Le devoir de vigilance des entreprises françaises et multinationales est encore peu connu, y compris parfois des délégués syndicaux. Une loi de 2017 impose pourtant aux employeurs de s’assurer que les droits fondamentaux des travailleurs ne sont pas violés en leur siège mais également parmi toutes leurs filiales et sous-traitants, où qu’ils soient établis dans le monde. FO organise ce 16 janvier à la confédération, à Paris, une matinée-débat dédié à ce devoir de vigilance, en présence de délégués FO ainsi que de représentants de syndicats étrangers et de la CES.
Qu’une prestation soit effectuée sur le site ou par un sous-traitant à l’autre bout du monde, c’est notre responsabilité de syndicaliste de faire respecter les droits fondamentaux résume Branislav Rugani, secrétaire confédéral du secteur international. A quoi bon en effet défendre les droits des travailleurs ici, si ceux qui sont employés ailleurs voient les leurs bafoués, alors même qu’ils travaillent directement ou indirectement pour la même entreprise ? A quoi bon réguler l’impact des entreprises sur l’environnement dans l’Hexagone, si les outils de production sont délocalisés dans des pays où aucune réglementation n’existe ? C’est pour remédier à de tels écarts que le principe de due diligence rebaptisé en français devoir de vigilance a été élaboré par le Haut-commissariat aux Nations unies pour les droits de l’homme.
Une loi innovante
Il se traduit par une loi adoptée en 2017 qui impose aux entreprises de plus de 5000 salariés (dans leur filiales directes et indirectes) en France et à celles de plus de 10 000 salariés dans le monde dont le siège est fixé en France ou à l’étranger de publier chaque année un plan de vigilance quant aux violations des droits de l’homme, de la santé, de la sécurité et de l’environnement qui ont lieu dans les chaînes d’approvisionnement. 250 à 300 entreprises sont concernées par l’élaboration de ce document qui doit permettre de cartographier les risques, mettre en place des procédures d’évaluation régulière, des actions d’atténuation ou de prévention des atteintes graves et des mécanismes d’alerte accessibles à tous.
Cette loi, innovante lors de son vote (elle a depuis été suivie par d’autres tel en Allemagne, en Norvège ou en Suisse), demeure cependant difficile à appliquer. Une étude réalisée par FO dans le cadre de la convention IRES révèle les difficultés rencontrées. D’abord aucun décret d’application n’a été publié, ce qui incline un certain nombre de multinationales à ne pas respecter leur obligation de vigilance. Aucune sanction réellement dissuasive n’a été mise en place même s’il est possible de mettre en demeure les entreprises récalcitrantes, ou de poursuivre en justice celles qui ont généré des dommages constitués.
Les représentants des salariés peu associés
Parmi celles qui s’acquittent effectivement de cet impératif, la qualité du dialogue social quant à l’élaboration des plans de vigilance est loin d’être garantie. En 2019, selon l’association Entreprises et droits de l’homme, seulement 10 % des entreprises ayant élaboré un plan de vigilance avaient consulté leurs IRP. Et la législation est encore trop peu connue, y compris des délégués syndicaux. A noter encore que ces derniers ne disposent pas d’heures de délégation spécifiques pour se former (la fusion des instances représentatives au sein des CSE a conduit à une réduction sensible de ces heures) et s’informer sur le sujet, qui peut apparaître comme secondaire par rapport aux autres dossiers qu’ils ont en charge (salaires, fusions d’entreprises, restructurations…). Mais surtout, dans l’entreprise, la constitution du plan de vigilance est souvent confiée à des directions juridiques, voire à des consultants externes qui n’ont pas l’habitude de se tourner vers les syndicats. Le constat est que les représentants des travailleurs (IRP et délégués syndicaux) ont été les grands oubliés des entreprises dans le cadre de la mise en œuvre de la loi sur le devoir de vigilance rappelle l’étude FO.
Une directive européenne très attendue
Pour FO, cette loi n’était donc qu’un premier jet, qui a permis d’ouvrir les débats, et qu’il convient à présent d’améliorer. A cet égard, le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance, validé par le Conseil de l’UE et le Parlement européen le 14 décembre dernier représente un réel espoir. Les premières informations dont nous disposons indiquent que dans ce texte un rôle central est alloué aux OS et aux représentants du personnel et que la mise en place ou la désignation d’autorités administratives devraient permettre un meilleur suivi de ces obligations de vigilances, a salué Branislav Rugani dans un communiqué. Un périmètre plus large des entreprises concernées (seuil de 500 salariés et chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros) est également inclus dans ce texte.
Il convient bien sûr d’attendre l’adoption finale de cette directive. D’ici là FO continuera de revendiquer d’autres avancées telle que l’inclusion du secteur financier dans la directive européenne (il est déjà concerné par la loi française).