Éducation nationale : les inspecteurs se dotent d’un nouveau syndicat

Contre la logique managériale que les gouvernements successifs tentent de leur imposer, les corps de l’inspection de l’Éducation nationale disposent désormais d’une nouvelle entité syndicale pour se réunir et pour lutter. Syndicat revendicatif, le SNCI-FO est aux antipodes d’une structure d’accompagnement des décisions ministérielles, ce qui a longtemps prévalu dans ce corps professionnel.

Entre problèmes de recrutement chroniques et incertitudes sur l’identité du ministre, la rentrée de l’Éducation nationale s’annonce d’ores et déjà compliquée. Mais une nouvelle force vient étoffer encore la Fédération nationale de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle (FNEC FP-FO) : fin juin, le Syndicat national des corps d’inspection Force ouvrière (SNCI-FO) a vu le jour. La jeune organisation entend œuvrer pour la protection de l’école et des missions des quatre corps d’inspection : les inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN) du premier degré, ceux du second degré, les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) et enfin les inspecteurs de la Jeunesse et des Sports (IJS).

Tous ceux-ci n’étaient jusqu’alors représentés que par deux organisations qui, selon le secrétaire général du SNCI-FO, David Megret, se contentent souvent d’accompagner les décisions ministérielles. Ces syndicats ont voté des positions contraires à ce qui était discuté avec la base, par exemple sur la rémunération au mérite, regrette-t-il. Ils ont beaucoup accompagné le Pacte enseignant et la mise en place des évaluations scolaires.

Des heures et des heures de tableaux Excel

À rebours de cette posture, le SNCI-FO entend être un syndicat proactif. Pour le coup, c’est un tournant, poursuit David Megret. Dans la résolution que nous avons adoptée, il n’est pas question d’accompagnement des politiques publiques. Quelle que soit la couleur du ministre en place, nous porterons nos revendications. À commencer par l’abrogation des réformes et des mesures, lesquelles qui plus est sans moyens supplémentaires, éloignent toujours plus les inspecteurs de leurs missions historiques. Le Pacte enseignant a placé les IEN en position de gestionnaires d’une part importante de la rémunération des enseignants, sous forme de primes. Des heures et des heures de tableaux Excel : on rentre dans une logique managériale qui n’est pas la nôtre. Ce n’est pas notre métier.

Une prise de parole forte au sein d’un corps professionnel d’ordinaire particulièrement discret sur ses opinions. Mais la discrétion n’empêche pas l’engagement, souligne David Megret. Les IEN sont très syndiqués et votent massivement aux élections professionnelles. La présence des inspecteurs pourrait avoir un poids non négligeable dans les négociations professionnelles selon Agnès Andersen, secrétaire générale du syndicat Indépendance et direction (ID-FO), qui représente les personnels de direction de l’Éducation nationale. C’est une grande satisfaction de voir la création d’un deuxième syndicat de personnels d’encadrement au sein de la fédération, salue-t-elle. Je voudrais souligner l’importance du syndicalisme des cadres, et de la recherche de points de convergence avec les syndicats des personnels.

Trois ans d’incubation

Avant de se constituer en syndicat indépendant, les inspecteurs ont tiré parti d’une période d’incubation au sein d’ID-FO, où ils étaient regroupés dans la branche « Secteur IEN-ID-FO ». Il nous fallait monter en compétence pour diriger une organisation comme celle-ci, explique David Megret. Nous avons bénéficié du savoir-faire et des structures d’ID-FO pour nous organiser, et nous avons pris le temps de nous structurer. La gestation aura duré trois ans. Le soutien d’ID-FO et de la FNEC a été indéfectible et précieux, estime-t-il. Le SNCI-FO est désormais pleinement armé pour défendre les spécificités des problématiques rencontrées par les inspecteurs.

Le secrétaire général souligne notamment le danger d’une fusion des différents corps d’inspection en un seul corps qui irait de la maternelle à la terminale, générale comme professionnelle, qui ferait de nous des pions interchangeables travaillant à la rationalisation de l’Éducation nationale. Le SNCI s’oppose également à toute forme de rémunération au mérite ou sous forme de primes des inspecteurs, et s’engage pour la protection de ces derniers face aux risques psycho-sociaux. Notre discrétion ne doit pas masquer le fait que certains inspecteurs et inspectrices subissent un management d’une grande violence de la part de certains directeurs académiques et recteurs. La retenue n’est pas toujours de mise : Les cadres de l’Éducation nationale sont tellement maltraités qu’ils s’autorisent de plus en plus à revendiquer et à dénoncer leurs conditions de travail, expose Agnès Andersen.

Formation : le management au détriment du pédagogique

Autre chantier à ouvrir : celui de la formation initiale et continue des inspecteurs. Depuis deux ans, une convention existe entre l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF) et les écoles universitaires de management (les IAE). Une orientation qu’Agnès Andersen juge problématique : Dans l’Éducation nationale, ce sont en particulier les conséquences du nouveau management public qui produisent une forte dégradation des conditions de travail des personnels comme des cadres. De quoi remettre en cause ces partenariats : Les formations des IAE émanent d’écoles de commerce et nous éloignent toujours plus du pédagogique, dénonce David Megret. L’IH2EF est pour nous sur une mauvaise pente. Nous demandons à être associés à l’élaboration des objets de formation.

Le SNCI entend ainsi lutter pour défendre son cœur de métier, pédagogique bien plus que managérial : Le bon fonctionnement de l’école repose d’abord sur le fait d’allouer aux équipes des moyens pour exercer les missions qu’on leur assigne, rappelle David Megret. À ce titre, son syndicat se joint aux revendications générales défendues par la FNEC-FP-FO : augmentation de 10% du point d’indice, défense de l’enseignement spécialisé, abrogation de la loi sur l’inclusion scolaire sans moyens, protection des statuts des fonctionnaires et refus de la contractualisation.

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