Depuis la crise sanitaire, beaucoup de saisonniers ont décidé de réorienter leur carrière professionnelle. Et pour cause, la précarité liée à l’emploi saisonnier peut être un frein au recrutement de professionnels. Dans les Pyrénées-Orientales, le patron de l’UMIH et son homologue de FO défendent l’idée d’un CDI saisonnier qui permettrait de sécuriser ces emplois.
Pérenniser l’emploi en créant un CDI saisonnier, cette proposition n’est pas nouvelle mais elle revient sur le devant de la scène depuis que la réouverture des restaurants s’est accompagnée d’une pénurie de main-d’œuvre. Les saisonniers sont devenus une denrée rare depuis la crise sanitaire qui a lourdement impacté le secteur du CHR, pour café hôtellerie-restauration. Et pour cause, beaucoup de ces salariés se sont retrouvés au chômage, ont manqué la saison hivernale et ont réorienté leur carrière professionnelle. Créer un CDI saisonnier pourrait permettre de pérenniser et sécuriser leur emploi. Mais aussi d’accéder à un niveau de vie plus confortable avec, par exemple, la possibilité d’emprunter un crédit à la banque. Dans les Pyrénées-Orientales, ce projet est porté par deux acteurs différents, Brice Sannac, président de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) et Jérôme Capdevielle, secrétaire général de Force Ouvrière. Si les deux hommes sont d’accord sur le fond, les formes de leur proposition diffèrent.
Sept mois de travail, trois mois de chômage
Du côté de l’UMIH, l’idée serait d’employer les saisonniers à l’année avec une répartition de sept mois de travail, un mois de formation obligatoire et qualifiante, un mois de congés payés et trois mois pris en charge par Pole Emploi. « Pour l’employeur, cela permet de garder son équipe d’une année sur l’autre. Cela inciterait également les patrons à maintenir leurs établissements ouverts plus longtemps, car ils n’auraient plus de soucis de recrutement. Financièrement, l’employeur sera rassuré de pouvoir mettre ses collaborateurs au chômage durant les mois où l’activité est la plus faible », détaille Brice Sannac.
Ce projet est également défendu au niveau national. Les représentants de l’UMIH seraient en discussion avec le ministère du Travail.
Selon le représentant local de l’UMIH, ce CDI saisonnier serait une porte ouverte sur le développement d’un tourisme quatre saisons. « Après, rien n’est inscrit dans le marbre. Nous faisons des propositions qui peuvent être améliorées. Mais c’est le moment de s’emparer de ces sujets. Il faut faire avancer les choses », martèle Birice Sannac.
L’entreprise à but d’emploi engage les saisonniers
Le dessein de Force Ouvrière prévoit de créer une entreprise à but d’emploi qui recruterait les saisonniers et les emploierait en CDI. Les employeurs paieraient un droit d’entrée et pourraient embaucher les salariés en fonction de leur besoin. « Ainsi, les saisonniers pourraient continuer de travailler l’été à la mer et l’hiver à la montagne. Une période de l’année serait consacrée à la formation. Mais, surtout, notre volonté c’est que ces salariés ne se retrouvent pas au chômage. Quand on signe un CDI, ce n’est pas pour aller chez Pole Emploi ».
Pour Jérôme Capdevielle, cette structure serait financée par l’État, les employeurs ou encore Pole Emploi et ne s’adresserait pas uniquement au CHR mais aussi au secteur de l’agriculture. Les travailleurs de ce secteur seraient formés aux différents types de saisonnalité agricole (maraîchage, viticulture…) afin d’être en activités toute l’année.
Le syndicaliste a présenté ce projet à plusieurs élus des P.-O. mais aussi Jean Castex et le préfet Étienne Stoskopf. Ce dernier lui aurait donné un accord de principe pour engager sérieusement les discussions sur le sujet dès septembre.
Et les employeurs dans tout cela ?
Laurence Dupont est la directrice des ressources humaines du groupe Roussillhotel (Les Flamants roses à Canet-en-Roussillon, le Maritime à Argelès-sur-Mer, la Casa Païral à Collioure, l’Ile de la Lagune à Saint-Cyprien…). Chaque année, elle emploie une centaine de saisonniers dans ses différents établissements. Seul un tiers d’entre eux reviennent travailler d’une année sur l’autre.
La responsable n’avait pas connaissance des modalités du CDI saisonnier. Mais elle semble convaincue. « L’idée de la formation est excellente car il y a fort à faire sur les aptitudes professionnelles des saisonniers qui, parfois, ne trouvent pas d’emploi à l’année par manque de compétences« , précise Laurence Dupont. Néanmoins, elle émet une réserve sur la temporalité proposée par l’UMIH. « Dans certains secteurs, faire durer la saison sept mois, ce n’est pas possible. Dans l’hôtellerie, il m’arrive de faire des saisons de huit mois, mais un club de plage ne pourra pas« , analyse-t-elle.
Mais, malgré cette réserve, la DRH assure qu’elle serait intéressée pour faire signer de genre de contrats à ces saisonniers.
L’avis de la saisonnière : « On me le propose ? Je dis oui de suite »
Victoria assure des saisons depuis quatre ans dans le département mais aussi en Suisse. A 21 ans, ces périodes travaillées ne sont pas de simples compléments de revenus.
Elles lui permettent de vivre à l’année. Actuellement engagée en tant que serveuse et barmaid dans un restaurant de Banyuls-sur-Mer, cette détentrice d’un Bac pro vigne et vin et d’un BTS commerce du vin serait très intéressée pour signer un CDI saisonnier. »Faire les saisons cela a ses avantages. Pour ma part, je suis plutôt bien payée et cela me permet de changer de postes. Mais, à la fin de l’été, nous n’avons pas de perspectives« . Une réalité dont elle s’est particulièrement rendu compte durant la crise sanitaire. « Avec ce contrat on aurait la sécurité de l’emploi et on pourrait recevoir des formations. Et, surtout, ça permettrait de ne plus être dépendant de Pole Emploi. Si l’on me le propose, je dis oui de suite ».
Source: Diane Sabouraud
L’indépendant du 15 Juin 2021