Arte présente un documentaire, « Goulag, une histoire soviétique » le 11 février, avec en parallèle un DVD et un album illustré, sur l’enfer concentrationnaire de la Russie soviétique de 1918 à 1953.
Ce documentaire qui fera certainement date sur ce sujet, a pris plus d’un an de travail. Il a été réalisé par Patrick Rotman, un des meilleurs spécialistes du genre. Il a été aidé par l’historien Nicolas Werth, grand connaisseur du monde communiste avec Stéphane Courtois et Alexandre Adler, entre autres. Le Bordelais François Aymé, directeur du festival du film international d’Histoire de Pessac, a participé à l’aventure.
Patrick Rotman résume cette somme historique : Il fallait traiter plusieurs angles à la fois : décrire le développement du Goulag et son lien avec l’histoire soviétique, en décortiquer les ressorts (une machine répressive et économique), et raconter ce que fut la vie terrible dans les centaines de camps
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Le Goulag c’est 400 camps dans toute l’URSS, essentiellement en Sibérie. C’est 26 millions de déportés et des millions de disparus. L’Occident a ouvert les yeux en 1974 avec la publication de L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne. Mais dès les années 20, anarchistes puis trotskystes russes avaient tiré la sonnette d’alarme. Il en fut de même dans les années 60 avec d’ex-communistes espagnols et grecs revenus de Sibérie.
L’auberge espagnole des camps
Dès 1918, ce sont les opposants au gouvernement qui sont déportés en Sibérie, comme l’avaient été ceux qui auparavant s’étaient opposés aux Tsars. D’abord, les socialistes révolutionnaires et les anarchistes, puis après 1926-28, les trotskystes. On retrouve aussi des nationalistes ukrainiens, baltes, caucasiens. Mais la grande masse des déportés vient de la paysannerie qui avait cru à la réforme agraire de 1917, mais avait refusé les réquisitions du communisme de guerre puis de Staline en 1932-33. Les « bons communistes » staliniens, victimes de procès de Moscou de 1936-1939, vont retrouver les hommes et les femmes qu’ils avaient eux-mêmes envoyés dans ces camps de la mort de faim, de froid. La différence avec les camps nazis, c’est qu’il n’y avait pas de politique officielle d’extermination, ni de fours crématoires !
Dommage que ce documentaire s’arrête en 1953. À la mort de Staline en mars, ils n’ont pas été fermés. Des révoltes sanglantes ont eu lieu à l’annonce de la mort du dictateur. Ce n’est qu’en 1955-56, surtout après le rapport Khrouchtchev, qu’ils se sont ouverts. Ils reprendront du service sous Brejnev, dans une moindre mesure, jusqu’à l’arrivée de Gorbatchev.
Mais l’ouverture des camps, puis des archives, avec le travail de l’association des anciens déportés « Mémorial », sera vite entravée, dès son entrée au Kremlin, par Poutine, ancien lieutenant-colonel du KGB.
« Goulag, une histoire soviétique », film documentaire en trois épisodes de 52 mn chacun. Première diffusion sur Arte le 11 février, DVD à paraître. Réalisation Patrick Rotman, scénario, Nicolas Werth, François Aymé. Album illustré : Goulag, une histoire soviétique, Arte éditions-Seuil, Paris, 2020, 220 p. |
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly