Discrimination, la situation de famille une notion entendue largement !

La Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt du 9 avril 2025 (Cass. soc., 9-4-25, n°23-14016) sur le motif tiré de la situation de famille, un des motifs de discrimination prohibé par l’article L 1132-1 du Code du travail.

En l’espèce, une collaboratrice parlementaire est engagée par un député, aux côtés d’une seconde collaboratrice qui, elle, est en outre l’épouse du député. A la cessation du mandat politique, le député licencie la première collaboratrice avec laquelle il n’a aucun lien familial.

La collaboratrice licenciée estimant être victime d’une discrimination en raison de sa non-appartenance à la famille de son employeur, saisit le juge.

En appel, l’employeur est condamné à des rappels de salaire et à diverses indemnités. La cour d’appel reconnaît une discrimination à l’égard de la salariée. L’employeur fait grief aux juges de statuer ainsi, il forme alors un pourvoi en cassation.

A l’appui du pourvoi, l’employeur énonce que l’interdiction de la discrimination fondée sur la situation de famille visée par l’article L 1132-1, s’entend de la seule famille du salarié. Il estime que la différence de traitement entre cette collaboratrice et son épouse était justifiée par des éléments objectifs tels que les fonctions plus politiques de la seconde, exigeant une disponibilité et une confidentialité totales. La cour d’appel a estimé que ces critères reposaient sur la seule qualité d’épouse de la seconde collaboratrice, et que c’est donc sur la base de l’absence d’appartenance au cercle familial de l’employeur, que la première collaboratrice a été traitée différemment.

La cour d’appel juge également que la situation de famille peut se définir par des critères propres à la personne discriminée, mais aussi par comparaison à d’autres situations de famille prises en compte au détriment de la personne discriminée.

Au vu de tous ces éléments, la cour d’appel retient une discrimination à l’égard de la collaboratrice licenciée, dépourvue de tout lien de famille avec l’employeur, et condamne ce dernier.

La Cour de cassation se range du côté des juges d’appel et rejette le pourvoi.

Elle estime que le défaut d’appartenance d’un salarié à la famille de son employeur, relève du champ de l’article L 1132-1, dès lors que ce défaut sert à traiter de manière moins favorable le salarié.

La Cour étaye sa position en invoquant le droit de l’Union Européenne, notamment la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2008 relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Elle mentionne également l’arrêt Coleman de la CJUE du 17 juillet 2008 (CJUE, 17-7-08, C-303/06) par lequel la Cour de justice affirme, à propos de personnes handicapées, que l’interdiction de la discrimination n’est pas limitée aux seules personnes elles-mêmes handicapées. Constitue également une discrimination prohibée aux yeux de la Cour de justice, le fait pour un employeur de traiter de manière moins favorable un travailleur en raison du handicap de son enfant.

La Cour de cassation adopte le même raisonnement que celui de la CJUE dans l’arrêt du 9 avril 2025. Le motif discriminatoire peut donc ne pas concerner directement le salarié qui invoque la discrimination. Il suffit que le motif conduise à traiter de manière moins favorable un salarié, ou même une personne, si l’on se réfère à la jurisprudence communautaire, pour que l’agissement soit sanctionné.

Employeurs, l’objectivité s’impose !

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