Gabriel Attal se situe dans le prolongement des annonces faites fin 2023 par l’exécutif, programmant l’arrivée début 2024 – au nom de l’attractivité de l’économie et du plein emploi – d’un projet de loi de simplification de règles et normes pour les entreprises. Parmi les mesures déjà évoquées, la réduction du délai de recours après un licenciement, une réforme durcissant les règles de la rupture conventionnelle… Ce serait une loi Pacte II, après celle de 2019. Loi que FO qualifiait de régression sociale.
Réindustrialisation et transition verte : des inflexions insuffisantes pour FO
Après une année 2023, qui a été la plus chaude jamais enregistrée, 2024 est celle des grands changements annoncés par l’exécutif. Elle sera la première année pleine d’entrée en application de la loi Industrie verte d’octobre 2023, laquelle veut favoriser une réindustrialisation décarbonée de la France, en particulier par l’implantation de sites industriels de technologies vertes (éolien, batteries, photovoltaïque, pompes à chaleur). Pour FO, la loi pèche par l’absence de vision globale, articulant enjeux industriels, sociaux et politiques publiques. Elle ne dit rien de la décarbonation des industries existantes, des filières à développer, des besoins en formation, de l’accompagnement des reconversions. Autre angle mort : le financement, qui repose sur la mobilisation de l’épargne des Français, des prêts ou garanties Bpifrance et la création d’un nouveau crédit d’impôt, lequel n’est pas conditionné à l’emploi, contrairement à ce que demande FO.
Un volet social toujours attendu
Même constat concernant le projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui devrait être adopté d’ici l’été. S’il comporte des éléments attendus par FO, notamment le repositionnement du nucléaire comme une des énergies de la transition (via la construction de quatorze EPR d’ici 2035), lui aussi ne constitue pas un vrai changement de logiciel. Aucun élément ne permet d’avoir une vision sur la garantie du financement de l’ensemble des moyens de production [pour] la transition, note FO-Énergie et Mines, qui déplore le manque d’ambition sur le biogaz et défend la création d’un pôle public de l’énergie décarbonée. Ici aussi, le grand absent est le volet social (statut, formation, recrutement, parcours dans les filières). Pour atteindre les objectifs [du] projet de loi, l’élément essentiel sera le corps social, martèle FO.
L’hôpital attend toujours les chantiers massifs promis par l’exécutif
Non-assistance à personne en danger. La qualification est forte, mais c’est bien le terme employé par Christian Prud’homme, secrétaire général du syndicat FO des hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui vient de déposer un signalement auprès de la procureure de la République au titre de l’article 40 du code pénal. Comme de nombreux autres en France, le syndicat FO alerte depuis plusieurs années sur les conditions de travail dégradées qui mettent en danger la santé des agents et celle des patients accueillis dans le service : les droits d’alerte et déclarations d’événements indésirables graves s’y succèdent. Et depuis cet automne on ne compte plus les établissements qui sont entrés en plan blanc pour faire face à un afflux massif de patients. Mais afflux massif ou manque de personnel ? Les services et les lits ferment, les agents quittent l’hôpital en raison de conditions de travail catastrophiques dues à des sous-effectifs chroniques, rapportait la fédération FO-SPS le 31 décembre dans un appel solennel au président de la République. Nous avons besoin de perspectives, du changement de paradigme que vous avez annoncé mais que vous n’avez pas mis en œuvre. Le 13 janvier, le Premier ministre, Gabriel Attal, évoquant l’hôpital comme trésor national, annonçait 32 milliards d’euros supplémentaires pour le système de soin dans les cinq ans. Mais cela correspond simplement à l’évolution des dépenses de la branche maladie, actée par la loi de programmation des finances publiques. Rien de nouveau donc. Le gouvernement confirme ainsi l’axe d’austérité sur les dépenses de l’Assurance maladie en 2024, soit des économies à réaliser à hauteur de 3,5 milliards d’euros dont un effort de 600 millions d’euros pour l’hôpital.
Le Ségur n’a fait qu’une partie du travail
À l’hôpital, l’urgence réside toujours dans la revalorisation de l’attractivité des carrières et le recrutement d’effectifs supplémentaires, indispensables pour la réouverture de lits. Or, comme l’ont martelé les délégués FO du secteur des services publics et de santé réunis en congrès en novembre dernier, le point d’indice dans la fonction publique a perdu près de 26 % de sa valeur depuis janvier 2000, soit un recul de pouvoir d’achat équivalent. Pour Didier Birig, secrétaire général de la fédération FO-SPS, une revalorisation des salaires ne manquerait pas d’encourager au retour des professionnels de santé qui ont quitté l’hôpital ces dernières années, et à en former de nouveaux. Au plan salarial, le Ségur n’a fait qu’une partie du travail.
Plein emploi : refuser un CDI peut entraîner une perte d’indemnisation chômage
La loi Plein emploi, promulguée mi-décembre, commence à produire ses effets. Désormais, le fait de refuser par deux fois, sur une période de douze mois, un CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim peut entraîner une privation de l’allocation chômage. L’offre de CDI doit porter sur un emploi similaire au contrat court, dans le même lieu et avec une rémunération au moins équivalente. C’est à l’employeur d’informer France Travail de ce refus. Cependant, pas de sanction pour le demandeur d’emploi si l’offre de CDI refusée n’est pas en lien avec le « projet personnalisé d’accès à l’emploi » qu’il a signé, ou s’il a été employé en CDI au cours de la même période.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2024, Pôle emploi est devenu France Travail. Au-delà du simple changement de nom, c’est un nouveau service public de l’emploi, en réseau, qui va se mettre progressivement en place d’ici à 2025. France Travail assurera à l’avenir l’accueil, l’orientation et l’accompagnement de toutes les personnes sans emploi, quel que soit leur profil.
Inscription automatique à France Travail
Pour les bénéficiaires du RSA, les jeunes suivis par les missions locales et les demandeurs d’emploi en situation de handicap accompagnés par Cap emploi, l’inscription à France Travail sera automatique dès le dépôt de la demande. Ils devront aussi signer un contrat d’engagement assorti d’au moins quinze heures d’activité hebdomadaire, sous peine de voir leur allocation suspendue, sauf situation particulière. La date d’entrée en vigueur de cette mesure doit encore être fixée par décret.
Cette loi instaure aussi une véritable territorialisation du service public de l’emploi, car les régions et départements notamment vont entrer dans la gouvernance de France Travail. FO redoute ainsi une rupture d’égalité entre les demandeurs d’emploi selon leur lieu de résidence.